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Episode 8.16 - Descente des Ombres, 2ème partie
Par: Seema (seemag1@yahoo.com)

Version française: André (andduret@hotmail.com)

Note: Star Trek: Voyager, personnages et autres produits dérivés sont des marques déposées de Paramount Pictures. Aucune infraction aux droits d'auteurs de Paramount voulue. La Saison 8 virtuelle de Voyager (Voyager Virtual Season 8, VS8) est une entreprise à but non lucrative. L'histoire est propriété de son auteur. Pas de reproduction sans sa permission.

 

"Le procès de Janeway se poursuit tandis que Paris tente de résoudre ses problèmes de famille."

"Vous êtes Angelo Tessoni ?" La voix de Hileya était tranchante, autoritaire, et Marla pouvait voir que tous ceux présents dans le tribunal étaient concentrés sur Hileya.
"Oui, monsieur", répondit Angelo. Marla était fière de lui, il semblait confiant, une attitude éloignée de l'appréhension qu'il avait montré plus tôt.
"Vous êtes actuellement affecté au USS Voyager ?"
"Oui, monsieur, je le suis."
"Vous avez aussi servi sur l'Equinox sous le commandement du Capitaine Rudolph Ransom ?"
"C'est exact, oui, monsieur."
"Etait-ce votre premier poste ?"
"Non, monsieur", répondit Angelo. "J'ai servi sur le Goliad avec le Capitaine Price."
Hileya hocha la tête. "Et votre poste sur le Goliad dura ?"
"Deux ans, monsieur."
"Avez-vous fait la demande de votre transfert sur l'Equinox ?"
"Oui, je l'ai fait."
"Pourquoi ça ?"
"Parce que je voulais passer plus de temps à faire de la science", dit Angelo avec conviction. Il regarda vers Marla, qui lui répondit en inclinant légèrement la tête. "Le Goliad était en premier lieu un vaisseau diplomatique. L'exploration scientifique n'était qu'un aspect secondaire."
"Alors vous êtes un scientifique ?"
Angelo remua sur sa chaise. Marla se demanda si Hileya avait l'intention de poursuivre avec Angelo le même genre d'interrogation qu'il avait eu avec elle. Elle secoua la tête. Leurs histoires n'étaient pas tellement différentes. Elle était reconnaissante que Pachano ait décidé d'appeler Chakotay pour témoigner de leur bonne attitude à bord du Voyager. Ils avaient voulu que Janeway parle en leur faveur, mais étant donné les circonstances, cela n'était plus possible. Janeway avait cependant signé une déclaration sous serment et le juge l'avait accepté à la place du témoignage du capitaine.
"Un ingénieur, monsieur, mais je m'intéresse à la xénobiologie ainsi qu'à la xénoethnologie", dit Angelo. "C'était l'opportunité de passer plus de temps parmi d'autres espèces qui m'avait attiré sur l'Equinox."
"Pourtant, vous avez aussi participé à cette expérience barbare, en dépit de votre supposé 'respect' pour d'autres cultures", commenta Hileya.
"Objection", dit Pachano. "Je demande que le conseiller s'abstienne d'inclure ses opinions à l'égard des prétendues activées de mon client dans ses déclarations."
Le juge, Art Curie, hocha la tête. "Retenue. Surveillez-vous, Commandeur Hileya."
"Laissez-moi reformuler ma phrase." Hileya claqua des mains devant lui. "Vous avez participé aux expérimentations déjà décrites de façon précise par votre collègue, Noah Lessing, et confirmées par Marla Gilmore."
Angelo se tortilla visiblement. "Oui, je l'ai fait."
"Est-ce que commettre un meurtre comme vous l'avez fait ne viole..."
"Objection !" l'interrompit avec force Pachano. "Votre honneur, il fait une supposition sur ce que mon client aurait pu faire ou non."
"Votre honneur, c'est une simple question de sémantique", dit Hileya. Il fit un geste vers la table de la défense, d'un grand geste englobant Noah, Marla, Brian et James. "Je crois que Monsieur Lessing et Mademoiselle Gilmore ont déjà admis que ce qu'ils ont était l'équivalent d'un meurtre. Je ne crois pas que le Commandeur Pachano ne peut s'objecter si ses clients ont déjà admis le crime."
Curie jeta un regard sévère sur les deux avocats, les fixant à travers ses lunettes au contour métallique. "Je vais accorder l'objection au Commandeur Pachano, conseiller. Dans l'ensemble, vous dictez un verdict et cela est inacceptable. Vous devrez vous abstenir de ce genre de question ou trouver un autre moyen d'obtenir vos informations sans faire appel à des questions de sémantique."
Selon Marla, Hileya semblait frustré tandis qu'il faisait les cents pas devant le banc du juge.
"Alors dites-moi", dit-il au juge, "comment vais-je me référer à cet incident particulier autrement que par ce que c'est en vérité ?"
"Vous êtes un homme intelligent, Commandeur", répondit Curie. "Vous trouverez un moyen, j'en suis sûr. Vous pouvez continuer."
"Oui, votre honneur." Hileya retourna son regard vers Angelo. "Voici ma question, Monsieur Tessoni. Si vous êtes un scientifique, de ceux qui sont intéressés pour les autres cultures, pourquoi ressentiez-vous le besoin d'assujettir une autre espèce ?"
"Comme je l'ai dit auparavant, monsieur, nous n'avions pas le choix. C'était eux ou nous. Nous admettons que ce que nous avons fait était égoïste, mais comprenez que le besoin d'auto-préservation était extrêmement fort." A nouveau, Angelo parlait clairement et sa voix ne tremblait pas en admettant cela. Peut-être, songea Marla, que nous avons refermé le cercle. Nous sommes redevenus ce que nous étions en partant, des officiers de Starfleet avec une conscience et un code moral.
"Le besoin d'auto-préservation", répéta Hileya, une trace de mépris dans sa voix. Il leva le regard vers le juge. "Je n'ai rien à ajouter avec le témoin." Sur ce, il tourna les talons et retourna à sa chaise. Maria Pachano se leva.
"Monsieur Tessoni", dit Pachano de sa voix ferme et articulée. "Ressentez-vous des remords de ce que vous avez fait ?"
Angelo hocha la tête. "Oui, Madame, bien sûr. Nous, nous tous, en parlons souvent. Aucun de nous ne se sent bien avec ce que nous avons fait. Mais dans les circonstances, nous avions vraiment senti que nous n'avions pas le choix."
"Alors vous avez senti que les circonstances vous forçaient vraiment la main ?"
"En effet, oui, Madame."
"Et si vous faisiez encore face à cette décision particulière dans le futur, comment réagiriez-vous ?" demanda Pachano en s'approchant d'Angelo, les mains jointes dans son dos.
"Peu importe les ordres, je ne commettrai pas une action qui violerait mon code d'éthique", dit Angelo. Marla hocha la tête. Bonne réponse, pensa-t-elle, envoyant en silence un encouragement en direction de son ami.
Pachano hocha la tête. "Merci, Angelo. Je n'ai plus rien d'autre à demander à ce témoin."
 
***
 
L'expression de T'Sai ne changea pas en s'approchant de Chakotay. Ce dernier se frotta les mains, se rappelant que T'Sai était du côté de Janeway et qu'elle poserait seulement les questions qui aideraient Catherine.
"Commandeur", dit T'Sai. Chakotay était reconnaissant du fait qu'elle lui accordait le rang que lui avait donné Janeway il y a sept ans. Depuis qu'ils étaient revenus dans le Quadrant Alpha, les rangs, à l'exception de la promotion récente de Harry, avaient été utilisé irrégulièrement, surtout dans le cas des ex-maquisards. Un autre signe des choses à venir, pensa Chakotay en recentrant son attention sur T'Sai.
"En tant que Premier Officier, vous offriez souvent votre opinion sur une variété de sujets, n'est-ce pas ?" demanda T'Sai.
"Oui, je le faisais."
"Vous attendiez-vous à ce que le Capitaine Janeway suive votre avis à chaque fois ?"
"Comme je l'ai déjà dit, non, ce n'est pas le cas. C'était mon travail d'offrir des alternatives. C'était elle qui prenait la décision finale. Il y a eu de nombreuses occasions où elle a choisi l'option que je proposais."
T'Sai hocha la tête. "Dans les charges mises en avant par le Commandeur Shelrak", elle se tourna pour glisser un bref regard vers l'avocat Axanar, "explicitement, 'aide et soutien d'une force alien hostile ainsi qu'abandon du devoir', avez-vous jamais senti que le Capitaine Janeway agissait autrement que dans le meilleur intérêt de son équipage ?"
"Non", dit fermement Chakotay. Il regarda vers Janeway et fut heureux de voir que ses lèvres se courbaient vers le haut, même si ce n'était que légèrement. "A chaque fois, le Capitaine Janeway était concentrée sur son équipage et sur sa promesse faite à l'équipage."
"Vous étiez, comme certains le disent, dans des eaux inconnues." T'Sai bégaya sur cette dernière expression familière, mais se reprit rapidement. "Vous devez avoir fait face à de nombreuses situations qui imposaient des décisions rapides."
"Oui." Chakotay hocha la tête. "Nous nous sommes fait des ennemis plus souvent que nous nous sommes fait des amis. Dans certains cas, par exemple avec les Sernaix, l'espèce que nous rencontrions tirait d'abord et posait des questions ensuite. Dans de nombreux cas, incluant celui de l'alliance avec les Borgs, le temps était essentiel."
"Avec le recul, considérez-vous les décisions prises par le Capitaine Janeway comme préjudiciables au bien-être de son équipage ?" Demanda T'Sai.
"Non, pas du tout." Chakotay esquissa un mince sourire. "Elle nous a ramenés, n'est-ce pas ?"
"Maintenant, à propos des Borgs", dit T'Sai. "Comme le signalait le Commandeur Shelrak, vous n'étiez pas d'accord avec l'alliance. Cependant, ce fut un autre exemple de 'décision rapide' ?"
"Oui, Madame. Dans ces circonstances particulières, nous avions très peu d'informations pour aller de l'avant. Si nous avions fait une pause pour réfléchir à toutes les possibilités, c'était soit l'Espèce 8472, soit les Borgs qui nous auraient attaqué. Les circonstances étaient telles que le Voyager n'aurait pas survécu à une attaque de l'une ou l'autre espèce. Oui, nous étions en désaccord sur la marche à suivre, mais nous étions pris entre le marteau et l'enclume."
T'Sai hocha la tête. "En référence à l'abandon de devoir, pouvez-vous relater pour l'assemblée ce qui est exactement ressorti de ces trois mois dans 'l'espace mort.'"
Chakotay remarqua que Louvois semblait spécialement intéressée par cette question particulière. Shelrak semblait simplement s'ennuyer.
"Il n'y a pas beaucoup à dire." Chakotay haussa les épaules, gardant un ton neutre et nonchalant. "Nous avions traversé des moments particulièrement difficiles et nous avions abouti dans un espace vide où il n'y avait rien à explorer à des années-lumière. Le capitaine a choisi d'utiliser ce temps d'une manière constructive." Il fit une pause, remarquant que Janeway secouait la tête vers lui. Il choisit d'ignorer le signal et continua. "Si vous passez en revue tous les entrées au journal de bord du Voyager, vous découvrirez que les membres de l'équipage ont saisi cette opportunité pour renouer avec leur passe-temps ou pour passer du temps avec leurs amis ou apprendre de nouvelles responsabilités."
"Mais dans vos notes, vous écriviez qu'elle n'était pas sortie de ses quartiers pendant une période de quatre-vingts-dix jours", signala T'Sai. "Est-ce que l'équipage ne s'inquiétait pas de l'absence de son capitaine ?"
"S'il y avait des inquiétudes, elles étaient injustifiées et je n'étais au courant d'aucun cas d'anxiété particulière", dit Chakotay d'un ton neutre, s'étonnant lui-même de cette non-vérité. Il sentit son visage s'échauffer, et s'obligea à ne pas bouger ni révéler sa déconfiture. "Je laissais savoir à l'équipage que le Capitaine était disponible s'ils avaient besoin d'elle."
T'Sai ne semblait pas convaincue, mais par bonheur, sa question suivante démontra qu'elle abandonnerait cette ligne particulière d'interrogation.
"En terme d'intégration avec l'équipage, comment décririez-vous Catherine Janeway ?" s'enquerra T'Sai. Le visage de Chakotay d'adoucit. Comment la décrirait-t-il, vraiment...
"Le Capitaine, comme je l'ai dit, était toujours disponible pour son équipage et elle prenait un intérêt actif à leurs vies et leur développement. Par exemple, elle, parmi plusieurs autres, organisait une 'nuit des talents'. Et elle ne se contentait pas de rester sur le côté." Chakotay sourit au souvenir de Catherine interprétant le balai de la mort du signe. L'équipage, se rappelait-il, en avait aimé chaque minute et de petites touches comme celle-ci semblaient rendre Catherine plus accessible, en dépit de sa position d'autorité. "Elle a pris part au spectacle et a continué d'y participer chaque année, après ça. Catherine... Janeway connaissait aussi les noms de chaque membre de l'équipage à bord de son vaisseau et se faisait un point d'honneur de savoir quelque chose sur chacun d'eux. Peut-être qu'elle se renfermait à l'occasion, mais son équipage savait qu'elle se souciait d'eux et avait l'intention de les ramener à la maison."
"Alors en dépit de cette solitude occasionnelle à laquelle vous vous référez", dit T'Sai, "vous dites que Catherine Janeway était impliquée activement dans la marche de son vaisseau et au bien être de son équipage ?"
"Oui, beaucoup."
T'sai hocha la tête. "Pensez-vous que Catherine Janeway ait jamais risqué la vie de son équipage ?"
Chakotay réfléchit. "Pas volontairement. Elle considérait absolument toutes les possibilités avec attention."
"Et diriez-vous que Janeway suivait les procédures de Starfleet dans la majorité des cas ?" demanda T'Sai.
"Toujours", dit Chakotay. "Dès le début, en dépit du mélange des équipages, Janeway était déterminée à diriger le Voyager comme un vaisseau de Starfleet."
"Jusqu'au point que, lorsque vous proposiez une solution maquisarde à un problème, Janeway ne voulait pas y penser ?"
Chakotay hocha la tête, se rappelant sa proposition de partager de la technologie avec les Kazons après plusieurs semaines d'attaques impitoyables, sans mentionner la mort de son ami, Kurt Bendara.
"Oui", dit Chakotay, s'éclaircissant la gorge. Il fut surpris de s'apercevoir à quel point il s'émouvait encore de la mort de Bendara, même après toutes ces années. Autant pour le temps qui guérit toutes les blessures, pensa-t-il sans passion. Le temps vous aidait seulement à vivre avec la perte, rien de plus, rien de moins. "J'ai proposé une rencontre avec les Kazons pour leur donner ce qu'ils voulaient."
"En dépit des Ordres Généraux qui l'interdisaient ?"
"Oui."
"Finalement, Janeway décida de former une alliance temporaire avec les Kazons ?"
"Oui, c'est exact."
"Qu'est-ce qui lui a fait changer sa décision ?"
Chakotay ne répondit pas immédiatement. Cet incident particulier lui restait sur le coeur, simplement parce que Janeway avait choisi l'avis de Tuvok plutôt que le sien. A cette époque, Chakotay l'avait vu d'un autre point de vue, comme si Janeway n'avait pas assez confiance pour se confier à lui.
"Je crois qu'elle a ré-évalué la situation", répondit Janeway d'un ton neutre. "Comme il a été dit, le premier devoir d'un capitaine est envers son équipage. Janeway a choisi l'alliance parce qu'elle croyait que cela nous aiderait à traverser le territoire Kazon."
"Et c'est pour cette même raison qu'elle a fait cette alliance avec les Borgs ?" Elle se tourna légèrement pour faire face à Shelrak.
"Oui", dit Chakotay. "En dépit de mes réserves, elle y avait beaucoup pensé et était convaincue qu'une alliance avec les Borgs était la meilleure solution possible. Malheureusement, comme dans le dicton, les meilleurs plans tournent souvent au pire."
"Est-ce qu'il ne vous est jamais venu à l'esprit à tous les deux que s'installer dans le Quadrant Delta pouvait être la meilleure solution possible à votre dilemme ?" demanda T'Sai.
"A l'occasion, oui, mais comme je l'ai dit, Janeway avait fait une promesse et elle avait l'intention de la tenir."
"Je crois que le Commandeur Shelrak a passé une période de temps illogiquement longue à rassembler une longue liste de décisions de commandement qu'il avait l'intention de remettre en question..." commença T'sai, avant d'être interrompue par Shelrak, qui montrait finalement un certain niveau d'attention.
"Objection. Le Commandeur T'sai devrait s'abstenir de ses insultes", dit Shelrak, sa fierté de toute évidence froissée. Chakotay dut retenir un sourire.
"Mes excuses." T'Sai s'inclina légèrement en direction de Shelrak. "Je retire mon commentaire, votre honneur."
"Très bien, conseiller", dit Louvois. "Je suppose que je n'ai pas à vous rappeler de vous abstenir de commenter le jugement de l'autre conseiller."
"Non, votre honneur, vous n'avez pas à le faire", dit T'Sai.
"Très bien. Poursuivez." Louvois se réinstalla dans sa chaise, le cuir craquant comme elle changeait de position.
"Je crois qu'il est possible que le Commandeur Shelrak continue à poser des questions sur certaines décisions de commandement prises par le Capitaine Janeway", dit T'Sai. "En tant que son premier officier, Commandeur Chakotay, avez-vous jamais senti à un moment que le Capitaine Janeway ait pris une décision qui était contraire à sa responsabilité première de capitaine du Voyager ?"
Chakotay ne prit pas le temps d'y penser, sachant qu'il ne pouvait pas y penser, ou bien il serait en mesure de se rappeler des occasions où Janeway avait pris des décisions qu'il ne pouvait pas digérer. Mais, en y pensant avec ironie, il avait déjà modifié la vérité au moins une fois.
"Non, Madame", dit clairement Chakotay, et il eut le plaisir de voir Louvois prendre des notes.
T'Sai paraissait satisfaite, enfin... aussi satisfaite qu'une Vulcaine puisse paraître. Elle jeta un oeil vers Louvois.
"J'en ai terminé avec le témoin", annonça T'Sai.
"Très bien", dit Louvois. "Monsieur Chakotay, vous pouvez disposer, avec les remerciements de l'assemblée. Commandeur Shelrak, vous pouvez appeler votre prochain témoin."
Shelrak se leva, la poitrine gonflée du sens exagéré de son importance. Chakotay put difficilement s'empêcher de lancer un regard vers Catherine en dépassant la table de la défense. Cependant, elle ne lui retourna pas un regard.
"J'appelle le Lieutenant Harry Kim comme témoin, votre honneur", annonça Shelrak alors que Chakotay quittait la salle du tribunal.
 
***
 
B'Elanna se tourna vers le soleil, les rayons lui réchauffant le visage. Un beau jour dégagé comme celui-ci était rare. Elle se rappelait des jours de brouillards sans fin durant ses jours à l'Académie et l'entêtement des résidents de la cité contre l'implantation de tout genre de contrôle climatique. C'était une ironie cruelle d'être bénéficier d'une splendide journée comme celle-ci, quand elle était confinée la plupart du temps à ses quartiers.
De toute façon, elle était contente de la distraction. Elle commençait rapidement à se sentir claustrophobe dans la petite chambre qui leur avait été assignée, amplifiant ses peurs et ses inquiétudes. Tous les pires scénarios se jouaient quand elle était assise dans la chambre, à jouer avec Miral. Que lui arriverait-il ? A Tom ? A Miral ? Frustrée, B'Elanna prit finalement une décision. Au diable les directives, elle allait sortir.
B'Elanna poussa la poussette dans le passage, parfaitement consciente du garde de la sécurité qui suivait à seulement quelques pas derrière elle. Pendant un instant, B'Elanna songea envoyer un coup bien placé vers le garde, mais reconsidéra l'idée quand elle vit un visage familier se diriger vers elle.
"Chakotay !" appela-t-elle.
L'ex-Premier Officier du Voyager pressa le pas.
"Je te cherchais", dit Chakotay alors que B'Elanna s'arrêtait. Il se pencha légèrement pour caresser les boucles de Miral. Cette dernière gazouilla, ses poings potelés s'avançant pour attraper à pleines mains la chemise de Chakotay.
"Je suis en liberté conditionnelle pour une heure", dit B'Elanna avec ironie. "Apparemment, avoir un enfant donne des privilèges spéciaux. Pourquoi as-tu été libéré ?"
Chakotay glissa un regard vers le garde de la sécurité qui restait à une distance respectueuse. B'Elanna se retourna pour suivre le regard de Chakotay. Le fait qu'il garde une main sur son phaseur ne lui avait pas échappé.
"Tu sais, en qualité d'ex-terroriste, j'ai mes entrées." Chakotay sourit. B'Elanna secoua la tête et se pencha pour vérifier le chapeau de Miral. L'enfant avait l'habitude de l'enlever, de même que ses souliers ou ses chaussettes, quand B'Elanna regardait ailleurs.
"Tu es doué, Chakotay, mais pas à ce point", dit B'Elanna d'un ton neutre. "Tu l'as dit toi-même. Nous sommes tellement devenus Starfleet qu'il ne reste plus grand chose de cette fourberie de Maquis dans notre sang."
"Tu me connais trop bien." Chakotay se pencha près de B'Elanna pour pouvoir continuer à jouer avec Miral, dont les petits signes montraient clairement qu'elle était heureuse de voir Chakotay. "En fait, j'ai été appelé en tant que témoin à l'audience du Capitaine."
B'Elanna se redressa, l'expression inchangée. "Quoi ?"
"Tu m'as entendu", dit Chakotay, nonchalant. "Comme tu peux l'imaginer, ils avaient une question ou deux à me poser."
"Je l'aurais parié," dit B'Elanna. "Comment ça c'est passé ?"
Chakotay haussa le épaule. "Qui sait ? Je suppose que tout cela n'est que pure formalité. Leurs idées sont déjà fixées et ils ne font que passer par les procédures. La dernière conversation que j'ai eu avec Catherine avait assez bien scellé cela. Je pense qu'elle le sait aussi."
"C'est réconfortant." B'Elanna sentit un léger froid lui descendre le long du dos, en dépit de la chaleur du soleil. Sans y penser, elle se pencha pour ajuster la couverture de Miral. Miral gigota dans la poussette, s'avançant pour attraper les cheveux de B'Elanna. Soigneusement, B'Elanna désserra la poigne de Miral tandis en se redressant pour faire face à Chakotay.
"Effectivement. Je dois témoigner pour les Cinq de l'Equinox dans une heure et ensuite j'aurai une réunion avec mon avocat cet après-midi."
"Cela semble épuisant", dit B'Elanna. Pour ce qu'elle en savait, il n'était pas prévu qu'elle témoigne pour Janeway ou les Cinq de l'Equinox pour le moment. Elle en était contente. Témoigner contre ses amis et son ancien officier de commandement, à ses yeux, constituait une trahison de leurs relations. Cependant, elle savait que si elle était appelée, elle devrait remplir son devoir de dire la vérité, puis prier pour que ses paroles ne causent pas trop de dégâts. "Surtout si leurs idées étaient déjà faites."
"Je n'ai pas hâte d'y être, pour cette raison", continua Chakotay. "Il semble que la division légale de Starfleet mérite son salaire pour la première fois depuis des années."
"Pourtant, les procédures semblent interminables. Quel est la raison du délai ?"
"Tes suggestions valent les miennes."
"Aussi beau que tout cela paraisse..." B'Elanna regarda longuement les environs du parc, "j'ai réellement hâte de retourner à une vie normale. Je hais l'idée d'être coincée ici plus longtemps."
"Comme je l'ai dit, je vais voir cela. Peut-être que tu partiras pour des vacances tout frais payés en Nouvelle Zélande plus tôt que tu ne crois."
B'Elanna ne rit pas. "Tu parles comme Tom", se plaignit-elle. En vérité, elle n'aimait pas les occasionnelles remarques désinvoltes de Tom concernant leur situation. Elle comprenait que son mari fasse de son mieux pour donner une touche positive aux événements actuels et qu'il utilise l'humour comme échappatoire. Pourtant, l'incertitude la dérangeait et la mettait encore plus sur les nerfs qu'elle ne l'avait été depuis des années. "Que penses-tu qu'il arrivera ?"
Miral hurla quand sa tétine tomba de sa bouche et, heureusement, atterrit sur ses genoux couverts. B'Elanna l'essuya rapidement avec un tissu nettoyant avant de la tendre vers Miral.
"C'est politique. Un tas de gens ne voient pas notre contribution sur le Voyager comme 'du temps de service'."
"Définies 'un tas de gens'", dit abruptement B'Elanna.
"Les Cardassiens, pour commencer", dit Chakotay, gêné.
"Alors la Fédération est amie avec les Cardassiens maintenant ?"
"A ce qu'il semble, et même au point de rassembler des fournitures de secours pour aider à la reconstruction de Cardassia."
"Terrible. Alors comme ça, les Cardassiens ont aidé durant les dernières heures de la Guerre du Dominion et ils reçoivent des fournitures de secours. Toutes ces années de tyrannies et d'assujettissements, oubliées."
"Je vais faire de mon mieux pour négocier une entente à l'amiable entre les deux côtés."
"Je n'en doute pas." B'Elanna se remit à marcher, quand Miral recommença à s'agiter. "Chakotay, je ne veux pas aller en prison pour ce que nous avons fait."
"Je ne pense pas qu'aucun de nous le veuille." Chakotay resta à la hauteur de son amie. "Mais je ne sais pas nécessairement si nous avons ou non le choix."
"Tu abandonnes déjà ?"
"Non. J'évalue simplement la situation avec réalisme. La Fédération veut contenter Cardassia. Cardassia veut traîner le Maquis en justice. C'est aussi simple que ça, B'Elanna. Tu ne peux ignorer les aspects politiques dans ce qui nous arrive. Tout cela..." Chakotay fit un grand geste, "est une chasse aux sorcières politique concue pour satisfaire un cercle d'amiraux pour des raisons inconnues de toute personne logique."
B'Elanna se mordit la lèvre. Chakotay avait l'air assez raisonnable et il ne lui avait pas dit autre chose que ce qu'elle savait déjà. Dans le passé, elle ne s'était pas particulièrement souciée de ce qu'il lui arriverait, de vivre, de mourir, ou d'aller en prison, tout cela lui était égal. Cependant, maintenant elle avait à se soucier de Miral, et la pensée d'être séparée de son enfant était encore plus déchirante qu'elle n'aurait jamais pu imaginer.
"Donc nous allons devoir porter le chapeau parce que quelques amiraux pompeux ne veulent pas rendre furieuses les têtes plates", dit sèchement B'Elanna. Le ton de sa voix fit pleurnicher Miral et B'Elanna fit une pause pour caresser les cheveux de sa fille. "Ca va, Miral. Je suis désolée. Chakotay, je refuse d'être étiquetée comme terroriste pour le reste de ma vie..." sa voix s'éteignit.
"Ils ne veulent pas nous pardonner d'avoir levé les armes contre la Fédération. Tu sais cela."
"Levé les armes ?" B'Elanna pivota de surprise. "Chakotay, le traité de la Fédération avec Cardassia et la formation de la Z.D.M. fut directement responsable de la naissance du Maquis. Si la Fédération avait fait quoi que se soit pour protéger ses citoyens, nous n'aurions pas eu besoin de lever la cause. Tu sais cela aussi bien que moi, alors n'essaies pas de rationaliser ce qui nous arrive. La situation a été causée par la faute de la Fédération et ils ont trop peur de faire face à leurs propres erreurs. Si ces gilets pompeux avaient un iota de bon sens, ils arrêteraient d'aider les Cardassiens et à la place, ils les rendraient responsables de ce qui est arrivé dans la Z.D.M.. En fait, je propose que nous trainions les Cardassiens en procès pour la boucherie du Maquis. Après tout, n'est-ce pas la responsabilité de la Fédération d'amener les meurtriers de citoyens de la Fédération devant la justice ?"
Chakotay glissa un regard au-dessus de son épaule. Le garde les suivait toujours, l'expression impassible
"B'Elanna", dit-il à voix basse, "t'énerver n'aidera pas."
"Que veux tu que je fasse ? Tu viens juste de dire qu'il est possible que nous faisions face à des sentences de prison. C'est totalement inacceptable..." elle s'arrêta quand un deuxième garde de la sécurité l'approcha.
"B'Elanna Torres ?" demanda-t-il, un peu gêné.
"Oui, c'est moi." répondit-elle. "Je peux faire quelque chose pour vous ?"
"Ceci est pour vous." Le garde lui tendit une tablette. "Vous êtes priée de retourner à vos quartiers jusqu'à l'audience. Vos privilèges de sortie ont été supprimés."
"Et ça allait tellement bien", dit B'Elanna, la mine renfrognée. Elle plaça la tablette dans le sac à couche et fit faire demi-tour à la poussette. "Chakotay..."
"Et vous ne devez plus avoir aucune communication avec un autre maquisard", interrompit le garde.
B'Elanna soupira.
"Vous savez vraiment comment couper tout le plaisir, n'est-ce pas ?" demanda-t-elle, tentant désespérément de retenir sa colère. Déjà, Miral se tortillait sur sa chaise, tentant de voir ce qui se passait. "Très bien, je rentre."
Comme elle retournait vers les baraquements, flanquée de deux gardes de la Sécurité, B'Elanna résista au besoin de se retourner et de regarder une dernière fois Chakotay. Au moment où elle atteignit les quartiers qui leur étaient assignés à elle et Tom, sa lèvre inférieure trembla involontairement. Malédiction, depuis quand était-elle devenue émotive.
Arrête ça, se réprimanda-t-elle furieusement en retirant Miral de la poussette. D'une manière ou d'une autre, elle ne pouvait pas repousser le sentiment prémonitoire qui prenait lentement le contrôle de chaque cellule de son corps. Miral hurla quand B'Elanna la posa sur le sol.
"Tiens", dit B'Elanna sans y penser, en tendant un jouet aux couleurs vives à Miral avant de retourner son attention sur la tablette que le garde de la sécurité lui avait remis. Gardant un oeil sur sa fille qui était complètement absorbée par le jouet, B'Elanna s'assit sur le coin du lit et parcourut son contenu. Comme elle continuait à lire, absorbée par sa lecture, les mots devinrent flous et elle laissa tomber la tablette, faisant crier Miral de peur.
"Ca va, je suis désolée de t'avoir fait peur", dit doucement B'Elanna, se penchant pour prendre Miral dans ses bras. Elle posa ses lèvres sur la peau douce de Miral. "C'est une erreur, une erreur terrible. Quand ton père reviendra, nous arrangerons cela. Ne t'inquiètes pas. Tout s'arrangera."
B'Elanna s'assit alors, ses yeux braqués sur la porte, attendant le retour de Tom.
 
***
 
Tom croisa les mains et se rassit sur la chaise, faisant attention à garder sa posture. Il comprenait qu'il n'y avait rien d'informel dans cette réunion, le premier face à face entre le père et le fils depuis des années. L'expression sur le visage de son père le consternait aussi. Pas tellement le regard 'tu as des problèmes' dont Tom avait l'habitude, mais quelque chose d'entièrement différent.
"Et bien, je suis là", blagua maladroitement Tom. "Et je suppose que je n'irai nul part, alors si vous avez quelque chose à dire..."
Owen Paris soupira. "C'est difficile pour moi, Tom, alors je n'irai pas par quatre chemins. J'envisage de prendre la garde de Miral se soir."
Les yeux de Tom s'élargirent. "Quoi ?"
"Je pense que c'est dans le meilleur intérêt de tout le monde, incluant Miral, si elle venait vivre avec ta mère et moi jusqu'à la fin des audiences."
"Avec tout le respect que je te dois, je ne le crois pas", dit Tom. Il sentait la chaleur lui monter aux joues. "J'apprécie l'offre, mais B'Elanna et moi pouvons contrôler la situation. Ne t'inquiète pas pour nous."
Owen remua dans sa chaise, mal à l'aise. "Ce n'est pas vraiment un choix, Tom."
Tom le fixa. "Quoi ?"
"Starfleet vous ordonne de nous remettre la garde."
"C'est ridicule !" Tom ne pouvait plus rester assis et sauta presque hors de sa chaise. "Quel droit a Starfleet de prendre une décision à l'égard de ma famille ?"
"Contrairement au reste de vous, Miral n'est pas accusée de crimes..."
"Accusée de crimes ?" Tom lança un regard incrédule vers son père. "Attendez, c'est de la folie. Il doit y avoir une erreur."
"Comme il n'y aura pas d'audience, Miral ne peut être retenue pour aucune raison", poursuivit Owen, comme si son fils n'avait rien dit. "Comme dans le cas de Naomi Wildman, Starfleet a ordonné qu'elle soit remise à la garde de ses plus proches parents."
"Je ne peux pas croire ça. L'ordre général vingt-sept dit spécifiquement que les officiers de Starfleet ne seront pas séparés si les membres de leur famille peuvent être raisonnablement logés", signala Tom. "Cet ordre s'applique certainement ici. Quoi ? Vous êtes surpris que je m'en rappelle ? Je croyais que vous m'aviez enfoncé les ordres généraux dans la tête il y a des années de cela."
"Ca ne s'applique pas dans ces circonstances particulières."
Tom railla. "Alors vous récrivez tout simplement les codes de Starfleet ? Pourquoi ? Est-ce encore un autre moyen de me rabaisser ?"
"Ce n'est pas ça, Tom. Le problème s'est posé et il a été décidé que le meilleur endroit pour Miral était avec ta mère et moi. Simplement. Je t'assure que ce n'est pas une situation permanente."
"Miral a besoin de sa mère et de moi." dit Tom d'un ton délibéré et prudent, espérant que son père allait comprendre. "Vous ne pouvez pas séparer un enfant de huit mois de ses parents. Vous devez faire quelque chose. Faites leur changer d'idée..."
"J'ai essayé, Tom." Soudainement, Owen sembla très fatigué. "Ne penses-tu pas que j'ai travaillé sans arrêt pour le Voyager ? Dans l'état actuel, je n'ai gagné que quelques concessions. Comme je l'ai déjà dit, je dois choisir mes combats."
"Et bien, alors choisissez celui-ci !" relança Tom. "Je n'abandonnerai pas ma fille."
"C'est seulement pour quelques semaines."
"Ca n'a pas d'importance", dit Tom. Quelques heures, quelques semaines. Je m'en contre fiche. Miral n'ira nulle part sans B'Elanna et moi.
"Vous deux ne pouvez pas raisonnablement vous occuper d'un enfant quand vous subissez autant de stress..."
Tom se pencha vers l'avant, s'appuyant de tout son poids sur les paumes de ses mains. "Alors c'est ça ? Vous ne pensez pas que B'Elanna et moi puission nous occuper de Miral."
"Je n'ai pas dit ça..."
"Vous n'avez pas à le faire. Votre expression dit tout." Tom eut un rire sarcastique. "Une fois de plus, vous n'avez pas confiance dans le fait que je puisse faire quelque chose correctement."
"Ce n'est pas ça."
"Si, ça l'est," dit Tom. Il fit les cents pas dans tout le bureau, rentrant dans la bibliothèque pleine de différentes récompenses qu'Owen Paris avait acquises durant les années. Il y avait quelques photos de famille éparpillées ici et là, et Tom ne manqua pas de remarquer que son image était placée légèrement derrière un trophée. A un autre moment, Tom l'aurait pris comme un manque d'attention de la part son père, peut-être un léger réarrangement qui n'avait pas été remarqué, mais à ce moment précis, l'image représentait le gouffre entre eux. "Vous ne m'avez jamais fait confiance en rien, n'avez jamais cru que je valais grand chose."
"Tu as tort, Tom."
" J'ai tort ?" Tom secoua la tête. "Nommez-moi une fois où je vous ai rendu fier."
"Ce n'est pas le moment."
"Ce n'est pas le moment? Alors dites-moi quand ça l'est ?" Tom se croisa les bras sur sa poitrine. "Quand vous êtes venu à bord du Voyager juste après la naissance de Miral, j'ai vraiment pensé que les choses seraient différentes entre nous deux. Vous étiez si différent du père dont je me rappelais, et en fait j'étais impatient de passer du temps avec vous. Je vois maintenant que j'avais tort. Vous êtes toujours le même."
"Ecoute, je ne suis pas nécessairement en accord avec la décision de Starfleet, mais je n'ai que cette influence, Tom, et il est plus important pour moi de travailler sur le cas de Janeway que d'argumenter pour ce que ça donne."
"Qu'en est-il du Maquis ?" défia Tom. "Allez-vous faire quoi que se soit à ce sujet ?"
"Je te l'ai déjà dit. Cette situation est hors de ma portée."
"Merveilleux." Tom roula des yeux. "Je ne demande pas beaucoup. Je ne veux pas de médailles, je ne veux aucun honneur et je n'ai certainement pas besoin de Starfleet. Je veux seulement ma famille et il me semble que vous faites de votre mieux pour la briser."
"S'il arrive quoi que se soit à toi ou B'Elanna, alors tu peux être assuré que Miral est dans une bonne maison..."
"Ha ! J'ai vécu dans cette maison et je sais à quoi ça ressemble. Que je sois damné si je vous laisse élever ma fille."
Owen se leva. "Je crois que la conversation est terminée, Tom. Nous pouvons le faire de deux manières. Tu peux soit laisser partir Miral, ou nous la prendrons de force. C'est ton choix."
Le visage de Tom s'adoucit. "S'il te plaît, Papa. Ne nous fais pas cela. Je ne veux pas te supplier, mais je le ferai. Je le demande en tant que fils, juste cela, cette seule faveur. Dieu, je hais supplier, mais je ferai tout ce qu'il faudra. Dis-moi seulement que tu ne feras pas cela. Dis-moi que tu parleras à quelqu'un et feras changer l'ordre. C'est un bébé et elle a besoin de nous." Il se mordit la lèvre. "B'Elanna a besoin d'elle."
Owen resta impassible. "Je suis désolé, Tom."
Tom avala difficilement, et baissa le regard vers le tapis du plancher. Après un moment, il se reprit et regarda fixement son père.
"Vous m'avez laissé tomber dans le passé", dit doucement Tom, "et je vous ai pardonné pour cela, en grande partie. Je ne vous pardonnerai jamais ceci."
Sur ce, Tom se tourna pour partir.
"Je ne t'ai pas dit de disposer," dit sèchement Owen.
Tom retourna un regard. "J'aurais dû le savoir. Même maintenant, vous vous accrochez aux protocoles. Juste une fois, pourriez-vous être un père ?"
Owen Paris se carra les épaules mais maintint sa position derrière le bureau en bois massif.
"Vous pouvez disposez, Lieutenant", dit-il plutôt sévèrement.
Tom ne répondit pas. Il sortit dans le couloir et trouva Amélie qui l'attendait.
"Allons-y", dit-il abruptement tandis qu'Amélie s'ajusta à ses pas rapides et nerveux.
"Tom ? Est-ce que ça va ?"
Il ne pouvait pas parler et fut surpris de voir à quel point la boule dans sa gorge était douloureuse. Il cligna des yeux pour rajuster sa vision, mais c'était inutile. Durant le reste de la marche vers les baraquements, il resta silencieux, sachant que sa voix craquerait s'il parlait.
 
***
 
Janeway observa Harry Kim s'asseoir au banc. En sept ans, il avait fait un long chemin. N'étant plus cet 'Enseigne avide' du passé, mais plutôt un officier capable et compétent avec juste le bon mélange d'enthousiasme et de retenue. Janeway pouvait difficilement retenir sa fierté de voir quel homme était devenu Harry Kim. Peu importe ce qui arriverait à cette audience, Janeway espérait seulement que la réputation de Kim ne serait pas ternie par ces procédures. Il méritait une longue carrière dans Starfleet.
Janeway se pencha en avant, plaçant ses mains sur la table, alors qu'Harry prêtait serment.
Pour être franc, Janeway était toujours légèrement perturbée par le mensonge de Chakotay à l'égard de son retrait de l'équipage il y avait seulement deux ans. Elle comprenait que Chakotay ait tenté de la protéger, mais en même temps, contourner la vérité, même un peu, pouvait leur causer à tous encore plus de problèmes qu'ils n'en avaient déjà.
Dieu seul savait que le Maquis n'avait pas besoin d'un autre mauvais coup contre eux.
"Etes-vous le Lieutenant Harry Kim ?"
Janeway fut à nouveau toute ouies alors que Shelrak reprenait son interrogation. Harry était assis droit, son attitude était calme et concentrée.
"Oui, monsieur", répondit Harry d'une voix claire.
"Vous êtes actuellement affecté à l'USS Voyager ?"
"C'est exact."
"Et durant les sept dernières années, vous avez servi sous le commandement du Capitaine Catherine Janeway ?"
"Oui, monsieur."
"Maintenant", Shelrak commença ses habituels cents pas, une habitude que Janeway trouvait passablement irritante. "J'aimerais diriger votre attention sur les événements de la date stellaire 51715.2. Connaissez-vous les événements auxquels je me réfère ?"
"Oui, monsieur", dit Harry. Janeway reconnaissait aussi la date. Shelrak avait choisi de se concentrer sur la prise de possession du Voyager par les Hirogènes.
"Maintenant, en vos propres mots, veuillez nous raconter ce qui est arrivé." Shelrak saisit l'opportunité de faire une pause pour regarder Janeway. Elle rencontra son regard avec défi, refusant d'être intimidée par lui.
"Et bien, monsieur", dit Harry, "les Hirogènes, une espèce dont le style de vie est régi par la chasse, étaient parvenus à prendre le contrôle du Voyager après plusieurs jours de combat sans relâche. Ils ont utilisé les holodecks pour simuler des champs de batailles célèbres ou des scénarios de guerres, et un peu plus de la moitié de l'équipage s'est vu implanté avec des dispositifs neuraux qui leurs faisaient absorber complètement chaque détail de leurs nouvelles personnalités et du scénario dans lesquels ils étaient placés."
A l'oreille de Janeway, Harry paraissait un peu trop réciter, trop tendu et trop formel. Elle glissa un regard vers T'Sai, se demandant si l'avocate n'avait pas passé beaucoup trop de temps avec Harry à repasser les questions possibles.
"Incluant le Capitaine ?" demanda Shelrak.
"Oui, incluant le Capitaine."
"Participiez-vous à ces 'scénarios de guerres' ?"
"Pas à ma connaissance, non, monsieur", dit Harry. "Les Hirogènes avaient besoin de quelqu'un qui pouvait maintenir en marche les holodecks. Ils m'avaient choisi."
"Ah." Shelrak claqua des mains derrière son dos. "Alors vous étiez dans une position unique pour observer tout ce qui se passait à bord du Voyager pendant ce temps ?"
"Oui, je l'étais."
"Y avait-il quelqu'un d'autre de l'équipe de commandement qui n'était pas affecté par les Hirogènes ?"
"Le Docteur était le seul qui restait." Harry courba la lèvre dans ce qui semblait être du sarcasme. "Ils avaient besoin de lui pour soigner nos gens afin de les renvoyer à nouveau se faire tirer dessus ou transpercer, ou quoi que se soit d'autre."
"Aviez-vous tenté de communiquer avec le Capitaine ?"
Harry regarda Janeway et elle hocha la tête légèrement vers lui, espérant qu'il comprendrait qu'elle voulait qu'il soit honnête envers l'assemblée.
"J'ai essayé, en plusieurs occasions, d'atteindre le Capitaine et d'autres membres de l'équipe de commandement", dit finalement Harry. "Ce fut seulement après que Seven of Nine ait été amenée dans l'infirmerie qu'il nous a été donné la chance de briser l'emprise que les Hirogènes avait sur l'équipage."
"Vous avez réajusté son transpondeur neural, est-ce exact ?"
"Oui, monsieur."
"Objection", dit T'Sai de son siège. "Je ne vois pas la pertinence de cette série d'interrogation."
"Je suis d'accord", dit Louvois. "Commandeur, s'il vous plaît, venez-en au fait. Ou si vous avez terminé, vous allez vous asseoir."
"Votre honneur, j'ai à peine commencé", protesta Shelrak.
Louvois fit taire l'homme d'un regard perçant. "Ne nous faites pas perdre notre temps, Commandeur. Si vous avez du chemin à parcourir, veuillez le faire rapidement."
"Très bien, Lieutenant. Alors à vous deux, avec l'assistance du Docteur, vous avez été en mesure de formuler un plan pour reprendre le Voyager ?"
"Oui, monsieur." Harry remua sur sa chaise, semblant distinctement mal à l'aise.
"Maintenant, était-ce la première fois que le Voyager était entre les mains d'une espèce alien ?"
"Non", dit Harry. Il toussa légèrement. "Ce n'était pas la première fois."
"Est-ce vrai que les Kazons avaient déjà eu le contrôle du Voyager ?"
"C'est vrai", admit Harry. "Mais nous avons repris le vaisseau."
"Grâce aux efforts de Tom Paris, du Lieutenant Suder et de votre HMU, n'est-ce pas?"
"Oui", dit Harry. Janeway ferma les yeux pendant un seconde. Le souvenir d'avoir abandonné le vaisseau à Seska et Cullah lui restait toujours sur le coeur. Elle n'était jamais parvenue à transposer correctement en mots ce qu'elle avait ressenti à cette perte. Elle savait seulement qu'une douleur sourde et un vide se manifestaient dans sa poitrine.
"Et quand les Kazons ont pris le Voyager, qu'est-il arrivé à l'équipage ?"
"Nous avons été abandonnés sur une planète", dit Harry tout bas.
"Et vous vous êtes retrouvés livrés à vous-même ?"
Harry hocha la tête. "Oui. Nous n'avions pas d'autre choix. Nous n'avions pas de technologie, alors nous avons fait avec ce que nous avions."
"Et c'est sur cette planète, n'est-ce pas, que l'Enseigne Hogan a perdu la vie ?"
La tête de Janeway se leva d'un coup sec et elle fixa Shelrak. La condescendance dans sa voix impliquait qu'elle avait été insouciante, qu'elle les avait délibérément laissé tous se faire abandonner sur la planète. Elle se rappelait chaque minute sur cette planète en détail, du soleil ardent et des kilomètres de terres sèches d'un jaune-rouge qui les entouraient. Et oui, ils avaient peut-être du fouiller pour trouver de la nourriture, mais chaque seconde de ce temps avait été consacrée à planifier leur retour sur le Voyager.
Et malgré ce que Shelrak pouvait penser, oui, elle regrettait vraiment la mort de 'l'Enseigne Hogan'. Même des années plus tard, la douleur de la perte, le souvenir de chaque membre d'équipage mort, restait toujours fort. Non, regret n'était pas un mot assez fort pour ce que Janeway ressentait pour ceux qui n'étaient pas retournés à la maison.
"La mort de l'Enseigne Hogan fut un accident", dit Harry sur la défensive. "Les circonstances ont été hors de notre contrôle."
"En effet", dit Shelrak montra un sourire de satisfaction personnel que Janeway avait appris rapidement à haïr. "Changeons de sujet, voulez-vous ?"
Janeway se sentit de plus en plus inquiète tandis qu'elle observait Harry poursuivre son témoignage sur les événements entourant le détournement du Voyager par les Kazons. Il y avait aussi des questions concernant Seska, une autre personne qui avait continué à tourmenter Janeway bien longtemps après son départ du Voyager.
Un battement engourdissant se forma juste au-dessus de l'oeil droit de Catherine, retenant son attention. elle avait de la difficulté à se rappeler la dernière fois qu'elle avait eu un mal de tête de cette importance. Elle eut à peine conscience de T'Sai faisant une autre objection quand la table devant elle devint floue. Janeway agrippa le rebord de la table.
"Capitaine ?" Dave Evans se pencha pour murmurer à son oreille. "Est-ce que ça va ?"
Janeway cligna des yeux et reprit rapidement son sang-froid. "Oui, désolée."
Elle s'aperçut soudainement que toute la salle du tribunal la regardait, et elle se demanda si sa défaillance passagère avait été visible à se point. La fureur bouillait en elle. Comment osaient-ils tous la juger ? Ce n'était pas eux qui avaient été coincés à soixante-dix-milles années-lumière d'ici, ce n'était eux qui avaient eu à prendre ces décisions de commandement. Damnation, pensa-t-elle, nous aurions dû restés perdu.
"Revenons aux Hirogènes." La voix forte de Shelrak arracha Janeway à ses pensés. Elle se demanda vaguement combien de temps il s'était passé exactement. "Les enregistrements montrent que le Voyager avait été sérieusement endommagé."
"Oui. il nous a fallu des mois pour réparer tous les dégâts", dit Harry. Il secoua la tête. "Nous devions faire des doubles services."
Shelrak sourit patiemment, ses lèvres minces soufflant autour des extrémités de son ventilateur. "Je suis surpris que les Hirogènes aient quitté le Voyager", dit-il. "Après tout, comme vous l'avez dit, l'équipage du Voyager les pourvoyait avec amplement assez de technologie pour poursuivre leur style de vie de chasseur. Pouvez-vous attribuer leur départ à quelque chose de précis ?"
"Je ne suis pas sûr du sens de la question", dit clairement Harry.
"Par exemple, êtes-vous au courant d'un quelconque accord que le Capitaine Janeway aurait pu passer avec les Hirogènes pour s'assurer de leur coopération ?"
"Oui, monsieur."
"S'il vous plaît, expliquez cet accord à l'assemblée." Shelrak passa un long regard balayant toute la salle, avant de poser un regard perçant sur Janeway. Son ventilateur siffla et il inhala profondément.
"Je n'étais pas là quand l'arrangement s'est fait", du Harry d'un ton net.
"Mais vous savez de quoi il s'agit, n'est-ce pas ?"
"Oui", dit Harry à contre-coeur. "Je le sais."
N'essayez pas de me protéger, Harry, pensa Janeway en fixant le jeune homme. Vous avez une carrière devant vous, et altérer même légèrement la vérité en ce moment détruira tout ce pourquoi vous avez travaillé tellement fort. Je peux m'occuper de moi-même.
"Et bien alors", une note d'impatience se glissa dans la voix de Shelrak. "S'il vous plaît, dites à la cour en quoi consistait cet accord."
"Les Hirogènes ont quitté le Voyager. En échange, Janeway leur a donné la technologie du holodeck."
"Ce qui violait les Ordres Généraux, n'est-ce pas ?"
"Oui, monsieur, c'est le cas. Mais, vous..."
"Ce sera tout, Lieutenant." Shelrak leva une main. "Vous avez répondu à ma question. Merci. Maintenant, parlons des conséquences de cette décision. Plusieurs années après que le Capitaine Janeway ait fait l'échange de cette technologie avec les Hirogènes, que s'est-il passé ?"
"Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire", dit Harry d'un ton assez plaisant.
"Est-il vrai que le Voyager à reçu un appel de détresse provenant d'Hirogènes ?" demanda Shelrak.
"Oui", dit Harry.
"S'il vous plaît, décrivez que qui est arrivé quand le Voyager à répondu à l'appel."
"Nous avons trouvé un vaisseau Hirogène."
"Etait-ce bien cela ? Un vaisseau Hirogène ? Y avait-il quelque chose de particulier au sujet de ce vaisseau ? Par exemple, partagez avec l'assemblée la raison de l'appel de détresse."
Harry remua sur sa chaise. "L'équipe d'exploration à découvert que les Hirogènes à bord étaient soit morts ou sérieusement blessés."
"Et que croyez-vous qu'il se soit passé ?"
Harry regarda vers Janeway puis se retourna vers Shelrak. Le jeune homme prit une profonde inspiration avant de continuer.
"Selon les Hirogènes que nous avons secourus sur ce vaisseau, les hologrammes ont eu un mauvais fonctionnement et se sont rebellés."
"Et est-ce que c'était vrai ?"
"Dans un sens, oui, mais nous ne connaissions pas l'histoire dans son ensemble, à ce moment."
"Alors, Lieutenant Kim, quelle est 'l'histoire dans son ensemble' ?"
Harry prit une autre profonde inspiration. Quand il parla à nouveau, sa voix était forte et claire, portant bien dans la salle du tribunal.
"Nous avons découvert que ce qui avait débuté par des meilleures intentions avait abouti à un cas sérieux de mégalomanie", dit Harry. "Le chef des hologrammes avait l'intention de fonder sa propre religion sur une planète de classe Y qu'il appelait Ha'Dara."
"Ce qui veut dire en Bajoran 'maison de la lumière', exact ?" demanda Shelrak.
"Je ne suis pas versé dans la langue Bajorane, mais je crois que c'est une traduction approximative", répondit Harry avec circonspection. Il tapa ses mains sur ses cuisses en attendant la prochaine question de Shelrak.
"Maintenant, laissez-moi bien comprendre." Shelrak commença à faire les cents pas devant le banc des témoins, ses bottes traînant contre le plancher. Son mouvement constant commençait à mettre les nerfs de Janeway a vif et lui donnait envie, pas pour la première fois, de se lever de sa chaise et d'aller secouer l'homme. "Ces hologrammes étaient assez intelligents pour créer leur propre religion ?"
"Oui."
"Comment cela est-il arrivé ?" Shelrak étendit ses bras dans une geste interrogateur. "Il me semble ridicule qu'une masse de photons et d'énergie puisse créer leur propre société juste comme ça. il y a sûrement plus dans cette histoire. Peut-être que les réponses sont dans la technologie que le Voyager leur avait fourni."
Harry remua sur sa chaise. "Et bien, pas vraiment. Les Hirogènes étaient à l'origine des modifications de ces hologrammes. Nous avons seulement fourni les bases."
"Mais ce n'était plus de simples hologrammes. Vous devez être d'accord avec moi sur ce point, n'est-ce pas, Lieutenant Kim ?"
"Oui."
"Par exemple, n'ont-ils pas déclaré une déclaration de guerre contre le Voyager ?"
"Et bien, je n'appellerais pas cela une 'déclaration de guerre'", objecta Harry. Il regarda vers Louvois. "Ce n'est pas ce qui s'est passé. Pas au début, en tout cas."
"Voudriez-vous éclairer l'assemblée, dans ce cas ?" demanda Shelrak. "En commençant par le kidnapping du Docteur."
A la surprise de Janeway, T'Sai n'avait pas objecté à l'évidence qu'impliquait cette question. Mais en fait, se dit Janeway, la question en elle-même était assez innocente. Pour le moment, c'était le cas.
"Oui, les hologrammes ont kidnappé le Docteur, mais je crois qu'ils pensaient qu'ils le libéraient du contrôle des 'organiques' à un certain point. Du moins, c'est ce que je crois qu'ils pensaient, je ne le sais pas", dit Harry. "Puis..."
"Ils ont aussi kidnappé Mademoiselle Torres, n'est-ce pas?" l'interrompit sèchement Shelrak.
"Oui", dit Harry. Il semblait visiblement mal à l'aise.
"Et une fois de plus, pour que ce soit limpide à l'assemblée, ce sont les même hologrammes nés de la technologie que le Capitaine Janeway avait partagé avec les Hirogènes."
"Oui."
"Alors, ce que vous nous dites, Lieutenant Kim, c'est qu'en échangeant la technologie avec une espèce alien, le Capitaine Janeway a délibérément mis l'équipage en danger."
"Je n'ai pas dit cela", dit Harry. "L'échange de technologie nous a au départ sauvé la vie."
"N'êtes-vous pas d'accord sur le fait que c'est la responsabilité du Capitaine de prendre en considération les conséquences de ses actes avant d'agir ? Surtout si ses actes finissent par être dommageable pour des membres de son équipage ?"
"Le Capitaine Janeway prend en considération les conséquences de tout ce qu'elle fait", dit sèchement Harry. Sa voix claire porta bien dans toute la salle du tribunal, ne laissant absolument aucun doute sur la force de sa conviction.
"Incluant le fait que ces hologrammes deviendraient assez puissants pour résister à leurs créateurs ?" La voix de Shelrak était aiguisée, presque condescendante. Il inhala profondément à sa pompe et hocha le tête en direction de Janeway. "N'est-il pas vrai, Lieutenant Kim, que ces hologrammes ont tué deux personnes innocentes ?"
Harry hocha le tête.
Louvois se pencha. "Lieutenant, vous devez parler tout haut pour l'enregistrement."
Harry s'éclaircit la gorge. "Oui, c'est vrai."
Shelrak hocha la tête de satisfaction. "C'est tout ce que j'ai à demander au Lieutenant Kim. Commandeur T'Sai, le témoin est à vous."
T'Sai ne bougea pas et pendant un instant, Janeway se demanda si la Vulcaine avait l'intention d'interroger Harry. Janeway réalisa rapidement que T'Sai rassemblait ses idées et formulait l'enchaînement de son interrogation.
"Lieutenant Kim", dit T'Sai en se levant de sa chaise. "Vous avez dit que les Hirogènes avaient besoin d'un ingénieur tandis qu'ils étaient en possession du Voyager. Etiez-vous maltraité ?"
"Ils n'hésitaient pas à utiliser la force s'ils estimaient que c'était nécessaire", dit Harry. "Malheureusement, ils estimaient que c'était souvent nécessaire."
Janeway se rappelait les bleus et les éraflures qu'elle avait vu sur le visage d'Harry un peu après avoir repris le contrôle du Voyager. Badges d'honneur, avait-elle pensé à cette époque, pour Harry qui avait face bravement au danger.
"Ainsi, vous n'aviez aucun doute sur le fait que les Hirogènes allaient vous maltraiter ?" demanda-t-elle.
"Absolument aucun doute."
"Croyez-vous qu'ils seraient allés jusqu'à vous tuer ?"
"Oui." Harry hocha la tête. "Les Hirogènes, de coeur, sont des guerriers. Ils chassent parce que c'est ce qu'ils sont. A la fin, ils se seraient fatigués de nous tous et auraient fini par tuer tout le monde. Pour preuve, ils avaient désengagé les sécurités des holodecks."
"Ainsi, vos collègues ont subi des blessures ?"
"Oui." Harry se mordit la lèvre. "La plupart étaient mortelles."
"Combien de temps cela a-t-il duré ?"
"Des semaines", dit Harry. "Honnêtement, cela m'a paru une éternité."
"Pensez-vous qu'ils seraient partis d'eux-mêmes ?"
"Pas sans une bonne raison. Avec l'équipage du Voyager et la technologie du holodeck, ils avaient tout ce qui leur était possible de désirer en termes de chasse. Non, ils seraient restés jusqu'à ce qu 'ils nous aient tous tué, ou bien jusqu'à ce que le Voyager ait été rendu complètement inutile."
"Alors quand vous avez entendu parler de l'accord que le Capitaine Janeway avait passé avec les Hirogènes, qu'avez-vous pensé ?"
"J'étais soulagé", dit Harry. "Franchement, s'ils avaient la technologie du holodeck, je croyais qu'ils nous laisseraient tranquille. Je me moquais de toutes règles, seulement que nous étions vivants, et j'espérais que je n'aurais jamais plus à revoir un Hirogène. Du moins, pas dans une situation similaire ou nous étions les proies."
"Est-il juste d'affirmer que cet échange de technologie a sauvé la vie de l'équipage du Voyager ?"
"Oui, ça l'est. Et c'est aussi une affirmation exacte", dit Harry. Il regarda vers Louvois. "Le Capitaine a pris une bonne décision même..."
"Objection." Shelrak fut sur ses pieds et devant le banc en quelques secondes. "Le témoin ne doit pas s'adresser au juge directement."
"Retenu. Les remarques du témoin seront retirées du procès verbal", ordonna Louvois. "Poursuivez, Commandeur."
"Même si vous êtes un officier de Starfleet et suivez les réglementations, croyez-vous que cet accord était nécessaire ?" dit T'Sai. Janeway comprit immédiatement ce que son avocate tentait de faire. Faire en sorte qu'Harry persuade le jury qu'en cette circonstance particulière, violer un Ordre Général de Starfleet était un mal nécessaire. Que cette tactique fonctionne était une toute autre histoire.
"Je le crois", dit sincèrement Harry. "Autrement, nous serions tous mort."
"Je n'ai pas d'autres questions pour ce témoin."
"Vous pouvez disposer. L'assemblée vous remercie de votre temps, Lieutenant Kim", dit Louvois. "Nous ferons une pause de quinze minutes et nous reprendrons pour le dernier témoin du jour."
 
***

Tom trébucha presque sur le petit paquet quand il entra dans ses quartiers. En se rattrapant, il vit B'Elanna qui se tenait près de la fenêtre, les mains sur les hanches. Elle se retourna pour lui faire face et, damnation, il connaissait ce regard. Elle 'savait' et, mon Dieu, il n'avait pas été celui qui lui avait dit.
"J'ai déjà fait les paquets", dit-elle sans préambule. "Partons d'ici."
Tom jeta un regard vers le lit, où Miral dormait, une petite couverture couvrant son corps rondelet.
"Et où irons-nous ?" demanda doucement Tom. Il prit soin de bien fermer la porte derrière lui et s'approcha lentement de B'Elanna. "B'Elanna, il y a des gardes de la sécurité partout."
"Je m'en moque", dit B'Elanna. Elle garda la voix basse et neutre. Tom s'émerveillait de son contrôle de soi. Il s'était pleinement attendu à ce qu'elle lui lance des choses une fois qu'il lui aurait annoncé la nouvelle au sujet de Miral, mais il n'avait pas anticipé cette furie contrôlée. A n'importe quel autre moment, il aurait noté cela comme une nouvelle façon qu'avait B'Elanna de le surprendre. "Je ne le ferai pas, Tom. Ils peuvent tout m'enlever, mais ils ne peuvent pas m'enlever mon bébé."
"Alors que veux-tu faire ?" Tom prit les mains de B'Elanna, comme il le faisait quand il craignait qu'elle le roue de coups. Elle secoua la tête, mordant ses lèvres. Ce ne fut qu'à ce moment qu'il remarqua qu'elle avait les yeux humides.
"J'étais une maquisarde. Ca doit servir à quelque chose", dit B'Elanna en hésitant. "Nous pouvons nous faufiler, passer les gardes..."
"Ils finiront par nous rattraper et ce sera pire, ne penses-tu pas ?"
"Tu es d'accord avec eux ?" B'Elanna le regarda, incrédule. Elle s'écarta. "Je ne peux pas croire que tu puisses vraiment leur permettre de nous faire ça."
"C'est seulement pour quelques jours, B'Elanna, pas plus que ça", dit doucement Tom, oubliant délibérément les 'semaines' que son père avait mentionnées. Il regarda vers Miral en espérant avoir raison au sujet de la durée. A la vitesse où Starfleet agissait, Miral aurait le temps d'avoir son diplôme à l'Académie avant que toutes les audiences ne soient passées.
"C'est barbare !" fulmina B'Elanna. "Elle n'a que huit mois. Et ils n'ont même pas pensé à nous le demander ?"
"Elle ira chez mes parents. Ils vont prendre soin d'elle"
"Et c'est censé me rassurer ?" B'Elanna ouvrit un tiroir et ramassa un minuscule tricot rose. "Tom, je ne vais pas rester ici à les attendre, compris ? Tu peux venir avec moi..."
"B'Elanna !" Tom la saisit rudement par le bras. "Penses-y, d'accord ? Nous sommes trois, nous ne parviendrons pas à nous fondre dans la foule aussi facilement. Tu sais ça. S'il te plaît, soit rationnelle."
"Tu me demandes d'être rationnelle ?" bégaya B'Elanna. Elle froissa le tricot dans sa main. "Je ne crois pas que ce soit le moment d'être rationnel. Je suis surprise de voir que tu peux rester calme à ce sujet. A moins que tu ne t'en moques."
Tom soupira. Il avait pensé à sa conversation avec son père sur tout le chemin de retour et avait même réfléchi à la manière de le dire à B'Elanna. Il n'avait tout simplement pas anticipé que quelqu'un d'autre le devancerait. Et il aurait dû savoir que B'Elanna voudrait passer à l'action, que chaque muscle de son corps serait prêt à l'action.
"Ne dis pas cela", supplia-t-il. "Tu... Je ne sais pas non plus si je peux le faire, B'Elanna, mais nous le devons. Mon père..."
"Ton père." B'Elanna bondit sur le mot. "Il peut nous aider."
"Ne perds pas ton temps", dit Tom, une touche d'amertume dans la voix. "Il refuse de nous aider là-dessus. Il a même menacé d'utiliser la force si nous ne coopérions pas."
B'Elanna le fixa. "Quoi ?"
Tom soupira et s'assit sur le bord du lit, mettant sa tête dans ses mains. Après un moment, B'Elanna se joignit à lui, sa main caressant légèrement son dos.
"Je pensais que je faisais des progrès avec lui", dit doucement Tom. "Pour la première fois de ma vie, j'ai vraiment cru que nous pourrions établir une relation. Je l'espérais même."
"B'Elanna massa délicatement l'arrière du cou de Tom et il lui fut reconnaissant de la douceur de sa caresse."
"Je lui ai demandé une chose, B'Elanna, juste une chose." Tom secoua la tête. "Je lui ai demandé de ne pas prendre Miral. Il a refusé. Catégoriquement. Il était plus intéressé à sauver Janeway."
"Qu'allons-nous faire ?" murmura B'Elanna. Elle croisa ses doigts avec ceux de Tom. Il agrippa sa main, la serra, puis se pencha pour l'embrasser légèrement sur la joue. "Je ne pense pas que je puisse le faire, Tom. Réellement. Même seulement pour quelques jours, comme tu le dis."
"Tu n'as pas à le faire. Je le ferai." Tom essaya de se montrer fort. Il savait à quel point c'était difficile pour B'Elanna. Elle lui avait dit à de nombreuses reprises comme elle sentait que tous ceux dont elle était proche finissait par la quitter, et dès le début de leur relation, il avait été déterminé à lui démontrer le contraire. Bien sûr, il n'avait jamais anticipé que les circonstances, rectification, que Starfleet, interférerait de la sorte. "Je serai fort pour nous deux."
B'Elanna ferma les yeux, comme si elle voyait déjà la scène de la séparation. "Il est encore temps de partir"
"S'enfuir ne mènera à rien. Quand nous serons repris, ça sera pire. Tu le sais aussi bien que moi. Et quel genre de vie ce serait pour Miral ? D'être constamment à courir ?"
"Ca ne nous laisse pas avec beaucoup d'options, n'est-ce pas ?" La voix de B'Elanna craqua légèrement.
"Non, en effet." Tom se couvrit le visage avec ses mains, se repliant sur lui-même. B'Elanna posa son bras sur les épaules de Tom, serrant son mari près d'elle tandis que le corps de Tom tremblait. Après quelques minutes, Tom prit une profonde respiration et se leva.
"D'accord", dit-il, "Ca va. Vraiment, ça va aller. Je peux le faire."
B'Elanna resta assise, incapable de lever le regard. Après un instant, elle reprit la parole. "Ses, euh, affaires, je les ai déjà empaquetées."
"Ouais", dit Tom, mais il ne bougea pas. Au lieu de cela, il baissa la tête vers Miral. Ses yeux étaient légèrement ouverts, même si elle dormait toujours. Il se pencha et toucha légèrement les rides de son front. Elles commençaient à durcir maintenant et cela avait pour résultat de la faire encore plus ressembler à B'Elanna. Comme toujours, quand il baissait la tête sur ce petit visage, Tom s'étonnait de la poussée d'amour qu'il ressentait pour sa fille. Peu importe ce qui arrivera maintenant, pensa Tom, au moins je sais que j'ai fait quelque chose dont je peux être totalement fier.
 
***

L'attente était interminable. Les mains de Marla Gilmore tremblaient. Merci mon dieu, pensa-t-elle, les autres semblent aussi mal à l'aise. Ils avaient encore été entassés dans la petite salle tandis que le jury s'était retiré pour délibérer. Leur avocate, Maria Pachano, était à l'extérieur dans le couloir, parlant à ce pauvre type aux grands airs qu'était le Commandeur Hileya.
"Ca fait combien de temps ?" demanda finalement Marla.
Angelo la regarda, le regard glacial. "Trop longtemps."
"Non, je veux dire réellement."
"Une heure", répondit finalement Brian. "Je pense que c'est trop long."
"Damnation, pourquoi est-ce si difficile ?" demanda Noah. Il se balançait sur sa chaise, les pieds frottant contre le carrelage, dans un geste de rébellion. "Soit nous sommes coupables, soit nous ne le sommes pas."
Marla savait que l'impatience dans sa voix cachait l'anxiété de Noah. Elle savait que peu importe ce qui arriverait dans cette salle de tribunal, rein ne serait plus comme avant. Sa carrière dans Starfleet était pratiquement terminée. Peut-être lui donnerait-on un travail de bureau dans un poste avancé perdu, mais jamais elle n'aurait un autre poste sur un vaisseau stellaire. Et voilà pour mes rêves, pensa-t-elle.
Elle n'avait jamais vraiment imaginé sa vie hors de Starfleet, et maintenant les options s'étalaient devant elle. Elle pourrait passer du temps à renouer ses liens avec sa famille, s'ils voulaient lui parler. Sur le Voyager, elle s'était découvert une passion pour l'écriture, grâce à Neelix qui lui avait donné l'opportunité d'écrire des articles pour son émission "Le Petit Déjeuner avec Neelix". Peut-être pourrait-elle écrire un livre sur ce qui était arrivé sur l'Equinox. L'idée la réconforta. Elle voulait désespérément que tout le monde, la Fédération toute entière, comprenne par quoi ils étaient passés. Elle voulait qu'ils lisent par eux-mêmes les circonstances qui avaient entouré la décision d'extermination des membres d'une espèce alien, dans le but de survivre. Marla s'étrangla tandis que la question à laquelle elle s'était habituée faisait écho dans son esprit. Auriez-vous fait la même chose, si nos rôles avaient été inversées.
"Je déteste être assis à ne rien faire", se plaignit Noah. Sa voix arracha Marla de ses rêves. Il commença à faire les cents pas dans la salle et sa nervosité se voyait sur chaque muscle de son corps.
"Assis-toi. Tu me mets sur les nerfs", dit sèchement James.
"Cet endroit suffit à mettre n'importe qui sur les nerfs", répondit Noah. Il se pencha vers James, posant ses paumes sur la table. "Ecoutes, quand ils en auront fini avec nous, nous trouverons que cette salle ressemble au Ritz. Nous serons chanceux s'ils nous gardent sur la Terre. J'ai entendu parler de colonies pénitentiaires beaucoup moins hospitalières que celles d'ici."
Marla frissonna à cette pensée. Peut-être qu'ils n'auraient pas dû tenté de survivre à ce point là-bas. Peut-être aurait-il mieux valu qu'ils explosent en des millions de particules plutôt que d'endurer ce genre d'enfer mental.
"Nous avons fait de notre mieux là-bas", dit Angelo, insufflant un peu d'humour dans ses paroles. "Tout le monde, toi spécialement, Marla, tout le monde a fait de son mieux. J'ai trouvé que ce Commandeur Hileya était un peu à côté de la plaque, ne trouvez-vous pas ? Et le Commandeur Pachano, elle a vraiment bien présenté notre histoire, n'est-ce pas ? Je pense qu'elle a fait mieux que le Commandeur Hileya."
Marla hocha la tête. "Merci, Angelo." Globalement, ils avaient tous raconté la même version des événements, avec des différences mineures s'accordant avec leur poste sur l'Equinox. Cependant, vers la fin, quand Ransom avait dissous en grande partie la hiérarchie, les lignes s'étaient fusionnées. Les Cinq de l'Equinox savaient qu'ils allaient partager leur disgrâce.
"Ils ne vont peut-être rien nous faire." Marla offrit son opinion avec circonspection. Les autres hochèrent la tête, peut-être étaient-ils trop épuisés pour vraiment argumenter avec elle là-dessus. Marla leur en fut reconnaissante. Elle se leva et s'étira. Elle se sentait bien mieux et beaucoup plus éveillée maintenant que le sang circulait à travers ses muscles.
A cet instant précis, elle se sentait plus optimiste que ne l'avait été de toute la journée.
"Ce qui arrivera n'a pas d'importance", dit-elle. "Nous allons y faire face ensemble, pas vrai ?"
Noah hocha la tête. "Tu as raison, Marla. Nous sommes plus forts qu'eux. Je déteste utiliser ce cliché, mais nous sommes allés en enfer et nous en somme revenus. S'ils avaient été à notre place, je ne sais pas comment ils auraient fait."
A cet instant, la porte glissa pour s'ouvrir et Pachano entra. Ses lèvres étaient pressées l'une contre l'autre en une simple ligne droite.
"Ils sont parvenus à un verdict", annonça Pachano. "Nous devons y aller."
Les Cinq de l'Equinox se levèrent lentement. Marla sentit son coeur battre si fort, si rapidement, qu'il aurait pu sauter à l'intérieur de sa poitrine. Elle frotta ses paumes humides l'une contre l'autre et après avoir inspiré profondément, elle se sentit pleinement en paix.
"Très bien", dit-elle d'une voix forte, "je suis prête."
Les autres hochèrent la tête et un par un, ils suivirent Pachano.
 
***

Tuvok ne montra aucun signe de nervosité en s'approchant du banc, mais Janeway savait que son vieil ami ne voulait pas se retrouver là. Durant leurs réunions, elle avait dit à tout son équipage, particulièrement à Tuvok, qu'ils devaient être honnêtes, mais ceci, pensa-t-elle en observant la salle du tribunal, était plus que ce à quoi ils s'étaient attendus. Pas de doute, la loyauté de Tuvok jouerait un rôle et après la réaction de Chakotay à certaines des questions qu'on lui avait posées, Janeway était nerveuse au sujet de la réaction de Tuvok. Elle ne pouvait qu'espérer que son sens de la logique allait prévaloir et qu'il répondrait honnêtement aux questions de Shelrak.
"Commandeur Tuvok", dit Shelrak. "J'aimerais attirer votre attention sur les événements entourant la découverte par le Voyager d'un autre navire de la Fédération. Je suppose que vous comprenez que je fais référence à l'Equinox."
"Oui, monsieur", répondit Tuvok
"Maintenant", Shelrak baissa le regard sur sa tablette, "laissez-moi lire quelques-unes des accusations levées contre Catherine Janeway concernant ces circonstances particulières. Conduite inconvenante de la part d'un officier de commandement, traitements cruels et inhabituels envers un prisonnier, violations des protocoles de Starfleet, destruction de la propriété de la FPU et tentative de meurtre."
"Je suis au courant des charges", dit Tuvok sur un ton neutre.
"Commençons par la première", dit Shelrak. "Conduite inconvenante de la part d'un officier de commandement."
"Objection", dit T'Sai. "Votre honneur, peut-il vraiment passer la liste des accusations comme ça ? Toute cette ligne d'interrogation est injustifiée."
"A moins que vous ne vouliez stipuler ces accusations, je ne crois pas que cette ligne d'interrogation soit injustifiée", répondit Shelrak.
T'Sai secoua la tête. "Je ne vais pas stipuler ces accusations, car elles sont sans fondements. La ligne d'interrogation dans son ensemble doit être retirée."
"Je construis mon sujet", argumenta Shelrak. "Les circonstances entourant l'Equinox sont très controversées et ont besoin d'être examiné en détail. Je propose seulement de s'y arrêter avec une perspective logique, ce dont je suis sûr que le Commandeur Tuvok appréciera grandement."
Tuvok ne sourcilla pas au commentaire, au grand soulagement de Janeway. Bien sûr, se réprimanda-t-elle. Quand venait le temps d'être stoïque, personne n'était aussi doué que Tuvok.
"Je vais vous autoriser à poursuivre", dit finalement Louvois. "Mais faites attention, Commandeur."
"Merci." Shelrak reprit sa position devant Tuvok. "Si vous pouviez, s'il vous plaît, résumer dans quelles circonstances vous avez rencontré l'Equinox."
"Le Capitaine Janeway et le Commandeur Chakotay ont reçu un appel de détresse venant du Capitaine Ransom", dit Tuvok. "Etant donnée la nature de l'appel de détresse et le fait qu'un autre vaisseau de la Fédération puisse être près de nous, le Capitaine Janeway décida de répondre à l'appel."
"Et à ce moment, le vaisseau était seulement à 3,2 années-lumière de votre position, est-ce exact ?"
"Oui"
Shelrak hocha la tête. "Alors venir en aide à l'Equinox ne détournait pas le Voyager de sa course ?"
"Sans tenir compte de la distance, je crois que nous aurions apporté notre aide à quiconque en ayant besoin", dit Tuvok.
"En dépit du fait que ces supposées missions d'aide pourraient interférer avec votre voyage de retour ?"
"Nous pouvions avoir un but précis durant notre voyage", répondit Tuvok. "Cependant, je ne crois pas que nous aurions tourné le dos à quiconque ayant besoin de notre aide."
"Même une espèce alien ?" Persista Shelrak.
T'Sai se leva, cette fois elle démontrait plus d'énergie dans ses mouvements fluides. "Objection. Sur quoi, si je peux le demander, se concentre cette série de questions ?"
"Je suis d'accord." Louvois hocha la tête. "Objection retenue. Je crois que la tendance du Voyager à fournir une aide humanitaire ou autre n'a pas de rapport avec cet incident particulier. Veuillez poursuivre, Commandeur, et n'essayez plus de vous écarter du sujet."
"Quelle était la condition de l'Equinox quand vous l'avez trouvé ?" demanda Shelrak.
"Le vaisseau avait des dégâts multiples, y compris des brèches dans la coque et son moteur de distorsion en panne. De plus, ils y avaient des fissures subspatiales s'ouvrant sur trois ponts. Je crois que l'Equinox était attaqué."
"Comment le Voyager a-t-il réagi ?"
"Nous avons étendu nos boucliers autour de l'autre navire."
"Saviez-vous qui attaquait l'Equinox à ce moment ?"
"Non, nous ne le savions pas."
"Que s'est-il passé ensuite ?"
"Nous avons appelé l'Equinox, mais nous n'avons pas reçu de réponse. Le Capitaine Janeway a rassemblé une équipe d'urgence et nous nous sommes téléportés sur le vaisseau."
Janeway se rappelait encore l'odeur de la chair et du plastique brûlés tandis qu'ils devaient se frayer un chemin à travers les décombres de ce qui avait été un navire d'exploration scientifique à la pointe de la technique. A l'époque, elle avait été horrifiée par l'étendue des dégâts, se demandant comment cet embryon d'équipage de l'Equinox avait pu survivre en de telles circonstances. Et elle se rappelait aussi vouloir retrouver Ransom, pour s'assurer qu'il était toujours vivant. Elle voulait parler avec un autre capitaine de Starfleet, surtout quelqu'un comme Rudy Ransom qu'elle avait admiré pendant des années pour ses contributions et ses découvertes scientifiques.
"Et vous avez trouvé des survivants ?"
"Oui."
"Et leur condition ?"
"Certains souffraient de troubles psychologiques et d'autres étaient blessés. Dans l'ensemble, ils étaient anxieux. Tous furent téléportés dans notre infirmerie pour des soins médicaux de première urgence."
"Donc, vous avez découvert le Capitaine Ransom vivant ?"
"Oui. Je crois que c'est le Capitaine Janeway qui l'a découvert. Il était inquiet pour son équipage."
"A-t-il donné une quelconque indication sur l'identité de ceux qui étaient responsables des attaques du vaisseau ?"
"Non. Il a seulement mentionné que les aliens les avaient attaqués depuis des semaines et que toute communication avaient échoué. Il n'a fourni aucune autre information."
"Et pourtant, le Capitaine Janeway a cru à son histoire ?" Une pointe de mépris s'était glissée dans la voix de Shelrak.
"C'était un officier de Starfleet. Elle n'avait pas de raison de ne pas le croire", répondit froidement Tuvok.
"Avançons. En avez-vous appris plus sur ces aliens après un certain temps ? Comme leur état d'existence ?"
"Objection, question tendancieuse. Qui en plus est sans rapport", dit T'Sai. Shelrak glissa un regard vers le juge, ses bras tendus dans un geste apaisant.
"Je tente simplement de déterminer ce que Janeway savait ou ne savait pas avant les actions auxquelles nous nous intéressons", dit Shelrak. "Vous devez m'accorder, Madame le Juge, que cela semble plutôt négligent de la part de Catherine Janeway de ne pas avoir enquêté attentivement sur la situation."
"Je n'ai pas besoin d'être en accord avec quiconque, Commandeur, encore moins avec vous", dit sèchement Louvois. L'expression de son visage indiquait clairement sa frustration envers Shelrak. "Je commence à perdre patience. Allez au but. Ne persistez pas à me faire perdre mon temps. Commandeur T'Sai, je retiens votre objection."
Janeway eut le plaisir de voir pour la première fois durant ce procès que Shelrak semblait nerveux. Il fallut à l'avocat plusieurs secondes pour reprendre son sang-froid, avant de poursuivre.
"Parlons du moment où le Capitaine Janeway a pris le commandement de toute la mission", dit Shelrak. "Comment cela s'est-il produit ?"
"L'Equinox n'était plus en condition de répliquer à ces aliens", dit Tuvok. "Il était simplement logique que le Capitaine Janeway prenne le commandement formel de la situation."
"Et que fut la réponse du Capitaine Ransom ?"
"Il n'aimait pas l'idée, mais accepta la logique sous-jacente."
"Maintenant, j'attire votre attention sur le labo à bord de l'Equinox", dit Shelrak, "Vous et Seven of Nine avez découvert des données inhabituelles. Veuillez décrire à l'assemblée ce que vous avez trouvé."
"Nous avons découvert qu'une canalisation EPS avait été délibérément dérivée pour émettre des radiations."
"Et qu'avez-vous fait de cette information ?"
"Nous en avons informé le Capitaine Janeway. Elle devait être mise au courant de ce fait particulier."
"Et ce fut à ce moment que vous avez tiré la conclusion que le Capitaine Ransom ne voulait que vous entriez dans le labo ?"
"C'est exact." Tuvok hocha la tête pour confirmer l'affirmation.
"Et quelle fut la réaction du Capitaine ?"
"Elle a voulu ventiler l'excédent de radiations."
"En a-t-elle informé le capitaine Ransom ?"
Tuvok fit une pause, ses yeux rencontrant ceux de Janeway. "Non."
"Alors vous me dites que le Capitaine Janeway a délibérément interférée avec les travaux du navire d'un autre capitaine ? Est-ce cela que je dois comprendre ici ?"
"C'est une interprétation."
"Et avec la quantité de radiations émises, comment êtes-vous parvenu à accomplir cette 'ventilation des radiations' ?"
Tuvok remua sur sa chaise, le premier signe d'inconfort que Janeway ait remarqué venant de son ami. Vous vous en tirez bien, Tuvok, pensa-t-elle
"Elle a ordonné que le Docteur accomplisse la tâche. Contrairement au reste de l'équipage, il était immunisé contre les radiations."
"Et le Docteur est monté à bord du navire sans la permission du Capitaine Ransom ?"
"En de telles circonstances, je ne crois pas que la permission du Capitaine Ransom était nécessaire."
Shelrak arqua ses sourcils. "Vous ne croyez pas qu'une permission ait été nécessaire ? Etes-vous qualifié pour faire une telle analyse ?"
"Objection !" T'Sai se leva. "L'attaque du témoin est injustifiée."
"J'ai fait un commentaire regardant le protocole et je désirais simplement connaître l'expertise du Commandeur Tuvok sur ce sujet particulier. Je crois que la question était juste, votre honneur."
"Je suis d'accord." Louvois hocha la tête. "Poursuivez."
T'Sai se rassit. Janeway pouvait voir la mâchoire de la femme se serrer. C'était, remarqua Janeway, le premier signe d'émotion, même subtile, qu'elle voyait chez son avocate.
"Je servais comme officier de la sécurité du Voyager. Je crois que les circonstances justifiaient de la discrétion et une enquête approfondie. Etant donnés les efforts du Capitaine Ransom pour nous détourner du labo de recherche, nous sentions que nous ne pourrions découvrir la vérité qu'en gardant le secret sur nos intentions."
"Ah", dit Shelrak. "Alors vous participiez à une mystification"
"Non. L'ordre Général Cinq donne spécifiquement le droit aux représentants spéciaux de la Fédération de prendre le commandement d'un navire en situation d'urgence. Le Capitaine Janeway faisait simplement son devoir."
"Je vois." Shelrak s'éclaircit la gorge, mais le ton de sa voix montrait clairement qu'il était en désaccord avec l'évaluation de Tuvok. "Quand le Docteur est allé à bord de l'Equinox, qu'a-t-il découvert ?"
Les lèvres de Tuvok se courbèrent en un léger dégoût. "Il a découvert que plusieurs aliens ayant attaqué l'Equinox étaient dans le labo de recherche. Morts."
"Et votre conjecture fut que l'équipage de l'Equinox procédait à des expériences sur ces aliens ?"
"Le Docteur a fait cette supposition."
"Ah. Dites-moi, quelle fut la réaction du Capitaine à cette découverte ?"
Tuvok glissa un regard vers Janeway avant de parler. "Elle m'ordonna d'appréhender le Capitaine Ransom et de l'emmener à son bureau."
"Que s'est-il passé dans son bureau ?"
"Ce fut une conversation privée."
"Elle n'en a pas partagé les détails avec vous ?"
"Non."
"Et en tant que chef de la sécurité, vous n'avez pas posé de question ?" Une note d'incrédulité se faufila dans la voix de Shelrak.
"Objection. Il harcèle le témoin et je demande respectueusement qu'une telle hostilité à l'égard du Commandeur Tuvok cesse", dit T'Sai.
"Je suis d'accord. Prenez garde, Commandeur Shelrak", dit Louvois. "Rappelez-vous qui est en procès ici."
Comme si c'était une incitation, tous les yeux se fixèrent sur Catherine Janeway. Elle ne sourcilla pas et à la place, carra les épaules. Laissons-les me fixer, pensa-t-elle, et laissons-les me juger.
"Janeway n'a absolument rien dit ?"
"Elle a dit au Commandeur Chakotay et à moi-même qu'elle avait relevé le Capitaine Ranson de ses fonctions et le confinait ainsi que son équipage dans leurs quartiers pour le moment. Je crois qu'une telle décision tomberait dans la ligne de conduite de l'Ordre Général 23."
"Un confinement pour combien de temps ?"
"Pas longtemps", dit Tuvok. "Il y a eu une... évasion." Janeway manqua de sourire quand Tuvok utilisa le mot. A l'occasion, Tuvok parvenait à emprunter le vocabulaire de Tom Paris, une habitude qu'il partageait aussi avec l'autre Vulcain à bord du Voyager, l'Enseigne Vorik.
"Et que s'est-il passé ensuite ?"
"J'ai ouvert un canal de communications avec l'Equinox."
"Et vous avez suivi cette conversation, je suppose ?"
"Oui."
"Est-ce que le Capitaine Janeway a menacé le Capitaine Ransom de quelque manière ?"
"Je crois qu'elle lui a demandé de reconsidérer ses actions."
"A-t-elle menacée le Capitaine Ranson ?" La voix de Shelrak était tendue et crispée.
"Elle a du dire qu'elle ouvrirait le feu s'il ne coopérait pas."
Janeway ne tressaillit pas. Quand elle avait dit ces mots, elle n'avait pas voulu le faire, elle ne s'était pas vraiment attendue à ce que Ranson la pousse à ce point. Bonté divine, tirer sur un autre navire de la Fédération ? Elle le savait, peu importe à quel point les menaces étaient justifiées pour le Voyager, elle ne pourrait jamais se justifier à elle-même ces actions.
"Et que s'est-il passé ensuite ? A-t-il coopéré ?" demanda Shelrak.
Tuvok remua une nouvelle fois sur sa chaise. "Non."
"Et c'est alors que le Voyager a ouvert le feu." C'était une déclaration, une de celles que Shelrak semblait diriger vers Janeway. Sa voix avait la sonorité d'un jugement, et Janeway fut quelque peu mécontente que T'Sai ne se soit pas levée pour la défendre.
"Oui."
"Vouliez-vous les détruire ?"
"Non, nous avons tenté de mettre leur système énergétique hors d'usage."
"Que s'est-il passé ensuite ?"
"Nous avons été attaqués par les aliens. Ils ont abordé nos navires et ont attaqué le Capitaine Janeway et le Commandeur Chakotay." Tuvok regarda Janeway. "Les rapports de perte nous ont révélé que 13 membres de notre équipage furent blessés. Deux membres de l'équipage sont morts. Le Lieutenant Anderson et l'Enseigne Scandia."
"Etant données les attaques contre le Voyager, je suppose que vous avez poursuivi les aliens ?"
"Non", dit tout bas Tuvok. "Il a été conclu que nos ennemis étaient les humains à bord de l'Equinox."
"Qui a conclu cela ?"
"Le Capitaine Janeway."
Le ton monocorde de la voix de Tuvok contrastait avec l'intensité de la situation. Janeway pouvait se rappeler chaque battement de coeur, chaque seconde, et sa propre furie, à peine retenue. Avec le recul, elle n'avait pas tellement aimé la manière dont elle s'était comportée durant cet épisode.
"Pourtant, les entrées au journal de bord montrent une tentative de communication avec les aliens."
"Oui."
"Quel fut le résultat de ces communications ?"
"Nous fumes encore attaqués."
"Avez-vous essayé à nouveau ?"
"Le Capitaine Janeway voulait retrouver l'Equinox."
"Sa priorité était Ransom. Est-ce ce que vous dites ?"
"Oui."
En effet, c'était le cas. Janeway ne voulait pas laisser montrer son émotion, mais elle se remémorait clairement à quel point elle avait été sur le fil, à quel point elle était déterminée. Après tout, elle avait maintenu les principes de Starfleet, et donc c'était de son devoir de forcer Ranson à prendre ses responsabilités. Mais à présent, avec une vision plus claire, Janeway savait que Chakotay avait eu raison. Elle avait dépassé les bornes. Elle n'avait pas à se demander pourquoi Starfleet l'accusait de 'conduite inconvenante de la part d'un officier de commandement'. Elle secoua la tête. Si seulement ils avaient été là, si seulement ils avaient vu ce qu'elle avait vu.
"Est-ce parce qu'il était humain ?"
"Le Capitaine Ranson avait commis des meurtres. Il était logique que nous le remettions entre les mains de la justice."
"Même si cela signifiait risquer la vie de l'équipage ? Vous venez juste de dire que vous veniez de perdre deux membres d'équipage pendant une attaque alien. Alors au lieu de tenter de faire la paix avec les aliens, votre capitaine a insisté pour poursuivre un navire de la Fédération en mauvais état qui ne pouvait rien lui apporter."
"En reprenant le contrôle de l'Equinox et en mettant fin à ses activités, nous avons cru que nous pourrions entreprendre des négociations honnêtes avec les aliens. Avec le Capitaine Ransom toujours au large, ses activités libres de se poursuivre, cela aurait encore plus provoqué la colère des aliens."
"Et en fin de compte, vous avez retrouvé l'Equinox."
"Oui, nous l'avons retrouvé."
"Parlez-moi de l'embuscade sur l'Equinox", demanda Shelrak.
"Le Commandeur Chakotay et le Lieutenant Paris se sont téléportés sur l'Equinox et ont immobilisé deux de ses membres d'équipage. Ils sont retournés sur le Voyager sans être blessés."
"Encore une fois sous les ordres du Capitaine Janeway ?"
"Oui."
"Que s'est-il passé ensuite ?"
"Nous avons ouvert le feu sur le navire", dit Tuvok. "Pour être précis, nous avons ciblé les dispositifs d'armement et le noyau de puissance."
"Etiez-vous d'accord avec ces actions ?"
"J'ai suivi les ordres."
"En tant qu'officier tactique à bord, étiez-vous d'accord ?" Shelrak s'approcha du banc des témoins. Tuvok glissa un regard vers Janeway.
"Non, je ne l'étais pas. Je ne voulais pas détruire l'Equinox."
"Pensiez-vous que Janeway aurait détruit le vaisseau ?"
Tuvok pressa ses lèvres l'une contre l'autre. Janeway connaissait la réponse à cette question, au moins dans son esprit. Elle l'aurait fait. Etant donné les circonstances, étant donné sa rage, elle savait qu'elle l'aurait fait. En dépit de tout ce qu'elle tenait pour sacré, ses principes, le caractère sacré de la vie, elle aurait détruit l'Equinox.
"Je ne peux pas extrapoler sur une situation qui ne s'est pas produite", dit finalement Tuvok. "Je ne sais pas quelles étaient les intentions du Capitaine Janeway"
"Oh allons", dit Shelrak. "Vous avez été amis pendant des années. Vous allez me dire que vous ne saviez pas ce que Janeway avait en tête."
"Je crois que ses décisions étaient basées sur le meilleur intérêt de l'équipage. Nous avons finalement abandonné la poursuite."
"Est-ce avant ou après la décision de poursuivre l'Equinox dans la thermosphère d'une planète de classe M ?"
"Après", admit Tuvok.
"En dépit du fait que l'entrée dans une thermosphère pouvait provoquer de sérieux dégâts au Voyager, sans mentionner des blessures à l'équipage, elle était déterminée à poursuivre l'Equinox ? Ne trouvez-vous pas que c'était une utilisation excessive à la force, Commandeur ?"
"Les circonstances demandaient l'utilisation assidue des ressources du Voyager pour amener Ransom devant la justice."
"Et est-ce que ces mêmes circonstances justifiaient l'attitude de Janeway envers Noah Lessing ? Je crois que vous savez de quoi je parle, Commandeur."
Janeway trembla presque à ce souvenir honteux. Comment elle avait rossé verbalement Lessing, comment elle l'avait menacé de l'exposer au vide... Même maintenant, elle ne pouvait pas vraiment expliquer son attitude. Elle ne se rappelait que d'une puissante rage, concentrant tout son désarroi et sa colère sur Noah Lessing. Elle s'était sentie forte à ce moment alors que l'adrénaline influait dans chaque cellule de son corps.
L'incident repassait encore et encore dans l'esprit de Janeway. Pas une fois elle n'avait été capable de parler de ses actions à Chakotay ou à Tuvok, les personnes les plus proches d'elle sur le Voyager. Pas plus qu'elle ne s'était jamais excusée auprès de Noah Lessing pour ce qu'elle avait fait. S'excuser aurait voulu dire qu'elle reconnaissait que quelquefois elle pouvait ne pas être rationnelle.
"Je le crois", dit doucement Tuvok. Aux oreilles de Janeway, sa modulation ne sonnait pas plate ou monotone, mais presque triste. Oui, pensa-t-elle, j'ai choqué Tuvok et Chakotay.
"Qu'est-ce que le Capitaine Janeway voulait faire dire à Lessing quand elle l'a interrogé ?"
"L'état tactique de l'Equinox."
"L'a-t-il donné ?"
"Non, il était loyal à son capitaine."
"Est-ce que Catherine Janeway l'a menacé de mesures extrêmes ?"
Janeway se força à garder son regard sur Tuvok. Ne les laisse pas voir à quel point cela te dérange, se sermonna-t-elle sombrement.
"Sa seule intention était de faire peur à l'homme d'équipage."
"L'a-t-elle ou ne l'a t-elle pas menacé ?"
"Oui."
Shelrak paraissait satisfait et il se frotta le menton.
"Est-ce que le Capitaine Catherine Janeway a ou n'a pas tenté d'assassiner un autre citoyen de la Fédération et un officier de Starfleet ?" demanda Shelrak, parlant très clairement et fort.
"Oui." La simple réponse laconique captiva l'attention de la salle de cour toute entière et un silence palpable tomba. A cet instant, personne ne regarda vers Janeway. Shelrak s'arrêta de faire les cents pas un instant, le grincement de son ventilateur faisait écho à travers de la salle du tribunal.
"Et quand le Commandeur Chakotay s'est opposé à ses actions, quelle fut la réponse du Capitaine ?" demanda finalement Shelrak.
"Elle l'a relevé de ses fonctions."
"Que s'est-il passé ensuite ?"
"Nous avons pris contact avec les Ankaris et avons demandé leur aide pour arriver à un accord avec les autres aliens."
"Avez-vous eu du succès dans cette tentative ?"
Tuvok prit du temps pour y penser, avant de répondre. "Le Capitaine et moi avons tenté une négociation. Cependant, les Ankaris ne voulaient pas nous aider jusqu'à ce que nous ayons accepté de leur remettre l'Equinox. J'ai assuré les Ankaris que l'Equinox serait puni comme il se devait selon nos lois."
"Et ?"
"Janeway a accepté", dit Tuvok. Il s'éclaircit la gorge et son regard rencontra le regard ferme de Janeway. "Nous devions faire cet arrangement pour pouvoir survivre."
"Etiez-vous d'accord ?"
Tuvok parut une fois de plus mal à l'aise. "Non. J'étais en désaccord avec mon officier de commandement. Son attitude montrait une irrationalité extrême, une réaction possible au stress extrême qu'elle subissait."
"Et quand vous avez fait part de votre désaccord, quel fut le résultat ?"
"Elle m'a menacé de me confiner aussi dans mes quartiers."
Janeway ferma les yeux pendant une simple seconde. D'un côté, elle était reconnaissante que Tuvok ait dit la vérité, mais elle était aussi agacée par la brutalité particulière de cette vérité. Comment T'Sai pourra-t-elle jamais la racheter de cet incident particulier ? A part le fait que T'Sai était restée relativement silencieuse pendant la majeure partie de cette interrogation, à l'exclusion de ses objections, Janeway se demandait si l'avocate Vulcaine tenterait même de défendre ses actions.
"Et ?"
"Je n'ai pas maintenu mon désaccord", dit Tuvok.
"Et résultat, les Ankaris ont communiqué avec les aliens pour qu'ils cessent leurs attaques ?"
"Oui."
Janeway se déconnecta tandis que Shelrak continuait d'interroger Tuvok sur les événements qui suivirent. Pour la première fois, elle prit en considération ce qui pourrait lui arriver. Il était parfaitement évident que c'était un procès et pas une formalité. Il y aurait un verdict, et elle devrait s'y soumettre. Et étant donné le temps que Shelrak consacrait à l'Equinox, elle soupçonnait que les conséquences ne seraient pas bonnes.
Elle leva la tête au moment où Shelrak demanda "Les survivants de l'Equinox sont restés à bord du Voyager ?"
"Oui", dit Tuvok. "Néanmoins, ils se sont vus retirer leur rang et ont été surveillés de près."
"Merci. Ce sera tout." Shelrak hocha la tête en direction de T'Sai, et à la surprise de Janeway, T'Sai se leva et s'approcha de Tuvok. L'humeur de Janeway s'améliora immédiatement.
"En regardant les conséquences de cet incident en particulier", dit doucement T'Sai, "croyez-vous que le Capitaine Janeway ait montré du regret à l'égard de ses agissements ?"
"Elle l'a fait", dit Tuvok. "Elle a compris l'énormité de ce qu'elle avait fait et a vraiment été consternée avec le recul."
"Et selon votre opinion, est-ce que les actions du Capitaine Ransom étaient une violation directe des ordres Généraux, tels que stipulés par Starfleet ?"
"Oui, je le crois. Le Capitaine Ransom agissait dans le mépris absolu des principes auxquels nous devons obéir."
"Dans ce contexte..." T'Sai se tourna pour regarder Janeway, puis retourna son attention sur Tuvok, "croyez-vous que le Capitaine Janeway ait eu besoin de recourir à une action énergique ?"
Tuvok inclina légèrement la tête avant de répondre. "Je le crois". Et il le croyait.
"Et quelle fut la réaction du Capitaine Janeway envers l'équipage de l'Equinox en conséquence de cet incident particulier ?"
"Les cinq membres d'équipage de l'Equinox ont été intégrés à l'équipage du Voyager et ont reçu certaines responsabilités", dit Tuvok.
"Ont-ils été traités avec respect ?"
Tuvok réfléchit. Janeway savait de quoi il parlait. Elle avait laissé à Chakotay le soin de s'occuper du bien-être des cinq de l'Equinox, et même si elle s'était maintenue au courant de leurs performances sur le Voyager, elle n'avait pas pris le temps de former des liens avec eux. En fait, elle pouvait à peine se rappeler de s'être adressée à eux pour plus qu'un bonjour officiel dans des réunions de l'équipage.
"Le Capitaine Janeway avait comme pratique de traiter tous ses membres d'équipage avec respect", dit finalement Tuvok.
"Même les membres d'équipages pouvant avoir commis un meurtre ?"
"Même eux", dit Tuvok. "Elle ne faisait pas de distinction."
"Merci. Ce sera tout."
Janeway eut un regard écarquillé. C'était tout ? Elle sentit chaque cellule de son corps s'agiter.
"Merci, Commandeur Tuvok", dit Louvois. "Vous pouvez disposer, avec les remerciements de l'assemblée."
Le corps complètement droit et la tête haute, Tuvok sortit de la salle du tribunal. Il ne regarda pas Catherine Janeway en passant près d'elle.
 
***

La sonnerie de la porte les fit sursauter tous les deux. B'Elanna regarda, presque craintivement, Tom, qui sans un mot se leva pour répondre.
"Amélie", dit Tom presque soulagé. "Entre."
"Merci." Amélie Despere entra dans la pièce. B'Elanna se leva, tenant Miral dans les bras.
"Je ne pense pas que tu aies eu la chance de rencontrer mon épouse quand nous sommes venus plus tôt", dit Tom. "B'Elanna Torres, c'est Amélie Despere."
"Heureuse de vous rencontrer", dit B'Elanna.
"Et bien sûr, tu te souviens de Miral", dit Tom. Il passa doucement sa main sur la tête de Miral, peignant ses boucles rebelles. "Elle est inhabituellement sage aujourd'hui."
"Bah !" dit agréablement Miral. Amélie sourit.
"Elle est très belle", dit Amélie à B'Elanna.
"Merci."
"Alors que nous vaut le plaisir de ta visite ?" demanda Tom.
"Je pensais que tu voudrais savoir que le procès de l'équipage de l'Equinox est terminé", dit Amélie. Elle se tenait plutôt au garde à vous et Tom lui proposa la seule chaise de la pièce. Elle secoua la tête et la formalité de sa posture poussa B'Elanna à resserrer son étreinte sur Miral.
"Que s'est-il passé ?" demanda Tom tandis que B'Elanna posait Miral sur la couverture sur le plancher.
"Ils ont été renvoyés pour manquement à l'honneur et condamnés à un an d'emprisonnement en Nouvelle-Zélande. Je pensais que tu voudrais le savoir."
Tom déglutit avec difficulté et regarda vers B'Elanna.
"Comment... comment l'ont-ils pris ?"
"Je n'étais pas dans la salle de cour, mais je crois qu'ils sont restés silencieux et calmes. Ils ont eu l'opportunité de faire une déclaration, mais ont refusé, disant qu'ils avaient dit tout ce qu'il y avait à dire sur le banc des témoins", dit Amélie. "Ils partiront bientôt pour la Nouvelle-Zélande."
Le regard qui passa entre Tom et B'Elanna disait tout. Est-ce un présage de ce qui restait à venir ?
"Très bien", dit finalement Tom. "Merci de nous en avoir informé."
"S'il y a quelque chose que je peux faire..." La voix d'Amélie s'éteignit.
"Juste de leur faire savoir, si tu peux les voir, que nous pensons à eux", dit doucement Tom.
B'Elanna hocha la tête. "Oui, s'il vous plaît, faites-le", dit B'Elanna. Elle baissa la tête vers Miral, qui gargouillait. D'un geste presque automatique, B'Elanna se pencha et essuya le visage de Miral à l'aide d'une serviette.
"Rien au sujet du Capitaine ?" demanda doucement Tom.
"Le procès a été suspendu pour la journée", dit Amélie. "Je crois qu'il se poursuivra demain matin."
"Est-ce que ça se passe bien ?"
"Je ne sais pas", admit Amélie. Elle regarda Tom. "Je dois y aller, mon mari m'attend à l'extérieur, mais je voulais que vous sachiez ce qui s'était passé."
"Nous l'apprécions... tous les deux. Merci."
Amélie hocha la tête en direction de B'Elanna. "Ce fut agréable de vous rencontrer. Tom, je te verrai plus tard."
Après le départ d'Amélie, B'Elanna posa Miral dans les bras de Tom.
"Je vais chercher son biberon", dit distraitement B'Elanna, avant de se diriger vers la réplicateur. Tom remarqua que les mains de sa femme tremblaient. "C'est gentil de la part de ton amie d'être passée"
"Oui, en effet", dit Tom, ses lèvres brossant encore le dessus de la tête de Miral. "B'Elanna..."
"Une minute."
Il regarda B'Elanna tandis qu'elle tapait le code approprié sur le réplicateur, et une seconde plus tard, un biberon se matérialisa. B'Elanna fit rapidement tomber une goutte de lait sur son avant-bras avant de s'installer sur la seule chaise de la pièce.
"Je m'ennuie du fauteuil à bascule", dit B'Elanna tandis que Tom lui remettait Miral. Miral se mit à sucer avidement le contenu du biberon. "Cette chaise est inconfortable. J'ai les ressorts qui me rentrent dans le dos."
"Je suppose que nous pouvons en demander une autre."
"Ca donnerait quoi ?" demanda B'Elanna. "Vas-tu d'asseoir dessus ? Tu passes la plupart de ton temps sur le lit de toute façon."
"J'ai simplement dit, si tu étais mal à l'aise, nous pourrions en avoir une autre. Ce n'est pas un problème."
"Je ne veux pas d'une autre chaise, Tom."
Tom plaça délicatement une main sur l'épaule de B'Elanna. "Je sais", dit-il doucement. "B'Elanna, il est presque temps."
"Elle n'a pas terminé son repas", dit B'Elanna, un ton de panique se glissant dans sa voix. "Bon sang, Tom, laisse-la terminer. Tu sais comment elle est quand elle a faim."
"Je sais."
Ils regardèrent tous les deux les petits poings de Miral entourant le biberon, les yeux à moitié fermés dans une somnolence rêveuse. En vérité, les seuls moments où Miral Paris était silencieuse étaient quand elle mangeait ou dormait.
"J'ai écrit les instructions pour ses repas et ses heures de sommeil sur la tablette", dit B'Elanna. "J'ai aussi inclus la formule pour bébé qu'ils doivent répliquer. S'ils peuvent avoir les ingrédients réels, ce serait mieux, mais s'ils ont besoin de les répliquer, j'ai inclus la recette. Je n'aime pas utiliser le réplicateur plus que nécessaire. On ne sait jamais. La recette peut se dérégler, les éléments..."
"B'Elanna." Tom se pencha, ses doigts caressant gentiment le contour de sa mâchoire. "Tu peux venir avec moi. Tu pourrais leur dire toi-même."
"Leur dire quoi ?" Sa voix était inhabituellement perçante. "S'ils avaient la moitié d'un coeur..."
"B'Elanna !" Tom agrippa l'épaule de B'Elanna. "S'il te plaît. Ne... ne rend pas la chose plus difficile pour nous, pour Miral."
"Comment peux-tu être aussi calme ?" demanda-t-elle. Il y avait dans sa voix un mélange de chagrin et de colère.
Tom s'était lui-même posé la question. Sa furie initiale contre l'ordre de son père s'était transformée en une rage brûlant lentement. Pourtant, d'une manière ou d'une autre, il s'était retenu. Peut-être était-ce parce qu'il savait que B'Elanna avait besoin de sa force pour l'instant. Il serra les épaules de sa femme.
"Il n'est pas trop tard pour changer d'idée", lui dit-il. "Ne me laisse pas le faire seul, B'Elanna. Viens avec moi."
"Je ne donnerai pas mon bébé à qui que ce soit."
"En es-tu sûre ?" Tom la regarda avec attention. Il ne voulait pas que B'Elanna regrette sa décision.
"J'en suis sûre."
Tom pouvait voir à la tension de la mâchoire de B'Elanna qu'elle avait pris sa décision, elle ne l'accompagnerait pas quand il irait remettre Miral à son père. Tom se redressa et alla vérifier les sacs de Miral. B'Elanna, à vrai dire, avait empaqueté tout ce dont le bébé pouvait avoir besoin et même plus. La même méticulosité et soin des détails avec laquelle elle avait dirigé l'Ingénierie se retrouvait dans la manière dont elle avait fait les paquets. Tom toucha le targ rembourré de Miral.
Il faudrait qu'il pense à dire à son père que Miral ne pouvait pas s'endormir sans le jouet.
 
***

Naomi était assise à son bureau, se remémorant la journée avant d'enregistrer ses pensées sur son journal. Neelix lui avait suggérée il y quelques années de commencer un journal et sa régularité à écrire dépendait de la variété de ses humeurs. Quelquefois, elle écrivait par regain, créant de longues entrées remplies de détails précis. D'autres fois, elle délaissait son journal pendant une longue période, par manque d'inspiration.
Il s'était passé plusieurs semaines depuis que Naomi Wildman avait écrit quoi que se soit. En fait, tandis qu'elle repassait les dernières entrées, elle remarqua qu'elles étaient inhabituellement concises, n'étant en grande partie constituées que de descriptions de ce qu'elle avait mangé et quelques leçons qu'elle avait retenu de Seven of Nine. Comme elle lisait en diagonale, elle sélectionna une entrée. "Maman a beaucoup parlé de mon père ces derniers temps. Aujourd'hui, j'ai regardé sa photo pendant un long moment. Je me demande ce que ça me fera de le rencontrer"
Naomi soupira et pressa un bouton pour faire apparaître une page blanche. Avec soin, elle commença à écrire. Elle savait qu'elle pouvait dicter le texte, mais elle ne désirait pas vraiment que son père sache qu'elle était réveillée. Elle était supposée être endormie depuis une heure.
"Aujourd'hui, c'était mon premier jour dans ma nouvelle école. Tout le monde était amical et gentil avec moi. Ils voulaient tout savoir sur le Voyager, alors que je leur ai parlé de Seven et de Neelix. Certains enfants avaient peur de la Borg, mais je leur ai dit que Seven était différente. Une fille, Lili, voulait rencontrer Seven, et alors quand je lui ai dit que je ne savais pas où était Seven, elle m'a accusé de mentir. Le professeur est alors venu parce que nous discutions assez bruyamment. Père est venu me chercher après l'école, et il était déjà au courant de la discussion. Il m'a dit que je ne devais pas causer de problème et qu'il était important que je respecte tous les étudiants et les professeurs. Mais je n'aime pas me faire traiter de menteuse. Je ne pense pas que Père ait compris cela. Il a fait le dîner pour nous ce soir. C'était vert et violet et je pense que c'était vivant. Je n'ai pas pu en manger beaucoup. Je m'ennuie vraiment de la cuisine de Neelix -"
"Naomi ?" La voix de son père monta depuis les escaliers. Naomi sursauta et fit une sauvegarde rapide de l'entrée dans son journal avant de bondir sur le lit. Elle s'était à peine remise sous ses couvertures quand son père apparut dans l'embrasure de la porte. "Je pensais t'avoir dit de te coucher il y de cela une heure."
"Oui", dit humblement Naomi. Dans l'embrasure de la porte, son père semblait inhabituellement large. "Désolé. Je devais terminer quelque chose."
Son père s'assit sur le coin du lit. "Tu vas en classe demain. Tu as besoin de te reposer. Tu dois aller au lit quand je te dis d'y aller."
"Je suis désolé", dit Naomi. "Je voulais simplement faire quelque chose avant de l'oublier."
Avec soin, son père passa sa grosse main sur les couvertures, les défroissant gentiment. Pendant un instant, Naomi oublia que l'homme dans sa chambre était son père et pas Neelix.
"Neelix avait l'habitude de faire ça", dit Naomi, "quand il venait pour me border la nuit."
"Bien." Son père se redressa, embarrassé. "Bonne nuit."
Naomi était confuse. Son père avait vraiment été doux, même gentil, une seconde plus tôt. En fait, elle pensait même qu'elle pourrait aimer vivre ici. Puis une pensée lui vint à l'esprit. Peut-être pourrait-elle garder son père sans sa chambre quelques minutes de plus. "Connais-tu 'Flotteur' ?"
Son père la regarda confus. "'Flotteur' ?"
"C'est une histoire, et il y a des jeux basés dessus. J'avais l'habitude d'y jouer dans le holodeck."
"Sur le Voyager ?"
"Oui. C'était amusant. Neelix avait l'habitude de me lire les histoires de 'Flotteur' avant que j'aille me coucher." Naomi se tourna sur le côté, agrippa le bord de son oreiller. "Ca m'aidait à m'endormir quand j'avais des problèmes."
"Je vois." Son père se tenait encore dans l'embrasure de porte. "Bien, bonne nuit, Naomi. Je te verrai demain matin."
Naomi ne répondit pas. Elle pressa son visage contre l'oreiller, sentant soudainement la lassitude gagner chaque muscle de son corps. Elle renifla légèrement. De dessous ses couvertures, elle entendit des bruits de pas s'approcher et quelqu'un se déplacer.
"Naomi ?" C'était son père.
"Oui ?" Sa gorge était sèche et rugueuse.
"Au sujet de ce 'Flotteur'." Son père semblait incertain. "Tu as dit que c'était un programme de holodeck ?"
"Oui", dit Naomi. Elle renifla encore, cette fois plus fort. "Désolé, je crois que j'ai un rhume."
"Ordinateur, lumière tamisée", demanda son père. Il se tenait à la bordure de son lit. "Voudrais-tu un peu de thé ?"
Naomi hocha la tête. Neelix lui préparait toujours du thé quand elle ne se sentait pas bien.
"Très bien. Je vais t'en apporter." Son père se retourna pour sortir, mais s'arrêta un instant comme il s'approchait de l'embrasure. "Je vais faire une réservation aux holodecks publics pour ce weekend, Naomi. Peut-être pourras-tu me montrer ton programme 'Flotteur'."
"J'aimerais cela", dit doucement Naomi. Son père hocha la tête et disparut dans l'entrée. Naomi se blottit sous les couvertures, réalisant que son père en savait aussi peu sur elle qu'elle n'en savait sur lui.
 
***
 
B'Elanna s'assit sur le lit, surveillant la porte. Combien de temps s'était-il passé depuis que Tom était parti avec Miral ? Elle n'arrivait même pas à réfléchir, avec le battement engourdissant qui s'était imposé derrière ses yeux. Avec lassitude, elle se massa les tempes.
Seulement quelques jours, se dit-elle. C'est tout, je peux le faire.
Après un moment, B'Elanna se leva. Ses muscles semblaient ankylosés et elle se sentait inhabituellement frigorifiée. Elle se déplaça presque comme une automate vers la penderie et attrapa le premier vêtement qui lui tomba sous la main, la veste rouge de Tom. Elle la secoua, notant qu'elle aurait besoin d'être repassée pour être conforme au règlement. Mais au lieu de la recycler, elle la passa par dessus ses vêtements. La veste était lâche sur elle, descendant juste en dessous de ses hanches.
B'Elanna commença à faire les cents pas dans la chambre. Tom lui avait redemandé avant de partir si elle voulait venir avec lui rencontrer son père, mais B'Elanna avait refusé catégoriquement. Elle avait eu peur de ce qu'elle pourrait faire une fois le moment venu de remettre Miral à l'Amiral Paris, et la dernière chose que voulait B'Elanna était de laisser Starfleet savoir ce qu'ils lui avaient fait.
Elle se demanda ce que Tom faisait en ce moment. Etait-il en train de parler à l'Amiral Paris ? Lui avait-il remis Miral ? Montrait-il à son père toutes les affaires de Miral ? Qui d'autre y avait-il là-bas ? A quoi ressemblaient-ils ? Comment réagissait Miral ? Riait-elle ? Pleurait-elle ?
B'Elanna frissonna. Est-ce que l'Amiral Paris suivrait les instructions pour les repas exactement comme elle les avait écrites ? Est-ce qu'il se rappellerait que Miral aimait particulièrement son targ de chiffon et qu'elle en avait besoin dans son lit pour s'endormir tous les soirs ?
B'Elanna se frotta les mains l'une contre l'autre, essayant de se réchauffer. Elle se demandait si elle n'aurait pas dû y aller avec Tom, au lieu d'avoir été folle et d'être restée parce qu'elle avait eu peur de ses propres émotions.
C'est seulement pour quelques jours, se répéta-t-elle.
L'obscurité commençait à descendre à l'extérieur. Par la fenêtre, B'Elanna pouvait voir les minuscules épingles de lumières au-delà de la Baie de Marin County. Au loin, le soleil s'était couché dans un ciel rouge, et B'Elanna savait qu'il ne deviendrait jamais complètement noir. San Francisco était connu pour son ciel teinté de rose la nuit.
La porte s'ouvrit en glissant et B'Elanna se retourna alors que Tom entrait. Elle s'étouffa presque quand elle réalisa qu'il avait les mains vides, et c'est alors qu'elle réalisa réellement. Il l'avait fait, Miral était partie. Elle s'étrangla, voulant hurler, ayant besoin de relâcher l'intensité émotionnelle en elle. Jusqu'à présent, elle avait été incapable de penser que cela se produirait, que Tom pourrait vraiment le faire. B'Elanna déglutit difficilement, mettant sa main sur sa bouche.
C'est comme d'abandonner son enfant seul dans les bois, pensa B'Elanna. Elle regarda son mari, remarquant à quel point il avait l'air fatigué et vieilli.
"Et bien ?" Elle essaya de garder un ton neutre. "Comment cela s'est-il passé ?" Elle fut surprise de voir à quel point elle pouvait sembler nonchalante dans un moment comme celui-ci. En fait, cela avait l'air d'une simple question sur un vol de test ou un nouveau programme holodeck. "Tom ?" Sa voix monta d'un ton tandis que l'anxiété augmentait. Kahless, que c'était-il passé en bas ? "Tom, s'il te plaît."
Tom secoua la tête et sans dire un mot, traversa la pièce vers le lit. Il s'y assit lourdement, les épaules courbées. B'Elanna, toujours enveloppée dans la veste, s'assit près de lui, entourant les épaules de Tom de ses bras et pressa ses lèvres contre sa joue.
"Tom", murmura-t-elle. Les bras de Tom étaient autour de sa taille, la serrant de près. Pendant un moment, ils restèrent assirent dans un silence lourd et B'Elanna commença à se sentir gelée.
"Elle n'a pas pleuré", dit finalement Tom.
B'Elanna cligna des yeux. "Quoi ?" demanda-t-elle doucement.
"Miral n'a pas pleuré, pas du tout."
B'Elanna en eut les larmes aux yeux. Miral, en général, était un bébé amical, grâce aux nombreuses personnes qui s'étaient occupées d'elle à bord du Voyager. Ce qui avait comme résultat que les étrangers ne dérangeaient pas du tout Miral. Mais qu'arriverait-il quand le matin arriverait et que Tom et B'Elanna ne seraient pas là à son réveil. ? B'Elanna se mordit la lèvre. Kahless, quel genre de mère était-elle, de laisser partir mon bébé comme ça ?
"Je tremble", murmura-t-elle, presque d'étonnement. Elle leva ses mains.
Tom la tira vers lui, l'attirant sur le lit. Ils s'étreignaient encore l'un l'autre bien longtemps après que ce soient éteintes les lumières de la Baie.
 
***

Catherine Janeway pouvait sentir les muscles endoloris de son corps. Elle fut surprise de réaliser à quel point elle se sentait incroyablement fatiguée après une journée assise sans bouger. Dieu merci, je suis loin de cet endroit, pensa-t-elle en entrant dans ses quartiers. Plus important encore, elle était profondément reconnaissante que son garde du corps, Dave Evans, ait disparu pour la soirée. En se fiant à l'horloge, elle avait dix bonnes heures devant elle avant de devoir faire face à nouveau à Evans et Louvois.
Avec lassitude, elle enleva sa veste, la jetant avec désinvolture sur le dos de la chaise. Puis elle s'assit, enlevant ses bottes. Elle soupira en s'adossant et observa la chambre. Elle savait qu'elle avait des quartiers plus confortables que la plupart des membres son équipage du Voyager. Sa suite comprenait trois pièces, incluant un bureau en plus de la salle de séjour. Starfleet avait été assez aimable pour lui fournir un terminal qui fonctionnait, bien que, dans sa situation, Janeway ne soit pas tellement sûre de savoir à quoi elle pourrait utiliser le terminal.
Janeway se leva et continua d'enlever ses vêtements, laissant un sentier de linge en se dirigeant vers la douche. Elle avait pour règle de ne pas se laisser aller et de toujours s'assurer que son uniforme soit traité comme le voulait les réglementations. Ce soir, elle s'en moquait juste.
Janeway fit couler la douche, sentant le jet chaud de l'eau contre son corps, repoussant la tension des neuf dernières heures. Après quinze minutes, elle en sortit, s'emmitoufla dans une robe de coton duveteux qui lui avait été fournie. Alors qu'elle se dirigeait à pas feutré vers la chambre à coucher, elle fit une brève pause devant le miroir. Pour autant qu'elle pouvait le dire, elle était exactement comme au matin. Elle s'avança vers son reflet, ses doigts caressant légèrement la vitre.
Pendant un instant, Janeway songea à allumer le canal des nouvelles, ainsi le bavardage incessant des reporters repousserait le silence. Mais bon, elle connaissait avec exactitude les nouvelles du jour et elle ne désirait vraiment pas revive le détail des audiences. Après tout, pensa-t-elle avec un sourire ironique, j'étais là. Alors le verdict était assez simple. Pas de canal des nouvelles ce soir. Tandis que Janeway se tenait devant le miroir, le silence devint de plus en plus insupportable. Pour la première fois depuis des années, Janeway ne voulait pas rester seule avec ses pensées.
"Ordinateur, joue..." elle fit une courte pause. "Joue 'Quelqu'un pour regarder par-dessus mon épaule.'"
Des accords doux remplirent la chambre et l'humeur de Janeway s'améliora légèrement. Elle était consciente maintenant, comme elle ne l'avait jamais été avant, à quel point elle était vraiment seule.
Elle acheva de se préparer pour le lit sous la musique de Gershwin.
 
***
 
A travers tout San Francisco, nombreux étaient ceux branchés sur le canal local des nouvelles. La plupart des soirs, les auditeurs se branchaient pour regarder la présentatrice populaire, Suellen Barlett, qui s'était faite tout un public après sa couverture incroyablement détaillée et complète de la Guerre du Dominion. Son attitude calme avait inspiré confiance durant une époque turbulente. Ce soir, cependant, le sujet était le procès du Capitaine Catherine Janeway et l'on parlait peu d'autre chose dans toute la cité.
Résultat, le canal de nouvelles était diffusé à travers la cité en des endroits variés, comme les cafés, les bars, et les salles de billard, et les spéculations allaient bon train sur le sort qu'on réservait à Catherine Janeway et à plusieurs membres de son équipage.
"Pour récapituler les événements du jour, les cinq membres d'équipage de l'Equinox ont été renvoyés de Starfleet pour manquement à l'honneur", rapporta Suellen Barlett avec son ton sec habituel. "Noah Lessing, James Morrow, Marla Gilmore, Angelo Tessoni et Brian Sorfin ont servi sur l'Equinox sous le commandement du Capitaine Rudolph Ransom. Tandis qu'ils étaient dans le Quadrant Delta, l'équipage de l'Equinox a violé plusieurs protocoles de Starfleet, incluant le meurtre d'une espèce intelligente dans le but d'améliorer leur moteur de distorsion. Les cinq membres de l'équipage purgeront une peine de un an en Nouvelle-Zélande pour leur participation à ces crimes."
Suellen Barlett fit une pause avant de continuer. "Parmi les autres nouvelles, le procès de Catherine Janeway, le capitaine du vaisseau Voyager, se poursuivra demain matin. Ce qui s'est passé aujourd'hui dans l'audience à huis clos est toujours inconnu, mais des sources internes au procès, parlant sous le couvert de l'anonymat, ont dit prédire un verdict de culpabilité pour Janeway. Janeway et son équipage se sont retrouvés coincés dans le Quadrant Delta pendant sept ans puis dans une région référencée par eux comme 'l'espace bulle' pendant sept mois, juste après être revenus du Quadrant Delta."
L'angle de la caméra se déplaça et Suellen Barlett changea de position avant de reprendre les nouvelles.
"Finalement, la question du Maquis reste toujours en suspens. Les Cardassiens font pression pour obtenir des peines d'emprisonnement pour les crimes commis contre les Cardassiens avant la Guerre du Dominion. De nombreux maquisards furent tués durant l'année 2373 par les forces Jem'Hadar. Les maquisards survivants, incluant le Premier Officier du Voyager, Chakotay, et son chef ingénieur, B'Elanna Torres, sont actuellement retenus dans des prisons de la Fédération. Les aspects politiques de la situation ralentissent forcément la décision sur le devenir des maquisards du Voyager, mais nos sources à l'intérieur du procès prédisent..."
 
A suivre dans l'épisode 17...
 
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Ecrit par: Seema
version française: André
Producteurs: Thinkey, Anne Rose et Coral
Remerciements aux différents correcteurs: Coral (version originale), Laurent (version française).

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