Star Trek Voyager
La saison 8 virtuelle
8.15 Descente des Ombres, I
Dernière mise à jour :15 mars 2002
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8.15 DESCENTE DES OMBRES, I
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.. Episode 8.15 - 8.15 DESCENTE DES OMBRES, I
Par: Seema (seemag1@yahoo.com)
Version française: André (andduret@hotmail.com)

Note: Star Trek: Voyager, personnages et autres produits dérivés sont des marques déposées de Paramount Pictures. Aucune infraction aux droits d'auteurs de Paramount voulue. La Saison 8 virtuelle de Voyager (Voyager Virtual Season 8, VS8) est une entreprise à but non lucrative. L'histoire est propriété de son auteur. Pas de reproduction sans sa permission.

"Paris jongle avec sa vie de famille pendant que le procès de Janeway débute."
 
Elle se tenait devant le miroir, observant son image d'un oeil critique. Catherine Janeway n'était pas du tout une femme vaine, mais ce matin, le premier matin du reste de sa vie, elle voulait être sûre que son apparence était parfaite de toutes les manières possibles.

Elle se pencha vers l'avant. Sa peau était toujours claire, ferme, sans ride à l'exception des quelques minuscules plis près du coin des yeux qui avaient commencé à apparaître l'année dernière. Ses cheveux étaient brillants, maintenant leur lustre noisette naturel teinté d'une nuance de rouge. Les pointes de cheveux s'incurvaient vers le haut juste au-dessus de ses épaules, comme selon les réglementations de Starfleet ; qu'elle soit damnée si elle retournait à la coupe qu'elle portait au début de sa carrière de commandement. Ses expériences avec ses cheveux avaient provoqué un peu d'amusement parmi son équipe senior, mais dans l'intimité de ses quartiers, Janeway connaissait la vérité. Là-bas dans le Quadrant Delta, ses cheveux, aussi trivial que ça paraissait, étaient les seules choses qu'elle pouvait vraiment contrôler.
Tout le reste était, et bien... à laisser entre les mains du destin.
Les lèvres de Janeway s'incurvèrent vers le haut. Le destin, oh l'ironie. Elle avait fait tout ce qu'elle pouvait, y compris sacrifier une grande partie d'elle-même en termes d'émotions et d'engagements personnels, pour ramener le Voyager à la maison, et maintenant après tout ça, elle laissait son destin dans les mains d'un JAG de Starfleet.
Elle glissa ses mains sur le tissu rêche de son uniforme d'apparat. Elle avait pris un temps inhabituel pour s'habiller ce matin, déterminée à ce que chaque pli tombe au bon endroit pour qu'eux, les JAG de Starfleet, ne lui trouveraient pas de faute additionnelle.
Elle regarda vers la nouvelle console vidéo perchée sur la table proche. Ces derniers jours, elle l'avait gardé allumée, souhaitant que le bruit repousserait le silence. Mais la couverture constante du Voyager l'avait poussé à rechercher la distraction. Janeway savait exactement ce qui allait passer si elle allumait à nouveau la vidéo maintenant - la bande permanente des accomplissements du Voyager dans le Quadrant Delta, sa réapparition mystérieuse dans le Quadrant Alpha et puis sa disparition. Invariablement, un supposé expert viendrait, soit avec une opinion légale sur le statut des maquisards ou de l'ancien équipage de l'Equinox. Et dernièrement, ces têtes parlantes s'étaient mises à débattre de Catherine Janeway elle-même. Les programmes de nouvelles à sensation offraient leurs conjectures sur ce qui pourrait arriver à Janeway maintenant qu'elle était officiellement de retour. Les opinions allaient de la plus héroïque, la promotion immédiate d'amiral, à la plus pessimiste, le renvoi déshonorant de Starfleet.
Janeway ne connaissait pas les enjeux politiques entourant sa situation. Les conversations avec Owen Paris l'avaient assuré que c'était plus qu'un simple compte rendu. Elle serra les lèvres en un mince sourire. Bien, elle avait fait face à des circonstances plus effrayantes qu'un jury d'amiraux âgés de Starfleet et qu'elle soit damnée si elle laissait ces vestons rugueux l'intimider.
Catherine Janeway leva le menton par défi et ses yeux tombèrent sur les quatre épingles sur son col. Elle passa une main tremblante sur le métal froid de ses épingles, comme pour s'assurer qu'elles étaient toujours là.
Puis elle eut un large sourire. Enfer, elle avait fait face aux Borgs, aux Hirogènes, et aux Sernaix... qu'était un jury d'amiraux renfermés pour elle ?
"Capitaine ?"
Janeway ne se retourna pas au son de la voix du garde de la sécurité. Elle en savait peu sur ce jeune homme assigné à sa garde, juste son nom, Dave Evans, et elle n'avait pas l'intention de mieux le connaître. Ses brèves conversations avec l'Amiral Paris l'avaient convaincu de rester sur ses gardes. Qui savait ce qu'on pourrait utiliser contre elle ?
"Qu'est-ce qu'il y a ?" demanda-t-elle rudement.
"Il est temps de partir."
"Qu'en est-il de T'Sai ?" demanda Janeway, se référant à l'avocate Vulcaine que l'Amiral Paris avait retenue pour elle. Elles s'étaient rencontrées le soir précédant pour établir une stratégie, mais Janeway espérait que T'Sai allait en fait l'accompagner vers les quartiers généraux pour qu'elles continuent ainsi la discussion.
"Elle va nous rejoindre à l'audience."
Janeway hocha la tête, dissimulant son désappointement. Elle caressa rapidement une autre fois son uniforme, lissant les faux plis à peine visible du tissu lourd.
"Très bien", dit-elle. "Allons-y."
 
****
 
Marla Gilmore avait toujours été la plus silencieuse, la plus responsable. Même quand elle était enfant, grandissant à l'Ouest du Massachusett, elle avait toujours le sens de la prudence, ne voulant jamais vraiment faire un pas sans évaluer toutes les options qui lui étaient offertes.
Sa minutie était la raison principale pour laquelle le Capitaine Rudy Ransom l'avait choisi pour son équipage sur l'Equinox. Pour Marla Gilmore, âgée de vingt-deux ans, c'était sa première affectation à la sortie de l'Académie. Elle avait explosé de fierté quand elle avait reçu la nouvelle et s'était précipitée, à la débandade, vers ses quartiers pour appeler sa famille, débordant d'enthousiasme dans sa voix et d'énergie dans ses pas. Comme l'avait commenté plus tard sa compagne de chambre, personne n'avait jamais vu Marla se déplacer aussi vite avant. Elle avait envisagé une carrière glorieuse, où son style calme lui vaudrait le respect de ses pairs. Elle voulait être à la tête de son propre département.
C'était amusant comme les choses avaient tourné, songea Marla. Maintenant, elle était ici, juste à quelques minutes de l'audience qui pourrait, non, qui allait, changer sa vie à jamais.
Assise dans la petite salle sans fenêtre avec les quatre autres membres survivants de l'équipage de l'Equinox, Marla restait silencieuse tandis que les autres parlaient, semblant ignorer sa présence.
"Nous savions que ce jour allait arriver", dit calmement Noah Lessing. "Ce que l'Amiral Paris nous a dit ne devrait pas nous surprendre."
"Que crois-tu que sera le verdict ?" demanda James Morrow. Lui et Brian Sorfin avaient été parmi les plus proches amis de Marla sur l'Equinox et elle savait que James avait partagé en secret son dégoût pour leurs actions sur l'Equinox. A cette époque, ils s'étaient convaincus que tuer les aliens nucléogèniques était le seul moyen de pouvoir survivre.
Noah, toujours en chef, se moqua de la question de James. "Que crois-tu ? Si nous sommes chanceux, nous serons expulsés avec déshonneur ?"
"Et si nous ne le sommes pas ?" demanda calmement Marla. Les quatre hommes la regardèrent. Marla se pencha vers l'avant, croisant ses doigts au-dessus de la table. "Ce que nous avons fait peut tous nous envoyer en prison pour le reste de notre vie."
"L'Amiral Paris a dit que le Capitaine Janeway a glissé un mot en notre faveur", dit Brian. "Ca devrait compter pour quelque chose."
"Cela dépend du résultat de son audience", pointa Noah. "Si elle se fait botter..."
Il n'avait pas à finir la phrase. Les autres connaissaient déjà les implications. Dès maintenant, à part leurs familles, Catherine Janeway était le seul support qu'ils avaient.
"Malédiction", dit Brian. Il frappa le poing sur la table. "Ecoutez, nous avons simplement besoin d'expliquer pourquoi..."
"Ils ne comprendront pas !" s'exclama Angelo Tessoni. Il se leva de sa chaise et commença à faire les cent pas dans la salle. "Ces amiraux, ils ne sont jamais allés dans le Quadrant Delta. Comment peuvent-ils vraiment comprendre par quoi nous sommes passés ?"
"Ils ne le peuvent pas", dit Marla, "donc nous devons rendre limpide le fait que nous n'avions pas d'autres options. Nous suivions simplement les ordres."
"Vrai", dit Noah, s'effondrant dans la chaise.
Marla souhaitait être capable de penser à quelque chose d'inspirant à dire, mais remonter l'enthousiasme n'avait jamais été son domaine expertise. Ransom, pensa-t-elle avec une touche d'amertume, avait excellé dans se domaine particulier. "Vous savez qu'ils ont déjà séparé Samantha Wildman et sa fille. S'ils le font à une jeune enfant, qui sait ce qu'ils nous feront ?"
"Nous leur dirons juste que nous suivions les ordres", répéta Angelo.
"Ouais, j'espère que ça marchera", dit Noah d'une voix qui indiquait clairement son niveau de pessimisme.
"Selon l'Ordre Général 26, les subordonnées ne peuvent pas êtres retenus ou jugées pour les actions de leurs supérieurs", pointa Angelo, sa voix brillant d'optimisme.
Brian secoua la tête. "Désolé, Angelo, c'est uniquement s'il peut être prouvé que l'équipage n'était pas directement impliqué. Et tu dois admettre que nous avons donné à Rudy cent pour cent de nous- mêmes. Nous sommes également coupables."
"Ne prend pas cette attitude en cour", dit Noah sarcastique. "Tu vas tous nous faire pendre. Restons-en à la dernière version, d'accord ? Nous suivions les ordres. Nous avons fait ce que nous devions pour survivre et oui, nous le regrettons, mais si les places étaient échangées, est-ce que quiconque aurait fait autrement ?"
"Le Voyager ne s'est jamais abaissé au meurtre", dit calmement Marla, mais son commentaire fut sciemment ignoré pas les autres. Même maintenant, les attitudes suffisantes occasionnelles de l'équipage du Voyager avaient sapé le moral déjà meurtri des cinq de l'Equinox, comme les appelait la collectivité. Pour cette raison, il avait été difficile de former des amitiés vraiment profondes avec l'équipage. Leur passé se mettait toujours en travers du chemin. Comme résultat, d'un groupe qui se serrait déjà les coudes, les cinq de l'Equinox étaient devenus encore plus proche, restant unis en toutes choses pendant leur temps sur le Voyager. Ce procès, ils le savaient, ne serait pas différent, en dépit des commentaires de dissension occasionnels.
"Je suis d'accord", dit James. "Bien que je doute que quiconque s'inquiétera beaucoup de ce qui nous arrivera. C'est cela qui me dérange le plus."
Comme James finissait de parler, la porte s'ouvrit, faisant sursauter Marla.
"Déjà ?" murmura-t-elle, anticipant les gardes de la sécurité qui allaient les escorter à l'audience.
"Détends-toi." Une main aimable lui serra l'épaule. Marla leva le regard. Tom Paris, remarqua-t-elle soulagée. Le pilote du Voyager fit le tour de la salle, les regardant tous avec un mélange de compassion et d'inquiétude. De tous les officiers supérieurs, Tom Paris avait agi le plus amicalement envers les cinq de l'Equinox et avait fait de son mieux pour s'assurer qu'ils se sentent à l'aise à bord du Voyager.
"Nous sommes heureux de vous voir," dit honnêtement Marla. "Je ne pensais pas qu'ils laisseraient quiconque nous rendre visite."
"Ils nous traitent comme les simples criminels qu'ils pensent que nous sommes," ajouta Brian, une note d'indignation pointant dans sa voix.
"C'est un des avantages d'avoir un amiral comme père", admit Tom. "Ca vous dérange si je m'assois ?"
"Non", dit Noah. "Bien que je sois surpris que vous vouliez être associé avec nous..."
"Hé !" Tom leva une main. "Ecoutez, j'essaie seulement d'être un ami."
"Noah", dit gentiment Marla. "Merci, Tom, nous l'apprécions."
"Comment tenez-vous le coup ?"
Marla regarda autour de la salle. Noah semblait toujours en colère, mais James et Brian semblaient simplement fatigués. Angelo, et bien... Marla n'avait jamais vraiment pu le dire dans son cas, il était expert pour partager ses sentiments.
"Du mieux possible, étant donné les circonstances," dit Marla. "Ca n'a pas été si mal. Votre père était très aimable quand il a expliqué les procédures."
"Heureux de l'entendre", dit Tom. "Je... J'ai l'intention d'assister à l'audience."
"Quoi ?" demanda Angelo.
"Vous tous faites partie du Voyager", dit Tom. "Nous marchons ensemble."
Marla se mordit la lèvre. Elle ne s'était pas attendue à ce que quiconque, encore moins quelqu'un de l'équipe de commandement, vienne à leur audience. La démonstration de support de Tom signifiait beaucoup, et peut-être qu'ils n'étaient pas aussi seuls qu'ils avaient imaginé.
"Merci, Tom", dit Marla reconnaissante. Elle se pencha au-dessus de la table pour prendre la main de Tom. "Quelle heure est-il ?"
"Eh, un peu avant neuf heures", dit Tom.
"Super", dit Noah. "Et bien, vous autres, appréciez ces quelques dernières minutes avant que la hache ne tombe."
"Tu ne sais pas ce qui va se passer", objecta Angelo. Déjà, il semblait plus joyeux que quelques minutes plus tôt. "Cette audience pourrait n'être qu'une simple formalité."
"Ha !" le bouta Noah.
A ce moment, la porte s'ouvrit et un officier en uniforme jaune entra. Marla sentit un frisson lui parcourir le dos. Ca y était, pensa-t-elle mal à l'aise. Elle poussa sa chaise en arrière, prenant une grande respiration.
"Lieutenant Tom Paris ?" demanda l'officier, à la grande surprise de Marla.
"C'est moi", dit Tom, se levant.
"Si vous voulez bien me suivre."
Tom regarda les cinq de l'Equinox.
"Ca ira", l'assura Marla. Elle se leva, se sentant soudainement forte. "Ne vous inquiétez pas pour nous."
"Je m'informerai de vous", dit Tom. "Bonne chance. Ca... ça a été un honneur de servir avec vous."
Sur ce dernier commentaire, Tom Paris suivit le garde à l'extérieur. Marla resta debout, ses yeux fixés sur Tom qui se retirait. Finalement, elle se retourna pour faire face aux autres. "Il le pense", dit-elle doucement. "Peu importe ce qui arrivera là-bas, nous devons être forts, nous allons leur dire la vérité et..."
Noah se pencha et prit la main de Marla.
"Ouais" dit-il d'une voix rauque. "Ce que dit Marla, c'est ce que nous allons faire."
 
****
 
Janeway sortit avec précaution du véhicule. La dernière chose qu'elle voulait était trébucher le jour de son procès. Elle plissa un sourire quand elle vit la presse se massant autour des portes des quartiers généraux de Starfleet.
"Je suppose que cela signifie que je vais faire les manchettes de ce soir", fit-elle remarquer à Evans.
"Oui, Madame", répondit-il, un peu distant, comme il se tenait près d'elle.
"Je ne vais pas leur parler."
"Non, Madame."
Janeway soupira d'exaspération. Elle savait que Evans était un officier 'selon le livre', probablement l'une des principales raisons pour laquelle il lui avait été précisément assigné. De plus, il n'était pas du tout impressionné par elle ou par l'histoire étonnante du Voyager, jusque-là. Il était la seule personne que Janeway ait rencontré, à part Owen Paris, qui ne lui ait pas demandé d'autographe.
Janeway observait Evans du coin de l'oeil. Il rougissait et elle se demanda s'il ne se sentait pas un peu intimidé par le cirque des médias qui s'étaient assemblés ici. Franchement, elle ne le blâmerait pas s'il l'était, et une petite partie d'elle s'amusait sournoisement de son inconfort.
"Laissez passer !" lança Evans. Il agita les bras et la foule des médias s'écarta légèrement, laissant à peine de l'espace pour que Janeway passe au travers.
"Capitaine ?"
Elle ne répondit pas, mais au lieu de cela plongea dans la foule. Autant y passer, pensa-t-elle, résolue. Elle remarqua beaucoup d'uniformes de Starfleet, mais aucun visage familier. Elle essaya de repousser sa déception. Elle avait pensé qu'au moins Chakotay aurait essayé d'être présent, ou Tom, ou B'Elanna...
"Capitaine Janeway ! Que s'est il passé avec les Sernaix ?" La question était très forte, à son oreille, et Janeway avait presque sursauté. Elle regarda furieusement le journaliste, espérant que l'intensité de son regard le pousserait à se replier, mais il ne recula pas. "Que s'est il passé quand le Voyager a soudainement réapparu et puis disparu à nouveau ? Où êtes-vous allés ?"
"Aucun commentaire !" cria Evans. Il poussa légèrement Janeway dans le dos, la contrariant quelque peu. Elle accéléra, tentant de rester au moins un mètre devant Evans, et plus important, elle fit de son mieux pour ignorer le barrage de questions qui lui était lancé.
"A quoi ressemblaient les Sernaix ?"
"Avez-vous formé une alliance avec les Borgs ?"
"A quoi ressemble la bulle ?"
"Avez-vous formée une alliance avec les Borgs ?"
Bien sûr, ils allaient poser cette question, pensa Janeway, ses lèvres s'incurvèrent légèrement de dégoût. De ses conversations avec l'Amiral Paris, Janeway savait que les huiles de Starfleet la considéraient désormais responsable de l'actuelle guerre civile du Borg. Ils ne le considéraient pas, se corrigea Janeway. Non, en fait ils la blâmaient pour la révolte des Borgs.
"N'aviez-vous pas peur d'avoir une drone Borg sur votre vaisseau ?" Le journaliste sur sa droite avait crié la question au moment où elle le dépassait.
"Capitaine Janeway !"
Janeway secoua la tête, espérant que le journaliste allait prendre le geste non-verbal pour un "pas de commentaire". En vérité, tous les mots commençaient à se chevaucher les uns sur les autres, les questions devenant une masse confuse à ses oreilles. Cependant, elle attrapait des fragments de-ci de là.
"Que va-t-il arriver à l'équipage de l'Equinox ?"
"Qu'en est-il des maquisards ? Comment se sent-on à servir sur un vaisseau avec des terroristes ?"
A cette dernière question, Janeway pivota presque, mais seule sa fierté lui permit de continuer vers sa destination ultime, la tête droite. C'était une question à laquelle elle n'avait pas envie de répondre. Un vaisseau plein de terroristes, vraiment ! Apparemment, la fin de la Guerre du Dominion n'avait rien fait pour adoucir les attitudes envers le Maquis.
"Avez-vous une opinion sur ce qui doit être fait avec les maquisards ?"
"Que pensez-vous que vous ferez après l'audience ?"
"Pensez-vous que vous serez renvoyée ?"
Janeway se mordit la lèvre tandis qu'elle montait les marches du Quartier Général. La distance avec le véhicule, qui ne dépassait en réalité pas quinze mètres, sembla interminable. Elle fit une pause d'une seule seconde, sondant encore la foule à la recherche d'un visage familier. N'en voyant aucun, elle se dirigea vers la porte.
Une fois à l'intérieur du sanctuaire du Quartier Général, Janeway se permit un soupir de soulagement.
"Bon", fit-elle en remarque pour personne en particulier, "allons-y pour le spectacle."
 
****
 
Naomi Wildman changea de position dans son lit. Il était dur et inconfortable sous son corps, et elle regrettait son lit sur le Voyager, lequel avait une empreinte parfaitement adaptée à sa manière de dormir. Ces couvertures étaient différentes aussi, et les couleurs, rose et pourpre, n'étaient vraiment pas ce qu'elle aimait. Elle préférait le bleu et le vert, mais elle devrait en parler avec son père une autre fois.
"Ordinateur, quelle heure ?" demanda-t-elle.
"Il est maintenant huit heures trente."
Naomi s'étira. Sur le Voyager, ça aurait été l'heure de se lever. Juste assez de temps, se rappela-t-elle, pour être prête pour la journée et rencontrer Neelix pour le petit-déjeuner à neuf heures trente. Elle sourit au souvenir du dernier message de Neelix, qui l'avait enjoint d'être joyeuse, d'être bonne, et de se souvenir de lui.
"Je ne pourrai jamais t'oublier", lui avait-elle écrit. "Jamais." Et elle avait souligné le dernier mot trois fois. Elle se demandait maintenant si Neelix avait déjà reçu sa lettre. Elle pensa demander à son père le temps qu'il faudrait pour que la lettre atteigne Neelix, puis décida de ne rien en faire, son père ne semblant pas particulièrement intéressé par Neelix.
Elle se demandait aussi quand elle pourrait à nouveau parler à Neelix. Le Lieutenant Paris avait été assez gentil pour arranger une conversation de dernière minute quand ils étaient encore à bord du Voyager, mais depuis lors, Naomi était seulement parvenue à envoyer une lettre, et encore, avec l'assistance du Lieutenant Paris. Elle se demandait, en dépit de sa nouvelle vie, si Neelix s'ennuyait d'elle autant qu'elle s'ennuyait de lui.
"Naomi ?" Son père apparut dans le cadre de porte. Son père était un bel homme, admit Naomi, grand comme elle se l'était imaginé, et fort aussi. Il avait des cheveux foncés et à part les cornes sur son front, Naomi ne pouvait voir aucune ressemblance entre elle et l'homme qui lui avait demandé de l'appeler Papa.
"Je suis réveillée", dit-elle, injectant à dessein une note d'irascibilité dans sa voix. "Allons-nous voir maman aujourd'hui ?"
"Pas aujourd'hui", dit son père. Naomi s'assit sur le lit, tirant les genoux vers sa poitrine. Si Neelix avait été ici, il ne serait pas resté à la porte, pensa-t-elle. Elle se renfrogna.
"Alors quand ?" demanda-t-elle. Elle ne s'était pas imaginée que leurs courtes vacances à San Francisco se termineraient si rapidement. Sa mère semblait si heureuse hier, si insouciante, et elle avait ri d'une manière dont Naomi ne l'avait jamais entendu faire avant. Tout ça à cause de cet homme, son père. Et maintenant, sa mère était partie. Pas partie, se corrigea Naomi. Elle était au Quartier Général de Starfleet avec le reste de l'équipage du Voyager.
"En temps utile", dit son père. "Nous pourrons t'arranger une visite bientôt."
"Quand bientôt ?" demanda Naomi, se rappelant sa mère disant que leur séparation ne durerait seulement qu'un court moment. Ils auraient bien assez de temps à passer ensemble dans le futur, comme une famille.
"Je ne sais pas."
"Qu'est-il arrivé à Seven ?"
"Naomi", dit son père. Elle pouvait clairement entendre la note d'exaspération dans sa voix. "Je veux que tu te lèves maintenant. Tu auras bien assez de temps plus tard pour ces questions."
"Bien, puis-je regarder les nouvelles à la vidéo ?"
"Naomi !"
Elle se mordilla la lèvre inférieure. Elle savait qu'elle avait l'air inhabituellement enfantine, mais elle désespérait d'avoir des nouvelles de se qui avait été sa vie sur le Voyager. "Je veux savoir ce qui se passe."
"Plus tard", dit son père. Il regarda dans la direction de la cage du rat, ses lèvres s'incurvant de dégoût. Il n'avait pas voulu que Naomi amène le rat 'ici' (elle refusait de voir la maison de son père comme son foyer), mais sa mère était intervenue.
"Naomi a besoin de Ratty", avait-elle dit. "Laisse-la garder l'animal."
Au moment où elle pensait à sa mère, sa lèvre inférieure trembla. Elle savait qu'elle devait être brave, elle devait être forte, mais à cet instant, elle ne voulait rien de plus que se blottir contre sa mère et sentir ses doux doigts dans ses cheveux longs. D'une certaine manière, elle ne pouvait pas imaginer son père la réconforter en aucune manière.
"Tu aimeras passer du temps avec ton père", lui avait dit sa mère. "Ne t'inquiètes pas pour moi. Je serai bien."
Naomi renifla un petit peu, sa vision s'embrouilla sans qu'elle s'y attende. Elle ne voulait pas pleurer devant son père, elle ne voulait pas lui donner une autre occasion de lui crier après.
"Je te verrai en bas", lui dit son père avec la même voix sévère. Naomi hocha la tête silencieusement. Tandis que le son des pas de son père descendait le passage, Naomi passa le coin de sa couverture bleue sur ses yeux. Pendant quelques secondes, elle pleura silencieusement dans le tissu, son petit corps tremblant. Finalement, elle parvint à se reprendre et sortit du lit. Elle couvrit la distance vers la cage de Ratty en trois pas rapides mais discrets. Délicatement, elle sortit le rat de la cage et le tint tout contre sa joue.
"Ca ira, Ratty", dit doucement Naomi comme le petit animal pépiait, ces moustaches remuant en rythme avec son court museau. "Nous sommes encore ici pour un peu de temps. Juste encore un peu, et puis maman sera de retour. Ca ira."
Puis elle remit le rat dans sa cage et fixa la porte menant vers l'extérieur de sa chambre avec inquiétude. Elle devrait bien finir par descendre les marches et faire face à son père. Elle le savait.
"Que ferait Neelix ?" se demanda-t-elle tout haut. Mais même avant que les mots soient complètement sortis de sa bouche, elle connaissait la réponse. D'un air déterminé, elle se dirigea vers l'armoire et prit ses vêtements du jour.
 
****
 
Tandis qu'il retournait vers les quartiers où l'équipage du Voyager avait pris temporairement résidence, Tom Paris ne pouvait s'empêcher de regarder furtivement l'officier de la sécurité à ses côtés. Elle semblait familière, quelque chose dans la forme de ses yeux, la couleur de ses cheveux, et elle désirait engager la conversation. Il ne s'était jamais complètement senti à l'aise dans le silence. Finalement l'officier le regarda.
"Vous rappelez-vous maintenant ?" demanda-t-elle, avec un léger accent Français dans la voix. Tom, surpris par la franchise de son commentaire, secoua la tête.
"Désolé", dit-il sincèrement. "J'ai essayé de me rappeler, car vous me semblez familière."
"Nous le sommes." L'officier ne semblait aucunement amusé, et Tom commença à se sentir franchement mal à l'aise. Ce n'était pas un secret, dans sa vie d'avant le Voyager, il avait été du genre coureur de jupons. Il y avait eu des fois où il se rappelait à peine les noms des femmes auprès desquelles il s'était réveillé. Il avait été honnête avec B'Elanna sur son passé, mais c'était une chose quand ils étaient coincés dans le Quadrant Delta, et une toute autre maintenant qu'ils étaient de retour, quand les chances de rencontrer une de ses anciennes conquêtes étaient grandes. Il espérait vraiment que cette femme n'avait pas été une de ces flammes désintéressées auprès de laquelle il avait passé ses nuits pendant un semestre ou deux.
"Ecoutez", commença Tom, "quoi que j'ai fait, je suis désolé. Si j'étais supposé me rappeler..."
"Relaxe, Tom. C'est moi, Amélie."
Les yeux de Tom s'élargirent en se souvenant. "Amélie Beauregard ?"
Bien sûr qu'il se rappelait d'elle maintenant. Elle avait fait partie de ces cadets qui avaient étudié à Marseille, et pendant ses quatre années à l'Académie, Amélie Beauregard avait été plus simplement une amitié platonique.
"Elle-même, mais c'est Amélie Despere maintenant." Elle sourit. "Je me demandais combien de temps ça te prendrait pour que tu te souviennes de moi."
"Je suis désolé."
"Ne t'en fais pas", répondit Amélie. Elle regarda autour furtivement. "J'aurais dit quelque chose plus tôt, mais quand nous étions dans le QG, je ne voulais pas risquer que quelqu'un entende la conversation."
Tom plissa les paupières. "Il se passe quelque chose que je devrais savoir ?"
"Plutôt", dit Amélie. "Continue à marcher, mais faisons un large détour."
"Ok." Il suivit la direction d'Amélie alors qu'elle changeait de direction, du sentier direct en diagonale qui menait aux baraquements, vers une autre boucle, qui finissait par faire un détour vers la baie. "Laisse-moi me souvenir, la dernière fois que je t'ai vu..."
"Marseille", dit Amélie. "Chez Sandrine."
"Je me rappelle", répondit Tom, ses lèvres s'incurvant au souvenir. Oui, lui et les autres cadets de Starfleet avaient passé beaucoup trop de temps dans la boîte de nuit populaire de Marseille, à jouer au billard et boire de la bière. Et bien sûr, il y avait Sandrine, avec cette profonde voix sulfureuse, qui était une attraction attirant les cadets. "Quelle nuit..."
"Oh oui", dit Amélie. "Ce que je ne l'oublierai pas facilement, ce fut quand tu arrachas le couteau à Paul. Tu m'as énormément surpris."
"Ce n'était pas mon couteau, c'était celui de Paul", dit Tom. Il désirait rétablir les faits, au moins cette fois. Quand la police arriva pour stopper la bagarre, Tom avait cherché Amélie et ses autres amis, mais ils s'étaient dispersés, le laissant face à son destin. A vrai dire, à cette époque, Tom Paris ne croyait pas qu'il valait la peine qu'on attende après lui de toute façon, alors le fait que ses amis n'aient pas insisté ne l'avait pas surpris. "Il avait commencé. Un peu trop d'alcool, quelques mauvais mots, et voilà."
Amélie pencha la tête de côté. "Tu as été brave de lui arracher le couteau."
"Stupide serait plus approprié", dit Tom. Il secoua la tête à regret. "Pour ce que cela m'a apporté." Tom s'était retrouvé à passer la nuit en prison, et le matin suivant, il avait été renvoyé à San Francisco, plutôt sans cérémonie, pour faire face à la colère de son père. "Je crois qu'une note permanente a été mise dans mon dossier."
"Mais tu t'en es bien sorti."
"J'ai été chanceux", gloussa Tom, secouant la tête au souvenir. "Je n'avais jamais pensé que ces leçons de fleuret pourraient servir." Il s'était joint à la classe de fleuret au campus de Marseille pour rigoler. Sa flamme du moment, une brunette avec des yeux passionnés dans la chambre et des lèvres charnues, était une experte au fleuret. "Bien qu'il y ait une sacrée différence entre une épée et un couteau de poche."
"Tu as eu une vilaine cicatrice, si je me souviens bien." Amélie s'arrêta et glissa son majeur sur la joue de Tom, faisant une pause pendant une seconde sur sa mâchoire, avant de laisser tomber sa main complètement. "La preuve a bien été cachée."
"J'ai eu de la chance", dit Tom. Maintenant qu'Amélie le mentionnait, il pouvait presque sentir la douleur aigue du couteau creusant profondément sa chair, coupant une plaie de presque trois centimètres sur sa joue. "L'infirmier qui s'est occupé de ma blessure était habile."
"Et maintenant tu es toi-même infirmier", dit Amélie. "Comme les choses changent. Tu sais, la dernière fois que je t'ai vu, tu semblais intéressé à autre chose que tes études."
Malheureusement, Tom ne pouvait contredire Amélie. Il avait passé un temps disproportionné à s'occuper des femmes, à boire, autant qu'à s'intéresser à ses passions comme la descente de montagne à skis ou le vol.
"J'ai étonné un tas de gens." Tom soupira comme ils contournaient les baraquements, se dirigeant vers l'eau. "Je suppose que je n'étais pas au-delà de la rédemption, hein ?"
"Je n'ai jamais pensé que tu avais besoin d'être sauvé, Tom."
"Tu étais probablement la seule."
Ils s'arrêtèrent au bord de l'eau, écoutant les vagues éclaboussant les rochers. Au loin, ils pouvaient voir les collines embrumées de Marin County et un peu plus près, le Golden Gate Bridge. Tom hocha la tête vers le groupe de kayakistes venant dans leur direction, leurs pagaies battant l'eau blanche.
"Quelque chose que j'ai toujours voulu essayé", dit-il, "mais je n'en ai jamais eu la chance."
"C'est étrange. Tu saisissais toujours l'opportunité quand elle se présentait."
"Pas toujours les meilleures. Tu sais ça."
"Je sais." Amélie lui serra la main. "Tom, je suis heureuse que tu sois de retour. Quand j'ai vu la liste des manquants du Voyager, il y sept ans, et remarqué ton nom sur la liste, je me suis vraiment inquiétée de ne plus jamais de revoir. J'ai été grandement soulagée, comme tu peux l'imaginer, quand j'ai découvert que le Voyager était de retour. Vous vous en êtes bien sorti, Lieutenant Paris."
Tom esquissa un sourire. "Si tu me l'avais demandé, il y douze ans, quand je faisais face à Paul dans ce club de nuit..." Il secoua la tête, "je ne pense pas que je n'aurais pas vu ma vie comme ça."
"Es-tu heureux ?" Sa voix était douce, gentille.
Tom hocha la tête. "Ouais."
"Bien, je suis contente de l'entendre." Amélie regarda au-dessus de son épaule. "Retournons vers tes quartiers. Ils vont se demander où je suis. Où tu es."
"Es-tu mon garde ?" demanda Tom, soupçonneux. Il avait été entièrement désarmé par la présence d'Amélie, mais maintenant il était à nouveau sur ses gardes.
"Je n'aime pas la manière dont tu le dis. Je suis à la tête des opérations de sécurité ici", dit Amélie. "Quand j'ai vu ton nom, j'ai pris l'opportunité de t'escorter. Starfleet se sent énormément concerné par la protection de l'équipage du Voyager."
"Ah. Est-ce un euphémisme pour aux arrêts?" demanda Tom sarcastique. Il remarqua qu'Amélie se sentait légèrement mal à l'aise, mais elle hocha la tête.
"Tom, je vais être honnête", dit Amélie. "J'ai entendu des rumeurs et je ne crois pas que ça ira bien pour vous. Ils sont nombreux à avoir de forts sentiments, dans un sens ou dans l'autre, à propos du Voyager et de son équipage."
"Qu'as-tu entendu ? J'ai parlé avec mon père..."
"Ecoute-moi", dit Amélie. Elle attrapa son bras et baissa la voix. "Ton père est bien intentionné, mais ils sont nombreux à avoir d'autres idées."
Dans son agitation, son accent français prit de l'ampleur. "J'ai entendu dire qu'ils avaient l'intention d'emprisonner les maquisards, et c'est la plus douce sentence dont on parle maintenant."
"Je suis marié à une ex-Maquisarde…"
"Je sais, Tom", dit Amélie. "Et ça ne semble pas bon non plus pour vos amis de l'Equinox. Ils seront punis, sévèrement, pour leurs actions."
"Ils suivaient les ordres."
"ça n'a pas d'importance." Amélie reprit la marche, ses pas s'accélérant comme ils se dirigeaient vers les baraquements. "Et l'audience du Capitaine Janeway débute de matin."
"Je suis au courant."
"En huis clos."
Tom s'arrêta. "Ce n'est pas ouvert au public ?"
Amélie secoua la tête. "Non."
"Qu'est-ce que c'est, la Chambre Stellaire ? Amélie, ce n'est pas la manière d'agir de Starfleet et tu sais cela."
"Bien sûr que je le sais, mais ça ne change rien. La Guerre du Dominion a changé les choses, et maintenant, il y a la menace du Borg." Elle le regarda intensément. "Tous ces événements ont rendu l'Amirauté plus prudente qu'à l'habitude, provoquant des mesures inhabituelles." Amélie soupira, ses yeux devenant légèrement voilés. "Ce n'est pas tout. J'ai entendu dire que le personnel du Voyager devra rester dans l'Enceinte Nord jusqu'à ce qu'il soit appelé à comparaître. Cela sera officiel cette après-midi."
"C'est ridicule."
"Peut-être, mais ce sont les ordres. Là-dessus, je t'escorte là. Tu dois rester à l'intérieur jusqu'à nouvel ordre." Elle composa son code à la porte. Le clavier bipa et la porte glissa pour s'ouvrir. "Pour votre protection."
"Pour ma protection ? Contre qui ? Ou quoi ?"
Amélie haussa les épaules. "Comme je l'ai dit, ce sont les ordres."
"Ne sois pas ridicule, Amélie. Nous sommes amis."
"Oui", dit-elle doucement tandis qu'ils montaient l'escalier vers le deuxième étage. "Nous sommes amis, alors je te dis ceci. Je me soucie de ce qui t'arrivera et je t'exhorte à faire attention à tes actions maintenant. Sois averti et sois prudent."
"Si je suis confiné à mes quartiers, comment pourrais-je me retrouver avec plus de problèmes ?"
Amélie haussa les épaules. "C'est toujours possible", dit-elle. Ils tournèrent un coin au haut de l'escalier. Les quartiers que Tom partageait avec B'Elanna et leur bébé Miral étaient à la deuxième porte à droite. Amélie hocha la tête. "Tu peux m'appeler si tu as besoin de quoi que se soit."
"Euh... Merci." Tom fit un pas en avant, gêné, et mit ses bras autour de son ancienne amie. Après un moment, il la relâcha et entra dans ses quartiers. A l'intérieur, son bébé Miral était assise sur le plancher, entourée d'une variété de jouets, incluant une réplique rembourrée du Voyager.
"Allo", dit Tom. Miral gargouilla vers lui en levant une main minuscule et en fourrant l'autre dans sa bouche. Ses joues étaient pleines de salive. Tom soupira. "C'est une habitude que j'espère que tu finiras par perdre." Il se pencha et avec précaution essuya la bouche de sa fille avec sa bavette, grimaçant quand il vit les mots 'La Petite Terreur de Papa' griffonnés dans une écriture bleue sur le tissu blanc. "Je parie que ta mère a répliqué ceci pour toi, n'est-ce pas ?"
"Kab la", répondit Miral en atteignant son Voyager rembourré.
Tom soupira. "C'est ce que je pensais."
"As-tu dit quelque chose ?" B'Elanna apparut de la chambre de bain, enveloppée dans une robe de chambre épaisse, une serviette autour de la tête. " Déjà de retour? Je pensais que tu allais rester pour offrir ton soutien moral à Noah et aux autres."
"C'est ce que j'avais prévu."
"Mais ?" demanda B'Elanna. Elle baissa le regard vers Miral, qui mâchait avec contentement sa version du Voyager. "Je viens juste de la laver, Miral." Miral leva la tête au son de la voix de sa mère et lui retourna un sourire béa. B'Elanna secoua la tête. "Tu es incorrigible, tout comme ton père."
Tom s'assit sur l'étroit double lit près de la fenêtre. Il haïssait ces minuscules quartiers auxquels ils avaient été assignés. Dans un sens, ils lui rappelaient énormément ceux de son époque à l'Académie quand il avait partagé des appartements étroits comme ceux-ci avec un ou deux compagnons de chambre. B'Elanna pencha la tête vers lui.
"Et bien ?" demanda-t-elle. "Alors que s'est-il passé ?"
"Quelqu'un de la sécurité de Starfleet m'a rendu visite", dit-il. "En fait, j'ai été escorté hors de la salle d'attente après avoir été avec les cinq de l'Equinox."
B'Elanna s'assit de l'autre côté du lit double, son attention maintenant concentrée sur son mari et pas sur le bébé à ses pieds.
"Quoi ?" dit-elle éventuellement.
"Ne t'inquiètes pas." Tom esquissa un sourire. "Ils ne vont pas me traîner en Nouvelle Zélande. Pas tout de suite."
"Et bien, que voulaient-ils ?"
"Elle."
B'Elanna le regarda intensément. "Que voulait-elle ?"
Tom s'étendit sur le dos, enlevant ses chaussures. Il s'était aperçu qu'il n'avait pas réellement d'intérêt pour les bottes de cuir de Starfleet. Elles étaient rugueuses, inconfortables et des usines à ampoules douloureuses.
"M'avertir", dit-il finalement. "Sur ce qui pourrait arriver à ceux du Maquis."
B'Elanna se raidit, sa robe s'ouvrant légèrement à la poitrine. En d'autres circonstances, Tom aurait trouvé l'image de sa femme à moitié nue irrésistible, mais maintenant, il se sentait sur les nerfs. L'avertissement d'Amélie, bien que vague, l'avait grandement inquiété.
"Et bien ?" demanda sèchement B'Elanna. Elle agrippa les bordures de sa robe, la refermant. Sur le plancher, Miral jappa quand sa petite balle jaune s'éloigna en roulant. Son petit visage se crispa, le rouge lui montant aux joues. Rapidement, Tom récupéra la balle mais pas avant que Miral relâche un hurlement.
"Tu dois avoir reçu ça de ta mère", dit Tom en donnant la balle à Miral. B'Elanna grimaça, mais ne fit pas de commentaire. "B'Elanna, Amélie Beauregard était le garde de la sécurité."
B'Elanna lui lança un regard interrogateur.
"J'ai connu Amélie à Marseille", poursuivit Tom. "Sa compagne de chambre était Julie Laurent..."
"Je me souviens", dit B'Elanna. "Julie était celle avec qui tu as eu une bagarre au couteau."
"Pas exactement", dit Tom, ayant un sourire piteux au souvenir. "C'était plutôt son petit ami, Paul, pensant que j'avais l'idée d'une avance ou deux envers Julie, qui avait pris les choses en mains. Il m'a attaqué au milieu de chez Sandrine. Il était un peu trop intoxiqué pour comprendre que je n'avais aucun sentiment quel qu'il soit pour Julie. Je n'ai pas vu ou parlé à Amélie depuis cette nuit."
"Et maintenant tu l'as rencontré ici", dit B'Elanna d'un ton égal. Elle se leva et se dirigea vers la chambre de bain, retirant la serviette de ses cheveux en s'y rendant.
"B'Elanna !" Tom se leva. "Ecoute, il n'y a rien eu entre Amélie et moi..."
"Je n'ai pas dit que c'était le cas", répondit B'Elanna exaspérée.
"Alors quel est le problème ?"
"Aucun problème", dit B'Elanna. Elle soupira. "Désolé. Je pense que le stress prend le dessus."
"Ne t'inquiètes pas", dit doucement Tom. Il serra légèrement son épaule, sentant la force de ses muscles sous le tissu de sa robe. "C'est compréhensible."
"Alors, qu'a dit Amélie ?"
"Elle m'a dit simplement dit d'être prudent, d'être attentif. Tu sais, le genre de truc 'fond-toi dans le noir et tiens toi prêt'." Il garda délibérément un ton léger, mais il savait aussi qu'il ne pouvait tromper B'Elanna.
"Terrible", grogna B'Elanna. Elle se regarda dans le miroir, louchant. "Rien de plus sur le Maquis ?"
"Heu, ils vont vous amnistier."
"Tu es sûr de ça ?"
"Positif", dit Tom. Il se pencha pour caresser légèrement ses lèvres contre la joue de B'Elanna. Elle s'appuya dos contre lui tandis qu'il enroulait doucement ses bras autour d'elle. "Et s'il en est ainsi, j'ai toujours voulu te faire visiter la Nouvelle Zélande. Il y a un ou deux coins chauds que j'adorerais partager avec toi."
B'Elanna soupira. "Je suis inquiète, Tom. S'ils nous séparaient ?"
"Ils ne le feront pas."
"Ils ont séparé Naomi et Sam."
"C'est différent. Le père de Naomi est ici à San Francisco. Ca s'explique. Pourquoi garder Naomi cloîtrée dans une petite chambre comme celle-ci ?" Tom fit un geste. "Ca rend même Miral folle."
"Pourtant, je me sentirais plus à l'aise si tu en parlais avec ton père."
"B'Elanna..."
"Chhh." Elle se retourna, posant un doigt sur les lèvres de Tom. "S'il te plaît. Il sait ce qui se passe, Tom."
"Je ne sais pas ce qu'il lui est possible de faire." Tom sortit de la salle de bain et retourna dans la chambre à coucher. Il prit Miral et la berça dans ses bras. "Ce n'est qu'un amiraux parmi de nombreux autres."
"Oui, mais il est ton père et le mentor du Capitaine. Probablement le seul de notre côté", dit fermement B'Elanna. "Tom, tes retrouvailles avec lui ont été assez cordiales la dernière que tu l'as vu. Ca ne fait pas de mal d'essayer."
Tom regarda son épouse. Elle semblait le défier, ses bras croisés sur sa poitrine, mais il connaissait B'Elanna, savait ce que ça signifiait, quand sa lèvre inférieure tremblait légèrement. Il avait rarement vu B'Elanna aussi vulnérable.
"Tu es inquiète, n'est-ce pas ?" demanda-t-il doucement. B'Elanna hocha la tête, gardant toujours ses distances.
"Je parlerai à mon père", dit-il.
B'Elanna prit Miral à son mari et l'embrassa gentiment sur la joue. "Merci."
 
*****
 
Seven of Nine était assise à table, dans ses quartiers, son attention fixée sur l'ensemble des documents devant elle. Elle avait été consignée dans ses quartiers par la sécurité de Starfleet et avait été avisée d'y rester à moins d'être convoquée. Cependant, comme elle focalisait sur les documents devant elle, elle savait qu'elle allait devoir désobéir.
Grâce à ses noeuds de données Borg, elle était capable de compiler les informations rapidement. Pleinement satisfaite, Seven se leva de sa chaise. Comme elle ouvrait la porte prudemment, elle pouvait entendre quelques voix dans le passage. Tom Paris et B'Elanna Torres.
Elle attendit jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus entendre les voix et se glissa à l'extérieur, la tablette toujours fermement dans sa main.
Il n'y avait pas de temps à perdre.
Les passages dans cet édifice étaient extraordinairement étroits et sombres. Le Lieutenant Paris, à sa manière enjouée, avait partagé avec Seven un peu de l'histoire de ce baraquement particulier, plus pour l'amusement du Lieutenant Torres. Apparemment, c'était le plus vieil édifice sur le sol de l'Académie et un des rares qui n'avait pas subi de dégâts durant l'attaque Breen sur San Francisco pendant la Guerre du Dominion. Selon le Lieutenant Paris, cet édifice, à l'origine construit pour être un dortoir, était hanté.
Seven of Nine avait tout de suite rejeté l'histoire des fantômes, mais le Lieutenant Kim semblait fasciné par l'histoire et l'Enseigne Wildman avait fait la remarque qu'elle était contente que Naomi ne soit pas là pour entendre de telles histoires qui l'auraient gardé réveillée la moitié de la nuit. Seven n'avait pas raté la touche de regret dans la voix de Samantha Wildman. Il était évident que l'enseigne s'ennuyait grandement de sa fille.
Seven se courba en tournant un coin, faisant attention de rester dans les ombres. Elle ne comprenait pas la fascination humaine pour ceux qui étaient disparus depuis longtemps, pas plus qu'elle ne pouvait voir comment une vision de fantôme pouvait faire peur.
En approchant du turbo-ascenseur, elle entendit des bruits de pas venant dans sa direction. Seven pivota rapidement et fonça dans une penderie. En se serrant contre les balais, brosses et autres produits de nettoyage, elle entendit les bruits de pas devenir plus forts et finalement, ils s'atténuèrent. Précautionneusement, Seven fit un pas dans le corridor, juste à temps pour voir la forme d'un l'officier de sécurité s'éloignant, la main sur la crosse de son phaseur.
Seven observa le panneau directement à son opposé. Comme dans toutes les structures les plus vieilles, celle-ci arborait un système interne complexe de conduits d'aération et de systèmes de ventilation. Se déplaçant rapidement, elle retira un panneau et se glissa prudemment à l'intérieur. L'air était lourd, nauséabond, et elle étouffa un éternuement avec sa paume. Elle se rendit compte qu'elle aurait dû apporter une torche, mais elle ne croyait pas prudent de retourner à ses quartiers. Il était probable que le garde de la sécurité allait encore faire sa ronde.
Je dois être efficace, pensa Seven.
Avec précaution, elle replaça le panneau sur l'ouverture et commença à ramper, lentement, à travers l'obscurité, testant le sol devant elle. Elle pouvait entendre des sons inhabituels et se convaincre qu'ils n'étaient rien d'autre que les sons habituels des systèmes de chauffage et de refroidissement. De temps en temps, elle entendait un craquement dans le plafond et elle ne pouvait s'empêcher de penser aux histoires de fantômes de Tom Paris.
"Ce n'est qu'une histoire", murmura-t-elle doucement en continuant de ramper. "Je ne dois pas être distraite de ma tâche."
Mais tout de même, Seven ne pouvait s'empêcher de frissonner à chaque fois qu'elle entendait un son.
Avant longtemps, elle vit se dessiner une grille de lumière devant elle. Elle fit une pause, tirant l'oreille pour entendre des pas, des voix, n'importe quoi qui signifierait la présence d'un autre individu.
Silence.
Seven jeta un coup d'oeil à travers les lamelles, mais elle ne vit personne. Très silencieusement, elle poussa sur le panneau avec la paume de la main, appliquant une pression égale. Le panneau tomba sur le sol et Seven s'étira légèrement, attendant de voir s'il y aurait une réaction, quelle qu'elle soit. Comme elle n'entendait rien, elle se poussa à travers l'ouverture et dans la lumière, reconnaissante d'être sortie des ténèbres. Elle se mit rapidement debout, essuyant la poussière sur elle et replaça le panneau.
Il semblait qu'elle était arrivée de l'autre côté des baraquements, mais ça ressemblait à l'aile des officiers. A son grand soulagement, Seven ne découvrit aucun officier de la sécurité où que se soit. Quelle était l'expression que Tom Paris utilisait au sujet de dame la chance ?
Cependant, Seven ne voulait prendre aucun risque. Elle restait près des murs, ses yeux et ses oreilles alertes à tous sons. En atteignant le bout du couloir, elle trouva le bureau qu'elle cherchait. Après un regard rapide autour, elle composa les codes de sécurité et la porte glissa. A l'intérieur, la salle était sombre et sentait légèrement le moisis, comme si elle n'avait pas été nettoyée depuis des années.
"Ordinateur, éclairage minimal", requit Seven. L'ordinateur obéit à sa requête, envoyant une faible lueur dans la salle, qui mesurait environ huit mètres par dix mètres.
Elle remarqua à peine la fine couche de poussière couvrant l'ensemble des meubles. Au lieu ce cela, son attention se porta seulement pour la console d'ordinateur sur le mur du fond. Ses lèvres se courbèrent vers le haut en un mince sourire. Ca serait plus facile qu'elle ne l'avait anticipé. Seven parcourut rapidement la distance vers la console.
"Maintenant, commençons", dit-elle doucement.
 
*****
 
Catherine Janeway remuait sur sa chaise. C'était le genre de chaise typique que l'on trouve dans les salles de cour, en bois avec du cuir noir et des accoudoirs, et totalement inconfortable. Elle observa aux alentours, s'attardant sur le haut plafond et les panneaux de bois lisses et polis. Il n'y avait pas de fenêtres dans cette salle. Elle en était heureuse. Après le cirque des médias à l'extérieur, la dernière chose que voulait Janeway était que certains journalistes non-autorisés en quête de nouvelles enregistrent cette procédure.
Directement devant elle, sur le siège du juge, était assise Phillipa Louvois, la femme ayant la charge de ce procès. Louvois semblait avoir la cinquantaine, ses cheveux d'un auburn foncé étaient coupés au dessus de ses sourcils. Son menton saillait de pugnacité tandis que ses yeux profonds faisaient ressortir son nez aristocratique.
Les lèvres de Janeway s'arquèrent de dégoût en regardant la femme. Owen Paris lui avait un peu parlé de cet Amiral Louvois, faisant une esquisse de la femme en des termes très généraux. Apparemment, Louvois avait fait son nom, plusieurs années auparavant, en s'occupant d'un cas sur l'autonomie en tant qu'être vivant d'un androïde. Janeway avait entendu parler du cas quand il avait été jugé la première fois, et avait suivi la procédure avec un certain intérêt. Durant ces dernières années, Louvois avait présidé les procès concernant les litiges suivant la fin des hostilités dans la Guerre du Dominion.
"Faites attention à Phillipa", l'avait averti Owen. "C'est une amie de l'Amiral Warhol, et croyez-moi, elle ait là pour vous saigner. Ils ont besoin de quelqu'un à blâmer pour la guerre civile des Borgs, et vous êtes pile la bonne personne au bon moment."
"Je suis prête", répondit Janeway. Elle avait entendu parlé de l'entêtement de l'Amiral Warhol à l'égard de ce procès, et à dire vrai, Janeway refusait d'être intimidée par l'homme. "Louvois n'est pas la première personne qui ait tenté de faire cela, ne vous inquiétez pas pour moi."
Owen Paris croisa son regard ferme. "Je ne m'inquiète pas de la manière dont vous vous débrouillerez, Catherine."
Il ne s'était pas étendu sur cette dernière phrase, et maintenant, comme est remuait sur sa chaise, Janeway se demanda où était Owen Paris. Il avait promis d'assister à la procédure et plus que n'importe quoi, Catherine désirait voir un visage amical.
Janeway leva le regard vers Louvois, mais la femme était plongée dans ses tablettes. Un aide se tenait à son côté, les mains dans le dos, le visage complètement dénué d'expression. En plus de Louvois, Janeway savait que le jury responsable de rendre le verdict serait composé de ses paires, dont plusieurs étaient, elle le savait, favorables envers elle et son équipage.
Dave Evans la sortit de ses pensées en se glissant près d'elle. Il lui offrit une tasse de café.
"J'ai pensé que vous pourriez vouloir ceci", dit-il maladroitement. "La journée sera longue."
Janeway baissa le regard sur le breuvage foncé.
"Pas de lait, pas de sucre, du simple java", continua-t-il. "Comme vous l'aimez."
"Oui", dit Janeway, touchée et curieuse du geste d'Evans. "Merci."
"J'espère que ça ne vous dérange pas que j'ai vérifié vos préférences."
"Non", dit Janeway. Elle retourna son regard vers Phillipa Louvois puis vers la table directement à la droite de la sienne. Les avocats, ceux de Starfleet, allaient s'asseoir là et déjà, Janeway fut surprise de pouvoir faire une distinction entre elle et Starfleet. "C'est attentionné de votre part."
"Aucun problème, Madame", dit Evans, gêné. "Je suis allé m'en chercher une tasse..."
"Tout de même, j'apprécie votre prévenance." Janeway se pencha vers lui, prenant avantage qu'il semblait l'apprécier. "Je cherche mon Premier Officier, le Commandeur Chakotay ou..."
"Monsieur Chakotay est sur la liste des témoins potentiels. Il ne sera pas dans l'assistance à moins d'être appelé à témoigner", dit froidement Evans. Janeway ne réagit pas.
"Je suppose que c'est aussi vrai pour le Commandeur Tuvok", dit Janeway.
"Oui", Evans hocha la tête.
"Pour le Lieutenant Kim ?"
"Oui, Madame. Tous les membres de votre équipage sont des témoins potentiels."
Janeway soupira et baissa la tête sur son café. Soudainement, le breuvage chaud ne semblait plus tentant ou nécessaire. Elle déposa la tasse sur la table.
"Alors ils ont l'intention de faire témoigner mes gens contre moi", dit Janeway. L'expression d'Evans ne changea pas.
"Oui, Madame", répondit-t-il. Janeway se demanda s'il avait une opinion à propos de tout ça, et son détachement apparent commença à l'irriter. En plus, elle supposait que la neutralité d'Evans était exactement la raison pour laquelle il lui avait été assigné.
"Pas exactement le 'bienvenue à la maison' auquel je m'attendais", poursuivit Janeway d'une manière décontractée en remarquant l'équipe d'avocats de Starfleet paradant en descendant l'allée, la poitrine bombée du sens exagéré de leur importance. "Je m'attendais à faire un compte-rendu, bien sûr, mais rien de ce genre." Elle fit un geste, indiquant la salle de la cour. "Starfleet a tout sorti, n'est-ce pas ? Non, ne répondez pas, ça n'a pas d'importance. Je me suis retrouvée dans de pires situations, Lieutenant."
"Je sais, Madame. J'ai tout lu sur ces situations. Vos rencontres avec les Kazons, par exemple."
"Ah", dit Janeway. Elle esquissa un sourire. "Vous avez fait votre travail à la maison."
Evans ne lui rendit pas son sourire. Janeway soupira. Evidemment, le jeune homme manquait d'humour.
"Capitaine ?"
Janeway leva le regard vers la femme désignée pour la défendre. T'Sai, selon Owen, était une avocate formidable et une chercheuse infatigable. Par son intensité et son dynamisme, elle s'était élevée au rang de commandeur et était bien respectée parmi la communauté légale. Et, un autre point en sa faveur, T'Sai et Owen Paris étaient de bons amis, depuis près de vingt ans.
"Je ne peux penser à personne d'autre en qui j'ai confiance pour vous défendre", avait dit Owen à Janeway quand il l'avait informé de son choix. "Elle n'est pas du genre à bavarder pour rien, et elle ne supporte pas le travail bâclé. Mais je vous assure pleinement que vous êtes entre de bonnes mains et T'Sai ne laissera pas une pierre non-tournée."
A ce moment, Janeway se leva et tendit une main. "Bonjour, Commandeur."
T'Sai ignora la main tendue de Janeway et à la place hocha la tête en réponse. "Je m'excuse de ne pas avoir été ici à votre arrivée. J'étais en discussion avec le Commandeur Shelrak."
"Et ?" demanda Janeway, ses oreilles se tendant au nom du procureur que Starfleet avait choisi. Involontairement, Janeway glissa un regard sur sa droite où le Commandeur Shelrak, un Axanar, se tenait, parlant à voix basse avec ses adjoints, sa tête de reptile sautillant de haut en bas en parlant.
"Le Commandeur Shelrak est déterminé", dit prudemment T'Sai. Elle plaça son porte-documents sur la table devant elles. "Il est fortement influencé par l'Amiral Warhol. De ce fait, je crois qu'il ne tranchera pour rien d'autre qu'un renvoi avec déshonneur."
"Un renvoi avec déshonneur ?" Janeway fixa T'Sai d'étonnement. "Je n'ai rien fait d'incorrect. Vous savez cela."
La Vulcaine hocha la tête, l'expression constante. "Nous devrons présenter les faits, Capitaine, et peut-être que l'Amiral..." elle glissa un regard vers Louvois, "sera d'accord avec vous."
A ce moment, un lieutenant émergea d'une porte à la droite du siège du juge.
"Oyez, oyez, que tout le monde se lève. L'honorable Phillipa Louvois présidera cette cour", annonça-t-il d'une voix claire qui fit écho à travers la grande salle. Janeway remua sur sa chaise, tentant de trouver du regard un visage amical, n'importe qui, dans la salle. Même si elle comprenait pourquoi les membres de son équipage n'allaient pas assister au jugement, l'absence de l'Amiral Paris était particulièrement alarmante. Janeway remarqua aussi l'absence de tous les journalistes, et se pencha vers T'Sai.
"Est-ce un procès à huis clos ?"
"Je le crois, pour votre protection. Seuls ceux directement concernés dans ces procédures sont admis", répondit T'Sai.
"'Pour ma protection' ?" demanda Janeway, sarcastique. Elle leva le regard tandis que Louvois frappait le maillet sur son banc. "Je suppose que la règle du 'huis clos' ne s'applique qu'à la presse et aux membres de mon équipage et de ma famille ? S'il en est ainsi, c'est ridicule."
"Malheureusement, ce fut ordonné ainsi", dit T'Sai avec compassion. Janeway se pencha. La prochaine fois qu'elle verrait Owen Paris, elle lui dirait sa manière de penser sur cette situation particulière.
"L'ordre du jour de cette cour concerne la lecture des charges contre Catherine Janeway", annonça Louvois. T'Sai et Janeway se levèrent, comme la coutume le dictait. Il fallut toute la contenance de Janeway pour rester immobile tandis que Louvois lisait les charges d'une voix ferme. "Catherine Janeway, vous êtes par ce fait accusée d'avoir aidé et soutenu une puissance hostile, de trahison, de nombreuses violations de la Prime Directive, d'incompétence, de conduite inconvenante de la part d'un officier, de traitements cruels et inhabituels de..."
Janeway arrêta d'écouter. Elle savait exactement de quoi ils l'accusaient. T'Sai lui avait tout expliqué en grand détail. Janeway leva le menton en défi.
Laissons-les m'accuser, pensa-t-elle. Ils n'étaient pas là, ils n'avaient pas à faire leurs propres règles. J'ai fait ce que je devais pour ramener mon équipage à la maison.
Et Janeway sut alors que, peu importe ce qui arriverait, elle ne regrettait rien de ce qu'elle avait fait.
 
*****
 
Marla Gilmore se frotta les mains, tentant de les réchauffer. Elle se sentait inhabituellement gelée. Elle regarda vers le juge. Art Curie avait à peine la cinquantaine et, selon la base de données du personnel de Starfleet, avait été récemment nommé au poste de juge. L'audition de l'Equinox marquerait son troisième mois à ce travail. A côté de Marla, Noah Lessing était assis droit, les yeux fixés sur leur petite avocate qui avait pris place devant le siège du juge.
Quand ils avaient rencontré Maria Pachano pour la première fois, Marla n'était pas sûre que cette femme minuscule avec sa voix douce serait capable d'avoir la présence énergique dont ils avaient besoin. Pachano dégageait une fragilité délicate qui n'avait pas rempli Marla d'une extrême confiance, mais elle était restée silencieuse. Starfleet avait choisi Pachano pour représenter les Cinq de l'Equinox et Marla savait qu'il n'y avait pas beaucoup d'avocats qui voulaient plaider leur cause.
"Imaginez ceci", commença Pachano. Marla sursauta de surprise, étonnée par la fermeté et la confiance dans la voix de Pachano. "Vous venez d'être attirés dans le Quadrant Delta. Vous êtes à plus de soixante-dix milles années-lumière de chez vous. Vous êtes à bord d'un navire scientifique, équipé avec le minimum d'armements et de boucliers. En une semaine, vous avez perdu la moitié de votre équipage. Les systèmes lâchent mais vous avez enfin rencontré une espèce alien assez amicale pour vous aider avec les réparations. En fait, la plupart des rencontres sont de nature violente et vous êtes devenus méfiants. En fait, dans l'obscurité froide de vos quartiers, vous êtes persuadés que vous ne retournerez jamais à la maison. Vous avez faim, vous êtes fatigués et blessés. Et alors, un miracle se produit. Par accident, vous trouvez une 'balle d'argent', une espèce alien blessée qui possède un composé nucléogènique qui permettrait à votre moteur de distorsion de fonctionner à nouveau. Vous pensez à la maison, vous pensez à Starfleet, vous pensez à ce qui serait juste. L'alien entre vos mains meurt. Vous y pensez encore. Alors, vous prenez une décision." Pachano s'arrêta de marcher comme elle tourna son attention vers le juge.
Pendant un moment, Marla se sentit immensément réconfortée. Pachano avait assez bien construit leur cause, pensa Marla. Elle se pencha vers l'avant, impatiente d'entendre, quand Pachano recommença à parler.
"Vous êtes un officier de Starfleet, mais vous êtes aussi un être humain. Vous ne vous sentez pas bien à cause de ce que vous faites, mais vous savez aussi que vous voulez retournez à la maison. Vous voulez être au chaud à nouveau, vous voulez être avec vos amis et votre famille. Le plus important, vous voulez survivre. Voilà, vous avez l'histoire de l'équipage de l'Equinox. Ils ont fait face à une dure réalité, inimaginable pour ceux d'entre nous qui n'en avons pas fait l'expérience. Leurs décisions, cependant déplorables, étaient basées autour d'une pulsion très humaine : le besoin de retourner à la maison. En des circonstances similaires, qu'aurions-nous fait ? Auriez-vous rejeté la seule option qui vous restait, ou auriez-vous fait quelque chose de similaire ? La défense à l'intention de démontrer que l'équipage de l'Equinox avait épuisé toutes les dernières options avant de s'adonner à l'inavouable. Je vous remercie."
Pachano fit une pause pendant un moment avant de retourner à sa chaise. Marla se pencha sur Noah.
"Ca a bien été, n'est-ce pas ?" murmura-t-elle doucement. Noah haussa les épaules.
"Si tu le dis."
Marla fut confuse par l'indifférence apparente de Noah et elle se recala sur le dur dossier de sa chaise. Elle regarda le procureur marcher vers l'avant de la salle. Le Commandeur Hileya, remarqua-t-elle, était un Andorien.
"Meurtres", résonna la voix de Hileya à travers la salle de cour. "Purement et simplement. Il n'y a aucun doute quel qu'il soit sur ce qui s'est passé à bord de l'Equinox. C'était des Meurtres"
Chaque fois de Hileya prononçait 'meurtre', Marla tressaillait. Elle pouvait voir les jointures de Noah blanchir comme il agrippait la bordure de la table. James, Angelo et Brian semblaient également mal à l'aise. Marla respira profondément.
"Ma collègue, le Commandeur Pachano, tente de nous balader dans une histoire de désespoir et de nostalgie. Mais je vous le rappelle à tous. L'Equinox était un vaisseau de Starfleet et en tant que tel, était lié aux règlements et protocoles de Starfleet, peu importe les circonstances." Hileya se retourna et les regarda. Marla s'obligea à ne pas se dérober à l'intensité du regard. "Peut-être serait-ce le bon moment pour rappeler à la cour aussi bien qu'à l'ex-équipage de l'Equinox quelques-uns de nos règlements généraux."
Marla voulait désespérément sauter hors de sa chaise et rappeler qu'en effet, elle se rappelait les règlements généraux, en les énumérant du premier au dernier et du dernier au premier, mais elle se retint.
"Pour commencer, l'équipage de l'Equinox a violé le règlement numéro un, mieux connu sous le nom de Première Directive. Est-ce que ça semble familier ? 'Comme le droit de chaque être intelligent de vivre en accord avec son évolution culturelle normale est considéré sacré, aucun personnel de Starfleet ne peut interférer avec le développement normal et sain d'une vie et culture alien.'" Hileya se déplaça de long en large devant le siège du juge, le plancher craquant sous ses bottes. "Même pour sauver sa propre vie, il ne peut ignorer cette directive. En fait, la triste histoire qu'a contée le Commandeur Pachano n'est pas une excuse valable pour les actions de ces cinq individus. En plus de la violation de la Première Directive, j'ai l'intention de prouver à la cour que l'équipage de l'Equinox a aussi violé la directive générale numéro deux, laquelle est contre l'utilisation de la force à l'égard d'une espèce alien. Je vous remercie."
Hileya s'assit, un sourire suffisant s'étendant sur son visage écailleux. Marla frissonna en le regardant. Mon dieu, pensa-t-elle, se frottant à nouveau les mains. Nous n'avons aucune chance.
 
*****
 
Ajoutant à l'agacement de Tom, Amélie Despere arriva pour l'escorter vers le bureau de son père. Même s'il était heureux de revoir Amélie, Tom fulminait en silence à la signification de sa présence.
"C'est ridicule. Je suis capable de trouver seul mon chemin", dit Tom. Il l'avait dit sur un ton blagueur en descendant l'escalier. "Après tout, j'ai été cadet ici pendant quatre ans."
"Je sais, Tom, et je suis désolé", dit Amélie. "Mais tu sais ce qu'ils disent, les ordres sont les ordres."
"Ouais", dit Tom. Il fit une pause en bas de l'escalier pour attendre. "Ma propre protection, j'ai compris. Toute cette sécurité ne présage rien de bon sur ce qui se passe ici. B'Elanna est réellement inquiète."
"Je peux l'imaginer", dit Amélie. Elle ouvrit la porte et Tom cligna des yeux en sortant à la clarté du soleil. "Ton bébé est très beau, Tom. Elle te ressemble, elle a tes yeux."
"Tu penses ?" Tom sentit une poussée de fierté enfler en lui. Il pensait que Miral était très belle, mais comme B'Elanna l'avait fait remarquer, son jugement était complètement biaisé. Pourtant, c'était bon d'entendre ces mots dit par Amélie, et encore meilleur de savoir qu'Amélie pensait que Miral lui ressemblait un peu. Presque tout le monde pensait que le bébé ressemblait à B'Elanna et cette dernière, plutôt logiquement, avait toujours dit que c'était les rides du front qui faisaient croire aux gens que Miral lui ressemblait. Elle s'empressait toujours de souligner les traits que Miral partageait avec son père.
"Oui. Je ne te mentirais pas."
Tom et Amélie arrivèrent à destination après avoir rapidement traversé le jardin menant au quadrilatère du QG de Starfleet du campus. Le bureau de l'Amiral Paris était au troisième étage du Pavillon Mémorial, une structure de brique de style Colonial qui avait survécu à plusieurs rénovations, incluant la toute dernière réparation requise quand les Breens avaient attaqué San Francisco pendant la Guerre du Dominion.
"Heureux de l'entendre", dit Tom. Il soupira. "Personne ne pensait que le retour à la maison serait comme ça."
"Les comptes-rendus sont des procédures standards", dit Amélie d'un ton neutre. "Tu sais ça."
"Pas comme cela", dit Tom, pensant aux Cinq de l'Equinox. Il s'arrêta. "Amélie, as-tu entendu quoi que se soit au sujet de mes amis ? L'équipage de l'Equinox ?"
"Un peu, oui", dit Amélie. "Viens, Tom, ton père attend. Nous ne pouvons être en retard."
"Evites-tu la question ?" Tom refusa de bouger. Amélie regarda vers lui puis vers le Pavillon Mémorial.
"Ce ne sont pas de bonnes nouvelles, Tom, je suis désolée."
Tom soupira. "Qu'est-ce qu'il y a ? Il n'est pas possible qu'ils en soient déjà arrivés à un verdict. Je les ai vu, il y a seulement quelques heures."
"Mon mari fait partie de l'équipe légale qui a préparé le dossier de Starfleet", dit doucement Amélie.
"Alors tu as une vue de l'intérieur ?"
"Du peu d'informations que Charles a choisi de me faire part, oui. Il y a toujours un élément de confidentialité regardant les procédures."
"Alors ? As-tu entendu quoi que se soit ?" demanda avidement Tom. Toute bride d'information serait une amélioration sur la présente situation. Il haïssait vraiment ne pas savoir ce que Starfleet avait en tête pour eux.
"Je crois qu'au mieux, ils seront renvoyés avec déshonneur", dit Amélie à contrecoeur. Elle se remit à marcher et Tom dut courir pour la rattraper. "Ce verdict sera là en permanence dans leur dossier."
"Mais pas d'emprisonnement ?"
Amélie secoua la tête. "Je ne sais pas. Cela n'a pas encore été décidé et mon mari peut seulement me confier ses informations."
"Et à propos du Maquis ?"
Amélie secoua la tête vers Tom d'une compassion évidente. "Je sais que ta femme est une ex- maquisarde, alors ca t'inquiète beaucoup. Il n'y a pas encore eu de décision, mais une fois, Charles n'était pas optimiste. Il y en a tant qui sont rancuniers et qui ne peuvent pardonner ce qu'ils voient comme des actes de terrorismes commis par des citoyens de la Fédération. C'est vraiment politique, Tom."
Tom inspira profondément. Lui et B'Elanna avaient discuté des possibilités sur ce qui pourrait leur arriver après leur retour. Elle lui avait confié que son passé de maquisarde pourrait resurgir pour les hanter tous les deux. Bien sûr, Tom avait été plus optimiste sur la situation et avait insisté sur le fait que la période passée par les maquisards sur le Voyager devait compter pour quelque chose. Mais les commentaires d'Amélie lui faisaient craindre le pire.
"Tu me le feras savoir ?" Tom fit de son mieux pour garder une voix calme. "Starfleet semble vouloir nous garder dans le noir."
"Bien sûr, Tom."
"Merci."
Tom déglutit difficilement et leva la tête vers le troisième étage du Pavillon Mémorial puis vers les trois fenêtres où se trouvait le bureau de son père. Peut-être que B'Elanna avait raison après tout. Tom Paris n'était pas pessimiste de nature, pas plus qu'il n'aimait particulièrement quémander. Mais il était prêt à mettre de côté sa fierté pour demander de l'aide à son père.
 
****
 
Seven of Nine examina le panneau de contrôle avec une attention particulière. La technologie était familière, puisqu'elle avait passé de longues heures à étudier les schémas de Starfleet en préparation à ce moment. Elle savait que les codes d'accès seraient de simples algorithmes récursifs et elle avait déjà passé quelque temps à calculer les solutions les plus probables. Cependant, elle savait qu'elle n'aurait que trois essais. Le quatrième échec serait enregistré dans le système et résulterait en l'arrêt complet de la console ainsi que de tous les systèmes branchés. En plus, une alarme se déclencherait, révélant ses tentatives d'infiltration dans les systèmes de Starfleet.
Prudemment, Seven tapa le premier code et le panneau lui retourna un message clignotant en rouge "Accès Refusé". L'ancienne drone Borg garda son calme et tapa la variation suivante la plus probable. Une fois encore, elle reçut le message "Accès Refusé". Seven regarda autour d'elle. Rien dans la salle à part la porte par laquelle elle pourrait s'échapper si elle déclenchait l'alarme. Ce fut alors qu'elle remarqua la ventilation au plafond. Satisfaite de l'option, Seven tapa le troisième et dernier code. A son soulagement, un message en vert s'afficha "Vous êtes branché sur le terminal VT2000".
La procédure de branchement prit quelques minutes et Seven ressentit une pointe d'impatience. En dépit du fait que la salle semblait ne pas avoir été utilisée depuis plusieurs mois, elle savait que ce n'était qu'une question de temps avant que la sécurité réalise qu'elle avait quitté ses quartiers et commence à la rechercher.
Finalement, le terminal montra l'interface familière d'accès à l'ordinateur central avec plusieurs menus d'applications à sélectionner. Les doigts de Seven volèrent rapidement sur le clavier de la console pour accéder aux dernières informations de Starfleet concernant les protocoles de sécurité et les positions de défense actuelles. Elle chargea en plus les dernières versions des cartes stellaires de la Fédération. Pour son intérêt personnel, elle jeta aussi un oeil sur les plans de ce dortoir en particulier, ainsi qu'a son histoire.
Quand les chargements furent terminés, Seven envoya un simple virus de type ver, lequel éradiquerait efficacement toute trace de ses activités sur ce terminal. Satisfaite de ses actions, Seven ramassa sa tablette et escalada prudemment quelques meubles pour atteindre le panneau du plafond. S'étirant vers le haut, elle réussit à peine à faire bouger le panneau. Elle agrippa donc un tabouret pour se donner de la hauteur supplémentaire. Elle parvint enfin à se faufiler dans le plafond et replaça avec précaution le panneau.
 
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T'Sai se leva d'un geste souple et fluide. Janeway avait toujours envié la grâce élégante et discrète que les Vulcains véhiculaient avec eux et la sérénité intérieure avec laquelle ils se présentaient. T'Sai ne faisait pas une exception à la règle en s'approchant du banc, le regard résolument fixé sur Phillipa Louvois.
"Bonjour", commença T'Sai. Sa voix était égale, modulée avec attention, mais elle portait bien à travers la salle. "Il y a sept ans, le Voyager fut perdu. Nous connaissons bien l'histoire. Le Capitaine Janeway avait été envoyé pour capturer un groupe de terroristes du Maquis. Dans les Badlands, le Voyager rencontra une entité appelée le Pourvoyeur, qui les précipita à soixante-dix milles années-lumière au loin. Faisant face à des circonstances entièrement nouvelles, le Capitaine Janeway fit la chose la plus logique qui soit. Elle se donna une nouvelle mission." T'Sai se retourna et observa Janeway. "Sa mission était simple. Ramener son équipage à la maison. Cependant, étant données les forces hostiles aliens et les puissances que le Voyager rencontrerait dans les sept années suivantes, le Capitaine Janeway prit à l'occasion des décisions que la plupart du personnel de Starfleet n'a jamais eu à prendre. A posteriori, nous pouvons souligner chaque violation, mais dans les situations auxquelles a fait face le Capitaine Janeway, il était nécessaire de prendre des décisions rapides. Perdre du temps aurait exposé son équipage, et même son vaisseau, à des risques. Et par-dessus tout, un capitaine doit faire passer son équipage en premier."
Janeway observa Louvois avec attention. L'Amiral semblait absorbée par chaque mot de T'Sai, ses yeux sombres suivant la Vulcaine autour de la salle.
"Pendant la période où le Capitaine Janeway fut dans le Quadrant Delta et plus tard dans 'l'espace bulle'", T'Sai tressaillit visiblement par le terme non-scientifique, "elle a agi avec consistance dans le meilleur intérêt de son équipage. Je croix qu'au moins, nous sommes tous d'accords avec ça." T'Sai jeta un oeil vers la salle du tribunal, comme si elle défiait tous ceux qui étaient présents de la contredire. Janeway remarqua que Louvois remuait sur son siège. Ce n'était pas pour la première fois que Catherine se demandait si le verdict avait déjà été décidé.
"Quand cela était possible, le Capitaine Janeway a obéi à la Première Directive du mieux qu'elle pouvait. Je crois que la preuve en est qu'à plusieurs reprises, Janeway a laissé un membre d'équipage en danger, dans le but d'éviter de violer les lois d'un monde où le Voyager était en orbite. Sachez aussi que le Capitaine Janeway évitait de prendre parti dans des disputes territoriales quand c'était possible et utilisait sa pleine autorité de capitaine de Starfleet pour négocier des traités qui étaient bénéfiques au Voyager autant qu'à l'autre partie."
A cette dernière déclaration, Louvois se redressa un petit peu. Janeway remarqua le mouvement avec un peu d'agitation. Janeway carra les épaules, espérant paraître calme en dépit du fait que son estomac bouillonnait. Avec ironie, Janeway se rappela que même ses négociations avec les Kazons ne l'avaient pas dérangé à ce point.
"Quand on est dans un territoire inconnu, il est impossible de prévoir tout ce qui arrivera. Je crois que cette audition concernant les actions de Catherine Janeway dans sa période dans le Quadrant Delta prouvera sans l'ombre d'un doute qu'elle a agi pour les seuls bénéfices de son équipage et de Starfleet. Je vous en apporterai la preuve, Madame", dit T'Sai, la voix craquant juste un peu, surprenant plus Janeway. "Catherine Janeway est un officier intelligent, hautement distingué, et ses décisions de commandement ont ramené le Voyager à la maison. Comment pouvons-nous la pénaliser pour cela maintenant, étant donné le triomphe de son retour ? Ce serait une conclusion illogique pour un voyage enraciné dans la logique. Je vous remercie."
T'Sai s'assit, et Janeway saisit l'opportunité pour se pencher et la complimenter sur son plaidoyer d'ouverture. T'Sai accepta le compliment de Janeway d'un simple hochement de tête et retourna son attention sur l'avant de la salle tandis que le Commandeur Shelrak montait à l'estrade.
"Quand il s'agit de Catherine Janeway, il est impossible de savoir où commencer", dit le Commandeur Shelrak. Ses petits yeux ronds focalisaient directement sur Louvois. "Je crois que nous avons retenu les charges les plus aggravantes. De notre perspective, il est facile d'applaudir Catherine Janeway comme une héroïne. Après tout, elle a rempli la mission de Starfleet. Elle est allée là où nul autre n'est allé avant et oui, c'est vrai, elle a ramené des quantités de données scientifiques qui seront de grande valeur pour la Fédération pour les années à venir."
"Au moins reconnaissent-ils cela", murmura Janeway dans un souffle. Près d'elle, Evans se renfrogna tandis que T'Sai parut ne pas avoir entendu le commentaire.
"Cependant, même quelques-unes de ces charges sont suffisantes pour renvoyer définitivement n'importe quel officier de Starfleet", poursuivit Shelrak. "Aider et soutenir une puissance hostile ? Génocide ? Abandon du devoir ? Tentative de meurtre ? Messieurs, ceci est un simple échantillon des charges retenues contre Catherine Janeway, et nous abandonnerions nos responsabilités si nous négligions ne serait-ce qu'un seul cas où Janeway viola ces principes parmi les plus sacrés de Starfleet. Je suis sûr que le Commandeur T'Sai a préparé une explication logique pour chacune de ces transgressions." Le mépris dans la voix de Shelrak dérangea Janeway. "Je vous demande tous d'écouter les faits comme je les présente. Je crois que, quand vous aurez tout le tableau de ce qui s'est passé dans le Quadrant Delta, vous serez en mesure de séparer le mythe des faits. Oui, nous ne pouvons pas ne pas tenir compte du retour triomphal à la maison de Catherine Janeway, mais je vous demande aussi de ne pas négliger ces manques flagrants de respect aux valeurs les plus chères à cette institution. Je vous remercie."
Janeway relâcha un soupir de soulagement tandis que Shelrak retournait à sa chaise. Louvois leva les yeux de sa tablette. Elle n'avait pas manqué de remarquer qu'elle avait passé la majorité du temps de parole de Shelrak à prendre des notes. En fait, Janeway avait été légèrement surprise de remarquer que Louvois fut plus intéressée par la déclaration de Shelrak que par celle de T'Sai.
"Merci, conseillers", dit Louvois. Sa voix était graveleuse et elle fit une pause pour prendre une petite gorgée d'eau avant de poursuivre. "Commandeur Shelrak, vous pouvez appeler votre premier témoin."
Shelrak se leva et eut un regard significatif vers Janeway.
"J'appelle Monsieur Chakotay à la barre", dit-il.
Janeway cligna des yeux. Elle savait que Shelrak pouvait à tout moment appeler n'importe qui dans son équipage, mais elle ne s'était pas attendue à ce que Chakotay soit le premier appelé. Les portes à l'arrière de la salle s'ouvrirent et Janeway se força à ne pas se retourner et regarder. Comme Chakotay la dépassait, elle détourna délibérément le regard.
"Jurez-vous de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ?" demanda Louvois tandis que Chakotay prenait place à la barre.
"Je le jure", répondit Chakotay d'une voix ferme et claire. Il fixa directement Janeway et cette fois, elle ne put pas se détourner. Elle pressa les lèvres en un sourire le plus minuscule possible, espérant qu'il savait qu'elle l'avait déjà pardonné.
 
****
 
La dernière fois que Tom s'était tenu dans le bureau de son père, c'était juste quelques heures après avoir révélé ce qui était arrivé sur Caldik Premier. Dire que la réunion le rendait mal à l'aise aurait été une affirmation très en dessous de la vérité. C'était là que Tom avait écarté toute possibilité d'avoir une relation d'adulte avec son père, que le gouffre entre eux était devenu trop grand.
Maintenant, presque dix ans plus tard, Tom se sentait toujours légèrement mal à l'aise dans le bureau de son père, en dépit de leurs retrouvailles cordiales à bord du Voyager huit mois plus tôt. A ce moment-là, Tom avait été transporté de joie à l'idée d'être devenu père, absolument captivé par sa fille à peine née. La profondeur de ses sentiments l'avait étonné. Il avait été capable, même brièvement, de regarder son père d'une nouvelle manière. Plus tard, dans l'espace bulle, Tom avait à l'occasion réfléchi sur ce que serait sa relation avec son père quand le Voyager retournerait finalement dans le Quadrant Alpha. Et il vint à l'esprit de Tom que maintenant qu'il était lui-même père, il désirait énormément raccommoder les choses entre lui et son père.
Maintenant, Tom Paris regardait son père, resté assis derrière son bureau. Dans un sens, Tom se sentait à nouveau comme un adolescent attendant une réprimande.
"Bonjour, Monsieur", dit Tom, gêné. Owen fit signe de la tête vers les chaises devant son bureau.
"Ca fait du bien de te voir, fils", dit Owen. "S'il te plaît, assieds-toi."
La formalité dans la voix d'Owen surprit Tom. Sur le Voyager, Owen avait été chaleureux et même tendre. Dans ses précédentes rencontres, il n'y avait pas eu cette impression de distance entre eux.
"Merci." Tom s'assit. "Comment allez-vous ?"
"Bien." Owen pressa le bout de ses doigts ensembles. "Et toi ? Comment va le bébé ? B'Elanna ?"
"Bien, tous les deux."
"Content de l'entendre." Owen déplaça quelques feuilles sur son bureau, faisant tomber une tablette sur le plancher. Tout ce temps, il semblait déterminé à ne pas rencontrer le regard de son fils. Finalement, il joignit les doigts et leva le regard. "Ca fait du bien de te savoir de retour, Tom."
Tom prit une grande respiration. Son père sonnait assez sincère.
"Merci, Monsieur ", dit-il. "Je suis content d'être à la maison." A sa surprise, Tom réalisa qu'il était vraiment heureux d'être de retour.
"Tu t'en es bien sorti", poursuivit Owen, sa voix craquant très légèrement. Il remua sur sa chaise. "Catherine a fait de bons commentaires sur tes états de service."
Tom s'éclaircit la voix. "Merci, Monsieur. Ca compte beaucoup pour moi de vous l'entendre dire."
Owen Paris examina de près son fils, puis se pencha vers l'avant, sa gêne temporaire disparue. "Le Lieutenant Despere dit que tu as quelque chose à discuter avec moi."
Tom prit une profonde respiration. "Je suis inquiet de ce qui se passe, et B'Elanna aussi. J'ai pensé que vous pourriez faire un peu la lumière sur ce qui nous arrive."
"Je vais faire de mon mieux."
Tom se pencha vers l'avant, encouragé par les paroles de son père. "Que va-t-il arriver au Capitaine Janeway ?"
"Et bien..." Owen Paris s'appuya au dos à sa chaise. "Je peux t'assurer que Catherine a un conseiller compétent. Je suis sûr que tu te rappelles le Commandeur T'Sai ?"
Tom hocha la tête, se rappelant la grande Vulcaine majestueuse qui avait souvent rendu visite aux Paris pour une raison ou pour une autre. "Oui, bien sûr."
"Alors, comme tu peux le voir, j'ai choisi la meilleure avocate possible pour Catherine. Tu n'as pas à t'inquiéter pour sa défense."
"Je m'inquiète surtout que tout soit tellement secret."
"Tu comprends ce besoin de discrétion. L'histoire du Voyager est de celles que beaucoup de gens suivent avec grand intérêt. Alors pour cette raison, il est nécessaire de garder l'affaire en comité restreint, de manière à prévenir la propagation de plus de rumeurs encore. Tom, je t'assure, Starfleet n'est intéressé que par la connaissance des faits réels dans cette histoire."
"Cela sonne comme une recherche de la vérité."
"Oui, exactement."
Tom était soulagé. "Je pensais que c'était plus sérieux, étant donné ce que le Lieutenant Despere a dit au sujet de l'ex-équipage de l'Equinox..."
"Le fait que Charles Despere ait assisté à la préparation de la cause de Starfleet ne signifie pas que ton amie soit une source d'information crédible", dit sèchement Owen. Il s'adossa dans sa chaise dont les pieds grincèrent bruyamment sur le plancher. "N'écoute pas les rumeurs, Tom, peu importe la source bien intentionnée."
Tom rougit aux mots de son père, se rappelant combien de fois ce dernier avait été capable de le rabaisser par de simples mots. Comment avait-il pu oublier à quel point il pouvait être distant à l'occasion ?
"Je vais garder cela à l'esprit", dit doucement Tom.
"Autre chose ? J'imagine que tu es curieux au sujet de ton audience qui approche."
"En vérité..." Tom pencha la tête sur le côté, "je n'y ai pas tellement pensé." C'était vrai. B'Elanna avait passé assez de temps à s'en inquiéter pour eux deux. Tom avait regardé son destin d'un intérêt curieux, tentant d'amoindrir les inquiétudes de B'Elanna avec son humour autocritique. Aussi longtemps que lui, B'Elanna et Miral resteraient ensemble, rien d'autre ne lui importerait pour le moment. "Je suppose que c'est une simple formalité ?"
"Je peux te l'assurer. Tu comprends que les choses ont changé", dit Owen. "Je sais ce que Catherine t'as promis..."
Tom leva une main. "Vous n'avez pas à l'expliquer. Ca va. Peu importe ce qui arrivera."
"Comprends que je ferai tout ce que je pourrai."
"Ca va." Tom sourit. "Faîtes-moi confiance."
Owen Paris semblait remarquablement soulagé. "Bien, alors. Y a-t-il autre chose ?"
"Hum, oui. A propos de l'assignation à nos quartiers..."
"Et bien, oui." Owen remua sur sa chaise, mal à l'aise. "'Assignation' est un petit peu exagéré, mais dans l'intérêt de la sécurité et de la confidentialité, Starfleet sentait que la meilleure chose à faire était que tout l'équipage du Voyager reste dans l'Enceinte Nord jusqu'à nouvel ordre."
"Dans l'intérêt de la sécurité et de la confidentialité ?" demanda Tom incrédule. Amélie avait dit à peu près la même chose, mais de l'entendre de son père donnait à ces mots un poids supplémentaire. "Qu'est-ce que Starfleet attend de nous ? Nous ne sommes pas des criminels, contrairement à la croyance populaire."
"Non, non, vous ne l'êtes pas." Le visage d'Owen s'adoucit un peu. "Ne pense pas que je ne sois pas compatissant, Tom. La dernière chose que je veux est que ma petite-fille soit cloîtrée dans une petite chambre exiguee. J'ai combattu l'ordre du mieux que j'ai pu, mais tu dois comprendre. La situation est devenue de plus en plus politique et j'ai choisi les combats que je pouvais gagner sans perdre la face."
Tom se hérissa à ces paroles. "Sans perdre la face ? C'est ce qu'il y a de plus important pour vous ?"
"Tom, je ne peux aider personne si je lutte dans de vaines batailles. Dans ce cas, les puissances qui s'uniraient contre moi et mon avis auraient plus de poids. Je fais de mon mieux pour aider Catherine, et vous tous. Tu as ma parole."
"Je suis toujours indigné du fait que nous sommes traités comme des criminels."
"C'est compréhensible"
"Si nous avions su le genre de retour à la maison que nous recevrions, nous serions restés dans le Quadrant Delta ou dans l'espace bulle."
"Comme je l'ai dit, fils, je fais du mieux que je peux pour toi et les autres. Tu sais que Starfleet a l'obligation de traiter tous ses officiers avec respect et courtoisie pendant leur confinement et je vais fichtrement m'assurer qu'il en soit ainsi."
"Je suis content de l'entendre, Monsieur", dit sincèrement Tom. Il n'avait aucun doute sur le fait que son père disait vrai au moins sur ce point. La passion dans la voix d'Owen l'en assurait. "Merci."
"Autre chose ?"
"Au sujet du Maquis... ?"
"Aucune décision n'a été prise sur leur statut", dit rapidement Owen. "Tom, je ne veux pas que tu aies l'impression que je cache des informations..."
"Je dois savoir", le coupa Tom. Owen hocha la tête.
"C'est une situation de stress pour nous tous."
"Vous n'avez pas à me dire ça, sir. Si vous savez quoi que se soit..."
"Sur le Maquis, je ne sais rein. Je suis honnête avec toi." Souffla Owen. "Tom, il y a quelque chose que je sais, et je suis content que tu sois venu aujourd'hui, parce que nous avons une chose de la plus grande importance à discuter."
Tom se raidit. Son père semblait encore plus mal à l'aise maintenant qu'au début de la réunion. Tom savait, il le sentait dans tout le corps, que cela ne serait pas une bonne nouvelle.
 
****
 
Marla Gilmore s'humecta les lèvres. Elle avait pris un verre d'eau avant de prendre place au banc, mais pourtant, sa bouche semblait rugueuse. Elle déglutit encore avec difficulté et fixa son regard sur Noah. Elle souhaitait seulement que le gargouillement constant de son estomac cesse.
"Vous vous appelez Marla Gilmore ?" Le Commandeur Hileya la fixa avec ses yeux noirs de fouine. Marla hocha la tête. "Vous devez répondre à haute voix pour l'enregistrement."
"Oui, monsieur", répondit Gilmore. Elle garda sa voix sur un ton neutre et ferme, tout comme son avocate, le Commandeur Maria Pachano, l'en avait avisé. Hileya, un Andorien, tendait à être plutôt vif et brusque dans ses questions, avait dit Pachano. Il aimait garder un rythme animé, une tactique pour garder chaque membre de l'équipage de l'Equinox légèrement décontenancé. Noah avait assez bien témoigné et Gilmore était fière de sa performance. Elle espérait seulement qu'elle pourrait faire aussi bien.
"Et votre grade présent est membre d'équipage ?" demanda Hileya.
"Oui, monsieur." Marla se rappelait encore la honte de s'être fait retirer son rang. Ce jour-là, Gilmore avait su que toutes ses aspirations dans Starfleet avaient disparu. La colère de Janeway avait été telle que Marla avait su qu'en dépit de leur bonne attitude, il serait pratiquement impossible d'obtenir aucune position respectable à bord du Voyager. Chakotay avait été plus clément, mais durant les presque trois ans pendant lesquels Gilmore avait servi à bord du Voyager, Janeway avait rarement pris note de leur présence.
"Vous êtes actuellement affectée à l'U.S.S. Voyager ?" jappa Hileya.
"Oui, monsieur."
"Et avant cela, vous étiez affectée à l'U.S.S. Equinox, sous le commandement du Capitaine Rudolph Ransom ?"
"C'est exact, oui, monsieur", dit Gilmore. Elle prit une profonde respiration, espérant que son anxiété n'était pas trop apparente. Elle voulait aussi être sûre qu'en répondant complètement aux questions de Hileya, elle donnerait les éléments dont elle et ses amis avaient besoin. Elle voulait être sûre qu'elle ne donnerait pas trop d'information. Comme Pachano l'avait dit plus tôt, "Répondez simplement à la question, puis taisez-vous." C'était un bon conseil, et Marla avait l'intention de le suivre.
"Vous avez été affectée à l'U.S.S. Equinox après votre diplôme de l'Académie ?"
"Oui, monsieur." Questions faciles, pensa Gilmore. Mais elle savait que finalement, cela deviendrait plus dur et qu'Hileya commencerait à la questionner sur les événements qui troublaient toujours occasionnellement le sommeil de Gilmore. Même après tout ce temps, ce qui était arrivé à bord de l'Equinox avait toujours le pouvoir de harceler la conscience de Gilmore.
"Vous étiez affectée à l'Ingénierie."
"Oui, monsieur."
"S'il vous plaît, expliquez-nous les circonstances dans lesquelles vous vous êtes retrouvés dans le Quadrant Delta."
Gilmore hocha la tête. Cette question, elle savait qu'elle pouvait y répondre avec un détachement émotionnel. Elle lui était reconnaissante de commencer par là.
"Notre histoire est similaire à celle du Voyager" dit doucement Gilmore. "L'Equinox était un navire scientifique et nous étions en mission pour recueillir des données dans une région près des Badlands. Cependant, une tempête nous a soufflé hors de notre trajectoire et a mis nos senseurs hors service. Comme nous dérivions à travers les Badlands, une entité connue sous le nom de Pourvoyeur nous a attiré dans le Quadrant Delta."
"Où vous avez supposé que vous étiez les seuls êtres humains, jusqu'à ce que le Voyager vous contacte ?"
"Oui, monsieur."
"Combien de temps avez-vous été dans le Quadrant Delta avant que le Voyager ne vous contacte ?"
"Environ sept ans", dit doucement Gilmore. Sept longues et sombres années remplies d'horreurs indescriptibles.
"Pendant que vous étiez dans le Quadrant Delta, vous avez participé à certaines expériences, est-ce vrai ?" Hileya s'approcha du banc, les yeux sombres brillants d'anticipation. En réaction, Gilmore se redressa. Elle refusait de donner à l'avocat Andorien le plaisir de la voir se tortiller.
"Oui, monsieur, sous l'ordre de mon officier commandant, je l'ai fait."
"Et est-ce que ces ordres incluaient d'ôter la vie d'une espèce intelligente ?"
Gilmore tressaillit. "Oui, monsieur, ils l'incluaient."
"Et vous y avez participé volontairement, membre d'équipage ?"
"Sous les ordres de mon officier supérieur, j'ai fait ce qu'on m'a demandé."
Hileya était maintenant à seulement quelques centimètres de Gilmore. "Même si les codes de Starfleet proscrivent spécifiquement le meurtre de tout être, humanoïde ou autre ?"
"Oui, monsieur."
"Et vous étiez aussi responsable de la modification du réacteur de distorsion qui avait rendu possible l'utilisation des restes de..." Hileya hésita, "l'Espèce 6291."
"Oui." Cette fois, Gilmore ne s'était pas donnée la peine d'ajouter le titre honorifique. Elle ne se faisait pas confiance pour garder la voix ferme beaucoup plus longtemps, et elle voyait que Brian et les autres détournaient leur regard d'elle.
"C'est tout pour ce témoin." Hileya lança un regard dédaigneux dans la direction de Gilmore et retourna vers sa chaise. Maria Pachano se leva. Son expression était chaleureuse et respectueuse. Gilmore lui en était immensément reconnaissante.
"Membre d'équipage Gilmore, vous dites que vous étiez dans le Quadrant Delta depuis sept ans avant votre rencontre avec le Voyager ?" s'enquérit Pachano.
"C'est exact", dit Gilmore.
"Et à quoi cela ressemblait-il quand vous êtes arrivé pour la première fois dans le Quadrant Delta ?"
"Nous avons commencé par être bouleversés", dit Gilmore. "Il semblait inconcevable que nous ayons pu être jetés aussi loin. Certains dans l'équipage avaient laissé des enfants derrière eux et nous avions tous des familles et des amis. Ce fut une période difficile."
"Vous avez aussi croisé la garde Krowtonan à cette époque, n'est pas ?"
"Oui, Madame. La première semaine. Trente-neuf morts. C'était la moitié..." Gilmore déglutit, "de notre équipage." Elle avait un souvenir flou d'un tas de corps et du contact d'une amie, les mains s'écartant, couvertes de sang. "J'étais reconnaissante d'être vivante, mais stupéfaite par ce qui nous arrivait."
"Vous étiez à soixante-dix-milles années-lumière de chez vous", dit gentiment Pachano. "Et aviez perdu la moitié de votre équipage la première semaine. Comment vous sentiez-vous ?"
"Effrayée." La voix de Gilmore tremblait légèrement et elle n'osait pas regarder vers Noah et les autres. A ce point, elle se moquait qu'ils pensent qu'elle était faible. Pour une fois, elle allait être honnête sur ce qui s'était passé à bord du vaisseau. "Je ne pensais pas que nous nous en sortirions. Rudy, le Capitaine Ransom, était confiant. Nous allions maintenir la mission de Starfleet, nous allions être des explorateurs, ferions des découvertes scientifiques. Alors, nous nous sommes soutenus pendant un temps."
"Vous aimiez l'idée d'être les premiers explorateurs du Quadrant Delta ?"
"Oui, Madame, nous aimions cette idée." Gilmore sourit. "Il y aurait des défis et nous les attendions avec impatience. Nous étions des officiers scientifiques, après tout. Mais après quelques années, nous avons découvert que faire uniquement de l'exploration n'était pas possible."
"Pourquoi ça ?" demanda Pachano.
"L'Equinox était un vaisseau de classe Nova. Nous avions un minimum d'armement et aucune ressource qui nous aurait servi à reprendre des forces. Notre vitesse maximale était distorsion huit, dans nos bons jours. La moitié du temps, en fait, nous étions trop endommagés pour parvenir à dépasser distorsion cinq. Nous avons passé beaucoup de temps à nous cacher dans les nébuleuses pendant que nous faisions de notre mieux pour garder le vaisseau en un seul morceau." Gilmore secoua la tête. "Je ne comprends toujours pas comment nous y sommes parvenus. Quelque fois, ça à été un miracle que nous ayons même pu survivre à ces deux premières années."
"Parlez-moi de l'Espèce 6291." Tout comme Hileya, Pachano choisit de se référer à ces créatures nuclogéniques par leur désignation Borg. "Vous avez fait leur découverte sur le monde d'origine Ankari."
"Oui, Madame, c'est cela. Nous étions en orbite autour d'Ankari. Nous n'avions absolument plus de dilithium, plus de nourriture, et de mon côté, j'avais fait tout ce que je pouvais pour garder le vaisseau en un seul morceau. Nous étions au plus mal. Les Ankaris furent assez amicaux pour nous faire un petit spectacle, nous montrant l'Espèce 6291. Les Ankaris les appelaient les 'messagers'." Gilmore secoua la tête. "Nous avons échangé de la technologie et avons appelé une de ces créatures dans le labo scientifique, mais quelque chose s'est mal passé. La créature a refusé de rester dans son champ de contention et finalement, elle est morte en tentant de briser la barrière."
"Alors ce fut à ce moment que vous avez découvert que ce corps pouvait être transformé en une substance antimatière qui pourrait vous propulser à dix milles années-lumière en moins de deux semaines ?"
"Oui, Madame."
"Comment vous êtes-vous senti quand vous avez converti le corps en énergie ?"
"Horrible, absolument horrible", dit Gilmore. Elle dirigea son dernier commentaire vers Hileya. "Une partie de moi ne pouvait pas croire ce que je faisais, mais à ce moment, nous étions désespérés. Je hais à le dire, mais je ne pense pas qu'il y ait grand chose que j'aurais alors pu refuser. Je voulais retourner à la maison, je voulais vivre..." sa voix craqua, "je sais que ce que j'ai fait est mal, mais si vous aviez été là, dans les conditions où nous nous trouvions, vous auriez fait la même chose."
"Merci, membre d'équipage." Pachano jeta un oeil vers l'amiral présidant l'audition. "J'apprécie votre franchise. C'est tout ce que j'ai à demander."
Hileya sauta de sa chaise et marcha droit vers le banc, l'air déterminé.
"Vous avez continué à chasser l'Espèce 6291 même en sachant que vous commettiez un crime haineux", la défia Hileya.
"Oui, monsieur." Gilmore leva le menton en défit. "J'ai expliqué les circonstances..."
"Avez-vous cherché des méthodes alternatives ?"
"Et bien, au début..."
"Vous êtes ingénieur, Mademoiselle Gilmore. J'ai de la difficulté à croire que vous ne pouviez pas trouver une source alternative de combustion", poursuivit Hileya. "Vous possédiez de toute évidence la capacité de modifier le réacteur de distorsion, alors pourquoi ne pas trouver un moyen de modifier un combustible organique existant pour alimenter la puissance du vaisseau ?"
"Nous avons essayé plusieurs choses..."
"Et vous avez abandonné quand vous avez découvert l'Espèce 6291."
Gilmore se mordit la lèvre. A cette époque, en dépit de ses réserves et du fait que l'équipage se sentait moralement malade par ce qu'ils faisaient, oui, ils avaient abandonné la recherche de sources de carburants alternatifs. "Oui, monsieur", répondit-elle. Elle glissa un regard vers Noah et vit qu'il avait couvert son visage avec ses mains. Je suis désolée, pensa Gilmore en regardant vers tous ses amis. Elle savait qu'elle s'était au moins elle-même condamnée, sans mentionner les autres.
"Alors vous avez pris la sortie la plus facile", commenta Hileya.
Elle n'avait pas d'autre choix que de l'avouer.
"Dites-moi, Mademoiselle Gilmore", dit Hileya, "quelles sont les proportions exactes du composé généré par rapport à l'augmentation de l'efficacité du moteur de distorsion ?"
"Dix isogrammes nous fournissaient une augmentation de zéro point zéro trois pourcents", admit Marla. "Nous étions capables de traverser dix-milles années-lumière de plus avec chaque augmentation."
"Alors vous en avez tué une, extrait le composé, et quand vous l'avez épuisé, vous en avez tué une autre ?"
"Oui", la voix de Marla était à peine un murmure.
Hileya se tourna vers le juge et hocha la tête.
"J'en ai fini avec le témoin", dit-il dans un ricanement. "Plus d'autres questions."
Gilmore regarda vers Pachano, voulant que son avocate se lève et lui demande quelque chose qui émousserait l'impact de l'interrogation de Hileya, mais Pachano resta assise. Finalement, le juge se pencha.
"Membre d'équipage Gilmore, vous pouvez disposer. Veuillez s'il vous plaît regagner votre place."
Quand elle se leva, ses jambes semblèrent faiblir, mais d'une manière ou d'une autre, Marla Gilmore se rendit à sa chaise sans incident.
 
*****
 
Chakotay n'osait pas regarder vers Catherine.
Au début, les questions que lui posaient Shelrak étaient relativement innocentes. Ils passèrent par les questions rudimentaires telles que le nom, le rang, l'historique, et certaines autres de bases. C'étaient des questions faciles, celles que Chakotay savait pouvoir répondre sans blesser sérieusement son amie. Cependant, il savait que Shelrak ne le laisserait pas partir aussi facilement.
"Commandeur Chakotay, est-il vrai que vous avez objecté quand Janeway a accepté une trêve avec le Borg ?" demanda Shelrak. L'homme se tenait directement devant Chakotay, sa tête reptilienne sautillante. Les embouts du ventilateur de lèvres de Shelrak sifflaient, le faisant souffler de manière saccadée. Après avoir inhalé le mélange de méthane, le bruit saccadé cessa.
"Oui", dit rapidement Chakotay. Il avait passé en revue son témoignage avec T'Sai le jour d'avant, et elle l'avait avisé de répondre simplement à la question et de ne pas fournir de détails additionnels, à moins que cela ne soit spécifiquement demandé.
"Expliquez-nous pourquoi vous n'avez pas soutenu votre capitaine." Shelrak claqua des mains devant lui.
Chakotay fronça les sourcils. "En tant que Premier Officier, il était de ma responsabilité de donner mon opinion quand la situation le justifiait. Je l'ai fait."
"Alors vous avez spécifiquement recommandé de ne pas former une alliance et Janeway rejeta votre avis ?"
"Elle était le capitaine et elle a pris la décision qu'elle estimait être la meilleure à ce moment."
Shelrak s'avança vers le banc. "Même si techniquement, elle aidait et soutenait une puissance hostile en violation des Règles Générales de Starfleet ?"
"Je crois, avec tout le respect que je vous dois, monsieur, que la règle Générale Onze donnait au capitaine le droit de négocier un traité avec toute entité, si l'action sauvait la vie de son équipage", dit prudemment Chakotay.
"Même si la Fédération est impliquée dans un état de guerre non-déclarée avec les Borgs ?" demanda Shelrak, les yeux de fouine brillant en s'approchant de Chakotay.
"Le Capitaine Janeway a pris le bien-être de son équipage en considération par-dessus tout. Etant donné les circonstances, elle n'avait pas beaucoup le choix", répondit Chakotay. Il croisa les doigts afin de stopper le tremblement de ses mains. En levant le regard, il vit Janeway qui le surveillait, ses yeux remplis d'une compassion similaire.
"Si je me rappelle bien, Monsieur Chakotay, votre journal spécifiait la mention d'une solution alternative. Vous avez proposé la colonisation d'une planète de classe M, n'est-ce pas ?" demanda Shelrak.
Chakotay remua sur sa chaise, mal à l'aise. "Oui."
"Vous auriez pu aussi contourner le territoire Borg, n'est-ce pas, et éviter cette Espèce 8472 ?"
"Oui"
"Alors en vous aventurant dans le Passage du Nord-Ouest, le Capitaine Janeway exposait délibérément son équipage aux risques..."
"Objection." T'Sai se dressa sur ses pieds. "Le Commandeur émet une déclaration sur ma cliente sans aucun fondement. Je n'ai pas entendu de question."
Shelrak lança un regard à T'Sai, puis leva la tête vers Louvois. Ce dernier hocha la tête.
"Objection retenue. Commandeur, pouvez-vous recomposer votre question pour le témoin", dit Louvois. Shelrak soupira tout haut.
"Monsieur Chakotay, est-ce vrai qu'en traversant ce que vous appeliez le Passage du Nord-Ouest, l'équipage du Voyager ferait face à des risques ?"
"Oui", dit Chakotay. Il se mordit la lèvre en regardant Janeway. A cet instant, son amie semblait absorbée par ses ongles, et Chakotay pensait que cela valait mieux. Il ne désirait pas voir l'expression sur son visage pendant qu'il répondait à ces questions vaguement condescendantes.
"Lequel, je suis sûr que vous le reconnaîtrez, est une violation de la règle Générale Dix-Sept."
"Objection." Cette fois T'Sai parla de sa chaise et sa voix était calme, mais portait avec force dans la salle. "Le Commandeur devra s'abstenir à faire de tels commentaires incendiaires, lesquels ne sont pas basés sur des faits, mais simplement sur une opinion. De tels commentaires sont sans valeur."
"Je suis d'accord." Louvois fixa Shelrak. "Prenez garde, Commandeur. Vous êtes déjà venu dans ma salle de tribunal et vous savez que je ne supporte pas de telles tactiques."
"Oui, votre honneur", dit humblement Shelrak, mais Chakotay n'était pas dupe. Il sentait que Shelrak voulait du sang, spécifiquement celui de Catherine.
"Reprenez votre interrogation."
"Y avait-il une raison dans le choix de la traversée de cette partie de l'espace, tout en connaissant les dangers auxquels vous faisiez face ?" demanda Shelrak. Chakotay hocha la tête, incapable de parler, la gorge sèche et rugueuse.
"Vous devez répondre à la question à voix haute", rappela Louvois à Chakotay.
"Oui", dit Chakotay. "C'était la priorité de Catherine et elle avait promis de ramener l'équipage à la maison. S'installer dans le Quadrant Delta n'était pas une option."
"Alors elle préférait risquer la vie de l'équipage ?" demanda Shelrak, une note d'incrédulité dans la voix. Il lança un regard vers Janeway, et Chakotay fut fier de voir que Catherine n'avait pas fléchi sous le regard de l'avocat.
"C'était un risque calculé", dit Chakotay. "Elle avait déterminé que ce serait le plus sage."
"Mais en dépit de sa 'détermination de sagesse', elle a fait une erreur tactique, n'est-ce pas ? Elle a commencé une négociation sans connaître tous les faits."
"Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous dites", dit Chakotay. En fait, il savait exactement où voulait en venir Shelrak et il espérait que T'Sai allait objecter face à cette ligne d'interrogation. Malheureusement, la Vulcaine demeura assise.
"En vos propres mots, veuillez dire à l'assemblée ce que vous avez appris au sujet des Borgs et de l'Espèce 8472."
Chakotay s'éclaircit la voix. "J'ai découvert que les Borgs nous avait menti."
"De quelle manière ?" Shelrak s'avança vers le banc.
"C'étaient eux qui avaient commencé la guerre avec l'Espèce 8472."
"Alors en signant un traité avec eux, vous leur avez donné la possibilité de perpétuer cette guerre ?"
Chakotay déglutit difficilement. La boule dans sa gorge était douloureuse.
"Ca dépend de la manière de le voir", dit Chakotay. Il n'osait plus regarder Catherine. Je vous supplie de me pardonner, pensa-t-il.
"Selon votre opinion, est-ce que le Voyager a aidé et soutenu une puissance hostile ? Une avec laquelle la Fédération a été en état de guerre non-déclarée depuis des années ?" La voix de Shelrak était inhabituellement crispée.
"Sans le savoir."
"Selon votre opinion, est-ce que Catherine Janeway a été négligente dans la recherche complète des circonstances entourant la situation avant de signer le traité ?"
T'Sai se leva et soupira bruyamment. "Une fois de plus, le Commandeur Shelrak fait état de son opinion, déguisée sous la forme d'une question. Je demande qu'elle soit retirée du procès verbal."
Louvois fronça les sourcils. "Je ne suis pas d'accord, Conseillère, et j'aimerais entendre la réponse. Monsieur Chakotay."
"Nous avions des informations..."
"Quel genre d'informations ? Quelle était la source de ces informations ?" jappa Shelrak.
"Les dépouilles des Borgs, pour commencer", dit Chakotay. Il garda la voix basse, espérant que ses pairs directement à sa droite ne l'entendraient pas. Il n'eut pas une telle chance, Louvois lui demanda d'élever la voix.
"Autre chose qui aurait pu contribuer à la décision ?" s'enquérit Shelrak.
Chakotay observa Catherine. Elle pencha légèrement la tête sur le côté.
"Une des membres de notre équipage, Kes, avait fait l'expérience d'une vision télépathique dans laquelle elle avait reçu un message. 'Les faibles périront.'"
"Alors sur la base de ces deux seules informations, le Capitaine Janeway a décidé de former une alliance avec les Borgs ?"
"Oui." Chakotay glissa un regard bref vers ses mains. Malédiction, qu'il avait été difficile de prononcer cette syllabe. Quand il relevala tête, il vit que Shelrak consultait ses notes. L'irritation remplit chaque cellule de son corps alors qu'il regardait le procureur inhaler le mélange de son ventilateur avant de se retourner vers le banc.
"Changeons de sujet", dit brusquement Shelrak. Chakotay se détendit. Il savait qu'il s'en était sorti relativement bien dans ce cas, puisque Shelrak aurait pu poser plus de questions la condamnant. Dans un sens, l'omission de plus de questions pointilleuses était presque louche en elle-même. "J'ai passé en revue votre journal, Monsieur Chakotay. J'ai remarqué la mention de la traversée d'une région d'espace mort. Combien de temps êtes-vous restés dans cette région particulière ?"
"Environ trois mois", dit Chakotay. Il se rappelait aussi tous les moments ennuyants de ce époque. L'équipage était tombé dans une telle routine redondante. Chaque jour ressemblait au précédent avec une exactitude effrayante. Il y avait eu des moments où Chakotay avait senti qu'il était pris dans une sensation perpétuelle de déjà vu. Mentalement, ces trois mois furent parmi les plus durs de leur séjour dans le Quadrant Delta.
"Je crois que vous avez pris le commandement du vaisseau durant ce temps ?" demanda Shelrak assez aimable.
"Non, je ne l'ai pas fait", dit Chakotay. "Le Capitaine a maintenu le commandement du vaisseau."
"Je suis confus, alors", dit Shelrak. "Votre journal de bord mentionne spécifiquement que le Capitaine est restée recluse la plupart du temps, pendant que vous avez traversé l'espace mort."
"Il peut le mentionner, je ne me rappelle pas", répondit Chakotay d'un ton neutre. Shelrak laissa tomber la tablette devant T'Sai et puis en avança une autre pour que Chakotay la voit.
"Peut-être que ceci vous rafraîchira la mémoire", dit Shelrak. "Est-ce une note de votre journal ?"
A contrecoeur, Chakotay passa en revue le contenu la tablette. "Oui, ça l'est."
"Dans votre journal, vous dites spécifiquement que le Capitaine n'a pas quitté ses quartiers pendant quatre-vingt-dix jours. Est-ce vrai ?"
"Ca peut l'être", dit Chakotay. "Mais je vous assure que rien ne s'est passé sur le vaisseau sans que le Capitaine n'en soit informée ou qu'elle ne l'approuve."
"En dépit du fait qu'elle ne soit pas apparue sur la passerelle pendant tout ce temps ?"
"Ce n'était pas nécessaire", dit fermement Chakotay. "La situation était telle, que si le Capitaine avait besoin de se prendre du temps, c'était le moment idéal pour ça. Il n'y avait aucun intérêt scientifique, pas plus que nous avons rencontré aucune autre espèce alien. Si l'une ou l'autre de ces circonstances s'était produite, je vous l'assure, le Capitaine Janeway se serait occupée elle-même de la situation."
"Alors vous avez pris la bonne marche du vaisseau durant ce temps ?"
"Je ne dirais pas ça. J'ai consulté Janeway à chaque jour."
"A combien de reprise ?"
Chakotay le considéra. Au petit déjeuner, s'il se rappelait correctement. Les réunions consistaient en Catherine les yeux plongés dans son café tandis qu'il parlait. Elle prenait à peine conscience de sa présence et puis il partait, sachant qu'elle n'avait pas entendu un mot de ce qu'il avait dit. A cette époque, il était alternativement furieux ou inquiet pour Catherine. Elle ne s'était jamais retranchée autant en elle-même avant. Mais il refusait de laisser Shelrak et les autres savoir à quel point ce moment avait été difficile pour lui.
"Je la voyais une fois par jour", dit finalement Chakotay.
"Et une fois par jour était suffisant pour que le Capitaine puisse comprendre toutes les opérations de son vaisseau ?"
"Il ne se passait pas grand chose." La voix de Chakotay était à la limite.
"Dans une de vos notes, vous commentez que le Capitaine semblait avoir perdu intérêt au vaisseau.Etait-ce une affirmation véridique ?"
"Je ne m'en rappelle pas."
"Peut-être voudriez-vous revoir vos notes par vous-même ?" demanda Shelrak d'une voix descendant vers le mépris. Il passa une tablette à Chakotay.
"Est-ce de vous, Monsieur Chakotay ?"
"Oui," dit Chakotay la voix à peine plus forte qu'un murmure. Il se maudit à ce moment d'avoir été si fichtrement honnête dans son journal de bord. Mais dans l'esprit, il avait été si seul à ce temps. Son amie la plus proche s'était enfermée dans ses quartiers et B'Elanna semblait perpétuellement sur les nerfs, son humeur s'enflammant à la moindre provocation. Sa seule issue était son journal de bord et si seulement il avait su que Starfleet allait utiliser ses commentaires contre Janeway, il se serait retenu. "Mais vous en parlez hors du contexte. Si vous relisez mes notes, vous allez voir que j'ai dit que le Capitaine semblait s'ennuyer, comme tout le monde à bord, et il était difficile de s'intéresser à quoi que ce soit."
"J'image que vous avez raison", dit Shelrak, encore qu'un peu à contrecoeur. Chakotay se sentit un peu triomphant par l'inconfort de l'avocat. Pas une assez grande victoire pour donner à Catherine la main haute, Chakotay le savait, mais c'était un petit point en sa faveur et pour ça, il en était content. "Mais je trouve toujours qu'il est difficile de croire qu'un capitaine s'enfermerait dans ses quartiers pendant quatre-vingts-dix jours d'affilée. Pour moi, cela sonne comme un signe clair d'abandon de son devoir."
"Objection." T'Sai semblait légèrement fatiguée, comme si elle avait elle aussi voyagé à travers l'espace mort. "Je n'ai pas entendu la question."
"Accordé. Vous avez été averti", dit Louvois. "Posez une question, Commandeur et veuillez éviter de faire des commentaires gratuits."
Shelrak hocha la tête. "Mes excuses, votre honneur. Je crois en avoir terminé avec le témoin pour le moment."
Chakotay cligna. C'est tout ? Bien qu'il supposait qu'il devait être reconnaissant envers Shelrak de l'avoir laissé partir relativement aussi facilement.
"Nous allons faire une pause de quinze minutes", annonça Louvois. "Quand nous reprendrons, Commandeur T'Sai, vous aurez l'opportunité de contre-interroger ce témoin."
T'Sai hocha la tête et tourna son attention sur sa tablette. Chakotay laissa échapper un soupir de soulagement. Aucun doute, l'examen minutieux de T'Sai rachèterait Catherine. Il n'en doutait pas. C'était seulement une question de temps.
 
 
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Ecrit par: Seema
version française: André
Producteurs: Thinkey, Anne Rose et Coral
Remerciements aux différents correcteurs: Coral (version originale), Laurent (version française).

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